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Projets économiques : Le Finistère « champion des recours » ?
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Projets économiques : Le Finistère « champion des recours » ?

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Les recours se multiplient dans le Finistère contre des projets d'entreprises Des emplois et de gros investissements sont en jeu Les opposants vont du simple défenseur de son intérêt personnel à celui d'une vision différente de la société.
— Photo : Le Journal des Entreprises

« À ce rythme-là, on va devenir les champions du recours ! », s'agaçait Patrick Lescop lors de la dernière assemblée générale de la CCI Bretagne à Brest. Cet entrepreneur du bâtiment, élu à la chambre régionale, faisait allusion aux nombreux problèmes que rencontrent actuellement plusieurs entreprises finistériennes et de nombreux agriculteurs bretons dans leurs projets.




Les déblais du BTP

Nous en parlions en janvier 2012. Les entreprises de travaux publics peinaient à trouver des installations de stockage de déblais (terre, pierre, verre). Les existantes étaient arrivées à saturation. Peu de nouvelles avaient vu le jour. « À chaque dossier déposé, une association de riverains s'y oppose et ça coince », résumait à l'époque Jean-François Garrec, président de la CCI de Brest, qui voulait tirer la sonnette d'alarme. À Saint-Elven sur la commune de Kersaint-Plabennec, la simple évocation d'un projet de 13 ha avait provoqué une levée de bouclier. Près du Faou, les travaux de terrassement du futur centre de stockage, au lieu-dit Le Stum, ont débuté en avril malgré la menace d'un recours devant le tribunal administratif possible jusqu'au 11 mai.




La plateforme logistique de la Sica de Saint-Pol

La nouvelle station logistique de la Sica de Saint-Pol (122 salariés ; 216,84 M€ de CA) a, elle, fait les frais d'un recours se basant sur la loi littoral, très floue. Les travaux ont été suspendus par référé du tribunal administratif fin 2011 suite à une plainte de riverains. Une catastrophe pour l'économie locale, selon Jean-François Jacob, secrétaire général de la coopérative. « C'est un investissement total de 100 millions d'euros sur trois ans qui est remis en cause, expliquait-il. Avec cette station de conditionnement nous revoyons tout notre mode de fonctionnement. C'est un coup d'arrêt au maillon essentiel du projet logistique. Ça hypothèque tout le reste. Il y a de nombreux emplois indirects derrière. Une dizaine d'entreprises étaient concernées par la construction. » Aujourd'hui, plus d'un plus tard, la Sica attend toujours une date pour l'audience en appel de son dossier. Les travaux sont toujours arrêtés. Il était prévu que les nouvelles stations soient opérationnelles début 2013.




La chaudière-bois de la Sill

Autre feuilleton en cours, celui de la chaudière -bois de la Sill (270 salariés ; 340 M€ de CA) à Plouvien. Un investissement de cinq millions d'euros. Avec derrière, la perspective de construire une nouvelle usine de traitement de lait qui générerait 60 emplois. Après une première attaque du permis de construire au nom de la loi littoral, mesure exceptionnelle, le conseil municipal de Plouvien a voté, le 23 janvier, la cession de son accès à l'aber à la commune de Tréglonou. Objectif : échapper à cette fameuse loi littoral qui permet toutes les interprétations et ouvre la porte aux recours. Une manifestation a même eu lieu, en décembre 2012, pour soutenir la Sill. Début avril, alors que la chaudière venait d'arriver, un nouveau recours a été déposé par un couple de riverain. Le nouveau permis, délivré le 11 février, est de nouveau attaqué. Raison : les dérogations ne seraient possibles que pour les activités agricoles, pas pour les industrielles. La décision du tribunal administratif a été mise en délibéré pour début mai.




La centrale combiné gaz de Landivisiau

À gros projet, grosse opposition. La centrale combiné gaz à Landivisiau de Siemens et Direct Énergie

semble faire l'unanimité auprès des chefs d'entreprise. Pas auprès de la population. Un collectif, Gaspare, s'est mis en place. Il regrette d'avoir été mis devant le fait accompli, dénonçant un déni de démocratie (lire ci-contre). Ils reprochent également aux porteurs de projet, comme RTE, de présenter des courbes de prévisions de consommation du pire scénario et de les présenter comme "moyennes". Le collectif sort également du lot, proposant régulièrement des alternatives, avec les énergies marines renouvelables et prônant une baisse de la consommation « sans se priver pour autant ».

Siemens et Direct Énergie, eux, promettent une concertation et mettent en avant les retombées pour la ville : « L'investissement de 400 millions d'euros devrait entraîner 40M? de sous-traitance pour des entreprises locales, 800 emplois sur le chantier et 30 à 40 emplois directs pendant l'exploitation du site », disent-ils.






Égoïsmes locaux ?

Avec la multiplication du nombre de ces recours, certains voudraient croire à une montée des égoïsmes locaux. Pas forcément. Comme l'explique Arthur Jobert, chercheur et agent EDF qui a travaillé sur le sujet des Nimby (lire ci-contre), le sujet est plus complexe qu'il n'y paraît. La population a parfois l'impression de se retrouver devant le fait accompli. Les concertations, pour éventuellement trouver un compromis, sont une étape indispensable pour comprendre d'où viennent les blocages.





Isabelle Jaffré



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