Ce que contient le projet de loi sur l’industrie verte
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Ce que contient le projet de loi sur l’industrie verte

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Bruno Le Maire a présenté au conseil des ministres son projet de loi sur l’industrie verte. Pour réindustrialiser la France, le ministre de l’Économie compte réduire les délais administratifs, déployer de nouveaux dispositifs de financement et de protection de l’industrie tricolore.

Avec son projet de loi sur l’industrie vert, le gouvernement compte faire remonter la part de l’industrie dans le PIB à 15 %, contre 10 % aujourd’hui — Photo : malp

Réindustrialiser et décarboner. Ce sont les deux objectifs du projet de loi sur l’industrie verte que Bruno Le Maire a présenté au conseil des ministres ce mardi 16 mai. Un projet de loi dont Emmanuel Macron avait dévoilé les grandes lignes la semaine passée. Pour conforter la fragile réindustrialisation du pays, le projet de loi joue principalement sur trois leviers : du foncier plus rapidement disponible, de l’argent et des mécanismes de protection favorisant les bons élèves sur le plan environnemental.

Des délais administratifs divisés par deux

Bruno Le Maire a confirmé l’engagement d’Emmanuel Macron : diviser par deux les délais administratifs nécessaires à l’ouverture ou à l’agrandissement d’une usine en France. Ils sont en moyenne de 17 mois aujourd’hui. À comparer aux neuf mois que les mêmes procédures prennent en Allemagne. Le projet de loi doit permettre de les faire passer à 9 mois maximum. Comment ? En amorçant une petite révolution bureaucratique. Les différentes procédures (avis de l’autorité environnementale, enquête publique, permis de construire…) ne seront plus réalisées les unes à la suite des autres, mais en parallèle. "Il n’y a aucune raison que l’on soit plus lent que les autres", appuie Bruno Le Maire. Dans sa présentation à la presse du projet de loi, le ministre de l’Économie n’a en revanche pas dit un mot sur les délais liés aux recours contentieux, qui paralysent les dossiers parfois pour des années, comme l’a mis en lumière notre enquête en Bretagne. Le dossier de presse du gouvernement évoque toutefois à ce sujet le "lancement de travaux interministériels sur la simplification et la réduction des délais du contentieux relatif aux autorisations administratives des projets industriels". Plusieurs pistes sont à l’étude à ce sujet comme "la désignation de juridictions administratives spécialisées".

50 friches et une procédure d’urgence

Pour gagner du temps, l’État compte mettre à disposition des projets industriels 50 friches, déjà dépolluées et réaménagées, s’étendant sur quelque 2 000 hectares. Cet aménagement des friches et la mise à disposition du foncier seront notamment portés par une enveloppe d’un milliard d’euros confiée à la Banque des Territoires. Si l’on en croit Emmanuel Macron, cette action sera prolongée : "On a besoin de 20 000 à 30 000 hectares nouveaux si on veut réindustrialiser massivement. Il se trouve que nous avons dans notre pays de 90 000 à 150 000 hectares de friches industrielles", indique le président de la République.

Et pour certains projets, ceux qui ont un intérêt national à l’image des gigafactories de batteries automobiles ou de semi-conducteurs, l’État veut aller encore plus vite. Pour cela, il prendra la main et agira par décret. "Nous réaliserons l’intégralité des procédures. Nous voulons agir en quelques semaines et non pas en quelques mois", fixe Bruno Le Maire.

Les enfants vont financer l’industrie

L’industrie a besoin de foncier, mais aussi de financement. L’un des principaux changements porté par le projet de loi est la création d’un plan d’épargne climat, visant à mobiliser l’épargne des plus jeunes français vers l’industrie décarbonée tricolore. Réservé aux jeunes de moins de 18 ans, il pourra être ouvert par les parents dès la naissance de l’enfant. Ce plan d’épargne bénéficiera d’une rémunération supérieure au Livret A et de conditions fiscales qualifiées d'"exceptionnelles" par Bruno Le Maire. La sortie s’opérera sans aucune taxe et sans aucune charge. L’épargne collectée sera fléchée uniquement vers des projets industriels "verts", la Caisse des Dépôts allant être chargée de veiller à ce que les fonds soient bien utilisés à cette fin.

Nouveau crédit d’impôt

L’État participera évidemment au financement de son industrie verte. D’abord par le biais d’un crédit d’impôt qui soutiendra les investissements des entreprises de cinq secteurs (pompe à chaleur, éolien, panneau photovoltaïque, hydrogène vert et batterie électrique). Il sera mis en place par la loi de finances pour 2024. Avec un taux variant de 20 % à 45 % de la facture totale, ce crédit d’impôt sera ouvert aux investissements corporels (comme le foncier, les machines) et incorporels (les brevets, les licences…). Les 500 millions d’euros annuels de ce dispositif seront intégralement financés par "la réduction des avantages fiscaux sur les énergies fossiles et sur les véhicules trop lourds ou trop polluants", assure le ministre de l’Économie.

Cinq secteurs dont celui des panneaux photovoltaïques vont pouvoir bénéficier d’un crédit d’impôt sur les investissements — Photo : DR

2,3 milliards d’euros pour décarboner TPE, PME et ETI

Ensuite, l’État maintiendra "un niveau élevé de subventions avec 2,3 milliards d’euros de prêts directs et de garanties" pour le financement de la décarbonation de l’industrie. Confiées à Bpifrance, ces aides financières ciblant les TPE, PME et ETI seront "conditionnées à la réalisation d‘objectifs climatiques pour les entreprises". Bruno Le Maire a par ailleurs assuré que les petites entreprises qui seront fortement impactées par ces mesures en faveur de la transition écologique – comme le rabotage de certaines niches fiscales bénéficiant aux énergies fossiles – seront accompagnées financièrement. Pour leur permettre de repérer plus facilement les aides susceptibles de les aider, une plateforme d’information sera créée d’ici à la fin de l’année.

Protectionnisme vert

Dernier axe du projet de loi : le protectionnisme. "On peut croire au commerce mondial et vouloir aussi protéger nos investissements, nos usines et nos ouvriers", assure le patron de Bercy. Pour protéger l’économie tricolore, le gouvernement brandit l’argument écologique. Pas question de dérouler le tapis rouge – et de subventionner – des industries étrangères qui n’auraient pas les mêmes exigences que la France en matière de protection de l’environnement. Première application de ce précepte dans l’évolution des critères d’attribution du bonus sur les véhicules électriques. Les primes (de 5 000 à 7 000 euros) versées aux consommateurs ne seront accordées qu’aux véhicules produits en Europe, promet Bruno Le Maire.

Critères environnementaux dans la commande publique

Toujours dans l’objectif de favoriser une économie plus "verte", le projet de loi compte agir sur la commande publique. Il va donner la possibilité aux acheteurs publics d’exclure les entreprises qui ne respectent pas leurs obligations en matière de transparence extra-financière et environnementale. Il accélère aussi l’obligation pour les acheteurs publics d’intégrer des critères environnementaux dans leurs marchés. Cette obligation démarrera en juillet 2024 et non plus en 2026, comme initialement prévu.

Enfin, il compte conditionner l’obtention d’une aide publique pour la transition écologique des entreprises à la réalisation par l’entreprise bénéficiaire d’un diagnostic de son impact environnemental. Le diagnostic sera "simple" et "adapté à la taille de l’entreprise", promet le gouvernement.

Remonter le PIB industriel, baisser l’empreinte carbone

Avec ces différents outils, la France sera-t-elle suffisamment armée pour répondre aux objectifs de réindustrialisation fixés par Emmanuel Macron ? Des objectifs pour le moins ambitieux. Sur le plan environnemental, selon les projections du gouvernement, le projet de loi doit permettre de réduire d’ici à 2030 de 1 % l’empreinte carbone totale de la France, en retirant chaque année 6 millions de tonnes de CO2. Sur le plan économique, le projet de loi industrie verte doit générer 23 milliards d’euros d’investissement et créer 40 000 emplois d’ici à 2030. Pour le gouvernement, il s’agit aussi de faire remonter la part de l’industrie dans le PIB à 15 %, contre 10 % aujourd’hui. Cette part était de 20 % il y a 30 ans. Si réindustrialisation il y a, elle ne pourra donc être, aux yeux du gouvernement, que limitée. Mais verte !

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