A Cannes, Chanel veut peser sur le débat de la nouvelle ligne ferroviaire régionale

A Cannes, Chanel veut peser sur le débat de la nouvelle ligne ferroviaire régionale

S'abonner
Alors que la concertation publique sur les tracés et positions des gares de la Ligne Nouvelle Provence Côte d'Azur s'achève fin décembre, David Lisnard, le maire de Cannes, fervent défenseur de l'implantation sur sa commune de la gare nouvelle Ouest Alpes-Maritimes a trouvé un allié de poids, la Maison Chanel, qui entend bien - elle aussi - défendre ses intérêts. Quitte à jouer la menace.
— Photo : Le Journal des Entreprises

Chanel et le Pays de Grasse, c'est une longue histoire d'amour et d'intérêts réciproques. C'est en effet sur ces terres fertiles, et plus précisément dans la basse vallée de la Siagne, que la maison de luxe parisienne, propriétaire de 12 hectares de fleurs à parfums, s'alimente en roses et jasmins de grande qualité destinés à l'extrait de l'iconique Chanel n°5. Associée depuis trente ans avec la famille d'agriculteurs spécialisés Mul, elle contribue ainsi à la préservation d'un savoir-faire ancestral des métiers du parfum à Grasse et au maintien d'une tradition horticole de production de fleurs à parfum dans ses alentours. C'est donc à ce titre que le groupe Chanel souhaite faire entendre sa voix dans le débat portant sur les tracés et positions des gares de la Ligne Nouvelle Provence Côte d'Azur. Et ce au travers d'une lettre ouverte, où la menace d'un désengagement plane.

Soutien à la proposition cannoise

"Le projet de Ligne Nouvelle Provence Côte d'Azur entre Le Muy et Cannes avec l'implantation d'une gare nouvelle Ouest Alpes-Maritimes pourrait, en fonction du tracé qui sera retenu, nécessiter un franchissement de la Vallée de la Siagne à hauteur de la commune de Pégomas avec la réalisation d'un viaduc traversant les champs de fleurs. Il va de soi que la construction d'un viaduc et le passage régulier de trains à grande vitesse au-dessus de ces champs de fleurs contraindraient Chanel à cesser de soutenir ces activités artisanales dans la région", est-il indiqué. D'où son soutien à la proposition portée par David Lisnard, le maire de Cannes, d'implanter la nouvelle gare Ouest Alpes-Maritimes à Cannes la Bocca sur le site de l'ancienne gare de marchandises qui - de son point de vue - éviterait "cette traversée et la destruction de cette activité, minimiserait les dégâts environnementaux" et renforcerait "la visibilité internationale de la destination Cannes/Grasse".

Le contexte

Pour comprendre cette problématique, il faut retourner en 2013. L'ambitieux - et pourtant nécessaire - projet de Ligne à Grande Vitesse PACA est abandonné, remplacé par celui dit de Ligne Nouvelle Provence Côte d'Azur donnant la priorité aux trains du quotidien pour permettre la désaturation de l'unique ligne ferroviaire reliant Marseille à Nice. Le gouvernement et la Commission Mobilité 21 identifient alors deux niveaux de priorité, dont le premier porte sur le traitement des nœuds marseillais et niçois avant 2030. Sur la partie azuréenne, le projet prévoit de créer, entre autres, une nouvelle infrastructure de 24 km formant une boucle ferroviaire entre Cannes-Grasse et Nice, en passant par la technopole sophipolitaine. Ce qui suppose l'implantation d'une nouvelle gare, dite Ouest Alpes-Maritimes, au centre du bassin Cannes-Grasse-Antibes-Sophia Antipolis.

Les propositions à l'étude

Plusieurs emplacements sont actuellement soumis à la concertation publique qui s'achèvera le 30 décembre prochain. La zone des Bréguières, à Mougins, qui s'avère peu au goût de son édile, Richard Galy. Celle du Fugueiret, sur la commune voisine de Valbonne, elle aussi réfutée par son maire Marc Daunis, dont la préférence va au site des Bouillides. Et donc Cannes Marchandises, à Cannes la Bocca, portée avec force par David Lisnard. Le terrain, déjà propriété de la SNCF, permettrait d'accueillir tant les TER que les TGV, et présente l'avantage de se situer à proximité des futurs Technopole de l'Image et Pôle nautique, deux projets économiques structurants de la municipalité. Le problème, c'est qu'il ne résout pas la question de la desserte de Sophia Antipolis et de ses 30.000 salariés, sauf à le compléter par une seconde gare. Ce qui se traduirait immanquablement par un surcoût de plusieurs millions d'euros. On le voit, les intérêts des uns ne correspondent pas forcément à ceux des autres.

Un précédent en 2009

La prise de position de Chanel fera-t-elle pencher la balance en faveur de Cannes ? Difficile à dire, la décision appartenant in fine au gouvernement. Toutefois, la maison de luxe peut se targuer d'un précédent. Elle avait en effet pesé en 2009 pour éviter l'implantation d'un centre de déchets à proximité des champs de fleurs sur les communes de Pégomas et La Roquette-sur-Siagne. Suite à l'abandon du projet par le Conseil départemental, Chanel avait alors renforcé son soutien à la filière des plantes à parfum azuréenne en doublant la superficie de ses plantations et en modernisant l'usine d'extraction et l'exploitation agricole. A suivre...