Climat : "Ce sont les entreprises qui détiennent le plus de cartes en main"
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Eric Duverger initiateur de la Convention des Entreprises pour le Climat "Ce sont les entreprises qui détiennent le plus de cartes en main"

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Après un parcours d’une vingtaine d’années dans des fonctions finances, marketing et stratégie chez Michelin, Eric Duverger décide à son retour des États-Unis en 2020 de prendre deux années sabbatiques pour se dédier à la transition écologique. Dans la foulée, il lance la Convention Entreprises Climat, initiative du monde économique pour proposer une réponse sur l’urgence à s’emparer de la transition écologique.

Pour Eric Duverger, initiateur de la Convention des Entreprises pour le Climat, "les entreprises doivent sortir de leurs habitude" — Photo : Vanessa VOARINO

Quel a été l’élément déclencheur de la création de la Convention des entreprises pour le climat ?

J’étais arrivé à un stade de ma carrière où, en tant que directeur marketing et stratégie d’une business unit de Michelin, j’avais clairement perçu la dissonance entre la trajectoire stratégique prise par le groupe et la trajectoire qu’il fallait adopter si l’on prenait conscience de l’urgence et des enjeux environnementaux. Il n’était pas possible de continuer ainsi selon moi. Avec les emplois qu’elles génèrent, l’influence qu’elles ont sur les consommateurs, leurs capacités en termes de recherche et d’innovation, ce sont les entreprises qui détiennent le plus de cartes en main. Sans elles, nous n’avons aucune chance de réussir cette redirection. Suite à la Convention citoyenne pour le climat, j’ai souhaité réunir une équipe d’une soixantaine de bénévoles et un panel de dirigeants prêts à prendre conscience des enjeux et à accepter de réenvisager leur stratégie à l’intérieur des limites planétaires.

Selon vous, l’engagement des entreprises en matière de RSE est encore trop timide ?

Au moment de recruter des chefs d’entreprise pour la Convention, nous nous sommes heurtés à des objections telles que "Nous n’avons pas le temps" ou "Tout va bien, nous faisons déjà le maximum". Un discours qui n’est pas audible selon moi et suscite mon indignation alors que tout le monde sait que la trajectoire que nous avons prise nous amène sur un scénario plus que difficile. Quant aux grands groupes, ils sont suffisamment structurés au niveau communication pour dire ce qu’ils font bien, mais non pour dire ce qu’ils pourraient faire de plus ou ce qu’ils font mal.

À quoi doit ressembler l’entreprise d’aujourd’hui pour préparer le monde de demain ?

C’est une entreprise où le dirigeant s’engage à prendre soin du facteur humain et des écosystèmes, au même niveau qu’il prend soin des profits générés. Il y a une attente très forte des salariés qui mettent la pression sur les instances dirigeantes. Les entreprises n’ont plus le choix, c’est le "walk the talk" des Américains : il ne doit plus y avoir de décalage entre leurs intentions et ce qu’elles déclenchent au niveau opérationnel. C’est aussi une entreprise qui fait preuve de sincérité dans son engagement, dans sa communication et dans sa trajectoire : il n’est plus possible, selon moi, vu les enjeux et leurs conséquences, de faire preuve d’insincérité dans sa communication. Elle doit mettre en place des mécanismes de comptabilité extra financière et être aussi transparente sur ses indicateurs extra financiers et sur son impact sur l’environnement qu’elle l’est sur ses indicateurs financiers.

Quels sont vos conseils pour sauter le pas ?

Les entreprises doivent sortir de leurs habitudes. Tous les agendas des dirigeants qui affirment avoir trois priorités - people, profit, planet - doivent refléter ce qu’ils déclarent. Soit consacrer un tiers de leur temps à leurs collaborateurs et à leur bien-être, un autre tiers à la stratégie et à la rentabilité de leur entreprise et un dernier tiers à comprendre l’urgence, les limites planétaires et à agir pour l’environnement.

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