Ce que l’impression 3D peut vraiment apporter à votre entreprise
# Industrie

Ce que l’impression 3D peut vraiment apporter à votre entreprise

S'abonner

Après avoir donné beaucoup d’espoirs aux industriels, l‘impression 3D est loin d’être couramment utilisée en France, sauf pour le prototypage. Si elle n’est pas encore rentable pour concurrencer des procédés de fabrication déjà bien optimisés, elle peut quand même apporter beaucoup aux entreprises.

En quatre ans, le nombre d’imprimantes fabriquant de petites pièces a progressé de 144 % dans le monde. Les imprimantes industrielles sont, elles, à la peine. — Photo : Luchschen

L’impression 3D alimente bien des spéculations : elle pourrait révolutionner le commerce mondial et modifier totalement le visage de la production industrielle. Toutes les études sur la fabrication additive prévoient une croissance très forte du marché dans les prochaines années. Selon le cabinet IDC, l’impression 3D pèsera 35 milliards de dollars dans le monde à l’horizon 2020, contre 15,9 milliards en 2016. Quand on sonde les professionnels de terrain, la réalité semble encore loin de cette révolution annoncée. « Pour des raisons de coûts et de rapidité des machines, je ne vois pas l’industrie automobile se mettre à fabriquer, du jour au lendemain, 2 000 voitures par jour en impression 3D », juge Christophe Thomas, président d’Anjou Maquettes Prototypes, une PME qui fabrique de petites séries et des prototypes, notamment pour l’automobile. « Aujourd’hui, c’est un non-sens technologique et financier de dire que l’impression 3D va faire de la grande série », affirme pour sa part Sébastien Leduc, de l’Agence de développement économique d’Alsace (Adira) qui a créé un club de l’impression 3D il y a quatre ans.

Beaucoup d’espoirs, mais une stagnation

Que ce soit aux États-Unis (très en avance dans ce domaine) ou en France, le constat est identique : le nombre d’imprimantes de bureau semi-professionnelles pour fabriquer rapidement de petites pièces explose (+144 % en quatre ans selon Deloitte) tandis que la croissance d’imprimantes industrielles de production à plus grande échelle est moindre (+17 %).

« L’impression 3D a donné beaucoup d'espoirs aux industriels, mais pour le moment, ils l'utilisent plutôt pour du prototypage »

Pour l’Alsacien Sébastien Leduc, après une forte progression, le développement de ces technologies a même tendance à stagner. Un nouveau gap technologique doit être franchi et les industriels hésitent à investir dans des machines très onéreuses. « L’impression 3D a donné beaucoup d'espoirs aux industriels, mais pour le moment, ils l'utilisent plutôt pour du prototypage », poursuit Sébastien Leduc. En cause, le coût, la vitesse d'impression, la question des matériaux et la technologie qui n’est pas souvent mature. « Elle l’est pour tester des pièces ou fabriquer de petites séries, et dans certains secteurs d’activité où le coût unitaire de fabrication est très élevé : l’aéronautique, le spatial, la formule 1, le médical », précise le responsable de l’Adira.

Faciliter la fabrication de pièces à valeur ajoutée

Surtout, les industriels n’ont pas tous compris l’intérêt de l’impression 3D. En raison des coûts élevés, elle n’est conseillée que si elle s’accompagne d’une conception et d'une ingénierie en amont renouvelées. « Si vous fabriquez une pièce à l’identique, souvent ça n’est pas rentable. Il faut tirer la quintessence du procédé pour faire différemment. Certains industriels l’ont très bien intégré. Par exemple, au lieu de produire six pièces, ils décident de n’en fabriquer plus qu’une », détaille Julien Bajolet, responsable de recherche en fabrication additive au Centre technique industriel de la plasturgie et des composites, situé à Grenoble. Dans l’immédiat, l’impression 3D n’a donc pas vocation à remplacer les lignes de fabrication classiques aux process déjà optimisés, mais à faciliter la fabrication de pièces très difficiles à produire et à valeur ajoutée. « Elle est ainsi adaptée pour les pièces uniques en séries nécessitant une grande personnalisation », explique Julien Bajolet. La start-up parisienne Grismont a par exemple recours à la fabrication additive pour sortir des clubs de golf personnalisés. L’entreprise suisse Accelerate Innovation Management l’utilise pour fabriquer des fonds de montres esthétiques en un seul bloc. Des prothésistes réduisent leurs stocks en fabriquant des prothèses en titane personnalisées à partir de la radio de chaque patient.

Réduire les stocks et faire des économies

La réduction des stocks est l’un des potentiels encore peu explorés de l’impression 3D, capable d’améliorer le service après-vente et la gestion du cycle de vie des produits, avec à la clef, des économies substantielles. « À l'avenir, j’imagine bien les fabricants d’automobiles investir dans une machine de fabrication additive par région et plutôt que de stocker les pièces de rechange, imprimer à la demande », explique Julien Bajolet. Le secteur du ferroviaire qui s’équipe de pièces aux cycles de vie de 50 ans est contraint de fabriquer des moules pour chaque objet à remplacer. « Les coûts de SAV sont surnaturels. Là aussi, il serait possible de stocker des fichiers 3D et d’économiser des sommes folles », poursuit le Grenoblois.

Optimiser le process dans la plasturgie

L’impression 3D a aussi un grand intérêt pour optimiser les process. La fabrication en 3D d’empreintes de moules pour injecter des plastiques se démocratise. « Ces moules sont plus efficaces que les moules traditionnels car ils permettent de faire des canaux de refroidissement. Dans certains cas, on peut diminuer les temps de cycle de fabrication des pièces plastiques de 50 % », fait valoir Julien Bajolet.

Repousser les limites de conception

La fabrication additive métallique, bien moins répandue et plus récente que l’impression 3D en matériaux polymères, offre, elle aussi, des procédés très variés et des opportunités importantes. « Elle permet de réaliser des formes très complexes et repousser les limites de conception. On peut obtenir des gains de masse en réduisant les assemblages, optimiser la géométrie des pièces, leur ajouter des fonctions, améliorer les performances. On est aussi capable de réduire les temps de développement grâce à des prototypes directement fonctionnels », explique Pauline Le Borgne, chef de projet fabrication additive au Centre technique des industries mécaniques (Cetim). Les promesses de la fabrication additive métallique sont importantes dans l’aéronautique notamment, qui s’y investit fortement. Et si l’on s’en sert actuellement pour les pièces faiblement sollicitées, les recherches vont bon train pour faire sauter les verrous technologiques et l’absence de certitudes sur les procédés et matériaux. C’est tout le travail de la nouvelle plateforme française d’accélération « Add Factory Hub » inaugurée en région parisienne à Saclay au mois de décembre.

# Industrie