Bars-restaurants : "Le potentiel en termes de clients est revenu, mais il manque du personnel"
Interview # Hôtellerie # Conjoncture

Catherine Quérard vice-présidente du Groupement national des indépendants hôtellerie-restauration et présidente du GNI Grand-Ouest "Le potentiel en termes de clients est revenu, mais il manque du personnel"

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La Nantaise Catherine Quérard faisait partie d’une délégation de professionnels du tourisme ayant rencontré Emmanuel Macron le 2 juin dans le Lot. La vice-présidente nationale du Groupement national des indépendants (GNI) et présidente du GNI Grand-Ouest (1 400 adhérents essentiellement en Pays de la Loire et Bretagne), par ailleurs à la tête de plusieurs restaurants, a évoqué l’avenir des bars-hôtels-restaurants alors que s’ouvre une nouvelle étape du déconfinement le 9 juin.

Catherine Quérard, vice-présidente du Groupement national des indépendants (GNI) hôtellerie-restauration et présidente du GNI Grand Ouest — Photo : GNI

Vous faisiez partie d’une délégation de professionnels du tourisme ayant discuté de l’avenir de la filière hôtellerie-restauration avec Emmanuel Macron mercredi 2 juin dans le Lot. Quel message lui avez-vous adressé ?

Catherine Quérard : Le président nous a questionnés sur comment offrir de meilleures prestations, investir, numériser et innover dans le tourisme. Nous avons évoqué la problématique du remboursement du mur de dettes qui va se présenter avec la reprise avec, derrière, des interrogations sur la manière dont nous allons pouvoir investir, nous développer. J’ai de mon côté surtout insisté sur l’emploi et la formation, deux domaines qui m’animent. Selon moi, il faut opérer un "reformatage" social et sociétal, notamment pour recruter. C’est-à-dire revoir les conditions de travail dans nos entreprises, nos organisations, les rémunérations et l’évolution professionnelle de nos collaborateurs qui ont parfois le sentiment d’être dévalorisés dans leur fonction.

Le déconfinement s’opère par étapes. Le 19 mai, cafés et restaurants ont rouvert une partie de leurs terrasses, et les professionnels appréhendaient justement de ne pas retrouver leurs salariés ayant préféré se réorienter vers d’autres métiers. Sur le terrain, y a-t-il eu réellement une pénurie de main-d’œuvre ?

Catherine Quérard : Des professionnels n’arrivent pas à recruter, certains n’ont pas rouvert du tout. C’est dramatique, car il y a le potentiel en termes de clients. Le problème en personnel va être d’autant plus prégnant avec la nouvelle étape du 9 juin marquée par la réouverture totale des terrasses et de la moitié des intérieurs. Ce manque d’effectif ne va pas se résorber dans les quinze jours, nous sommes sur une problématique de moyen et long termes.

"Si vous augmentez les salaires, il faut augmenter à proportion identique le chiffre d’affaires"

Pour quelles raisons ?

Catherine Quérard : Sept mois de fermeture, ce n’est pas anodin dans la vie d’une entreprise. Une perte de confiance dans l’avenir de notre filière s’est opérée chez les salariés. 110 000 d’entre eux l’ont quittée, soit un peu plus de 20 % des effectifs. Une de nos interrogations a aussi été de savoir si ceux qui étaient restés allaient pouvoir se réacclimater aux problématiques de notre métier. La journée coupée, le travail le week-end… Après sept mois sans travailler, on regarde la vie différemment. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai parlé de reformatage social, de rémunération, de carrière et de formation au président.

Mais sur les rémunérations et carrières, il en va de la responsabilité de l’employeur...

Catherine Quérard : Oui, mais n’oublions pas qu’en moyenne dans notre profession, la masse salariale représente entre 35 et 45 % du chiffre d’affaires. Donc si vous augmentez les salaires, il faut augmenter à proportion identique le chiffre d’affaires. Et derrière ce sont les prix qui augmentent. Raison pour laquelle nous cherchons d’autres moyens pour faire évoluer les rémunérations. Nous allons rentrer en année électorale : nous sommes un syndicat professionnel, nous devons apporter des propositions concrètes.

Au-delà du manque d’effectifs, quel retour avez-vous de la première phase du déconfinement ?

Catherine Quérard : Les professionnels avaient exprimé une grande frustration au regard des mesures (réouverture seulement d’une partie des terrasses, NDLR). D’ailleurs certains n’ont pu rouvrir, n’ayant pas de terrasse. Mais finalement, pour une grande majorité, les chiffres sont plutôt positifs, la clientèle est présente, les tickets moyens sont en hausse. Globalement c’est une vraie satisfaction de rouvrir.

Et pour les traiteurs et les hôtels ?

Catherine Quérard : C’est plus compliqué. Même si le téléphone des traiteurs recommence à sonner, les perspectives, à la différence de celles des bars et restaurants, ne sont pas à court terme. La remise en route est donc plus problématique et plus longue, le retour du chiffre d’affaires n’est pas immédiat. Pour l’hôtellerie, lorsque le professionnel est basé sur un bassin touristique intéressant, les taux d’occupation sont corrects. Mais en ce qui concerne le tourisme d’affaires, c’est beaucoup plus compliqué, les chiffres sont bien en deçà de ceux de 2019.

"Les restaurateurs ont pris conscience de la numérisation de leur établissement"

Après des mois de confinement, les habitudes ont changé, avec notamment le développement du click & collect. Est-ce une tendance de fond qui s’impose aux restaurateurs ?

Catherine Quérard : L’adaptation va se faire en plusieurs étapes. Déjà, ils ont pris conscience de l’importance de la numérisation de leur établissement - ce que les hôteliers et traiteurs avaient déjà bien anticipé avec des sites internet efficaces. Les restaurateurs n’avaient pas cette culture. Plus globalement, des réajustements vont devoir être effectués. Car n’oublions pas que cette période a aussi mis en avant d’autres aspirations. La clientèle a des attentes sur l’origine des produits, sur les circuits courts, l’aspect environnemental est aussi devenu très important…

Pensez-vous qu’avec la fin programmée des aides de l’État se profile une hécatombe chez les restaurants et bars ?

Catherine Quérard : Durant cette crise, la baisse du nombre de dépôts de bilan était de l’ordre de 35 à 40 % dans notre secteur, ce qui est considérable. Les aides de l’État ont donc bien joué leur rôle. Il y aura forcément des entreprises - celles qui étaient déjà fragilisées - qui risquent de fermer si elles n’ont pas repensé leur exploitation. Je pense aussi à celles qui ont ouvert juste avant que la crise se révèle. Celles-ci, les organisations professionnelles vont devoir les soutenir.

# Hôtellerie # Restauration # Tourisme # Conjoncture # Réseaux d'accompagnement # Ressources humaines