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Michel Salaün, PDG du groupe Salaün : "La crise a été violente mais nous a permis de nous remettre en question"
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Michel Salaün PDG du groupe Salaün "La crise a été violente mais nous a permis de nous remettre en question"

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Le groupe Salaün se remet petit à petit en ordre de marche. Le voyagiste de Pont-de-Buis était en pleine croissance au moment où la crise du Covid a éclaté. Celle-ci a provoqué un arrêt brutal de son activité, avec des annulations forcées de voyages et des perspectives floues. Le groupe a aussi profité de cette période pour penser à sa numérisation.

Michel Salaün, PDG du groupe Salaün — Photo : GERRIT OP DE BEECK

Comment qualifieriez-vous ces 18 derniers mois ?

2020 et 2021 sont vraiment des "anni horribiles" pour le groupe Salaün. Nous savions dès le mois de février 2020 que la situation était alarmante dans certains pays où nous avons des contacts privilégiés, comme la Chine ou encore le Vietnam, et que l’on risquait une pandémie mondiale. Le gros choc est venu avec la fermeture des destinations les unes après les autres en pleine période de départs et de réservations.

Au 15 mars 2020, 75 % des inscriptions étaient engrangées car notre cycle de vente commence en juin N-1 et s’achève au cours de l’année N. Tout s’est arrêté du jour au lendemain. L’impensable s’est produit : nous avons dû fermer nos 180 agences, annuler les prochains départs pour environ 100 000 clients. Nous avions aussi 5 000 clients à l’étranger qu’il a fallu rapatrier. En parallèle, nous devions continuer à assurer nos services à nos clients. Nous avons donc aussitôt créé un centre d’appels géré par une vingtaine de salariés.

Que demandaient vos clients ?

Ils voulaient savoir s’ils pourraient partir et quand, s’ils seraient remboursés, etc. Nous n’avions malheureusement pas toutes les réponses à leurs questions. On essayait de les rassurer. Pour les remboursements, l’ordonnance du 25 mars nous a permis de ne pas avoir à rembourser immédiatement les voyages organisés annulés à cause de la Covid. Heureusement pour nous et pour toute la profession, car cela aurait été extrêmement compliqué car nous avions déjà versé des acomptes à nos fournisseurs. Notre trésorerie n’aurait pas pu supporter tous ces remboursements immédiats.

Quand avez-vous repris ?

Nos agences ont rouvert dès le 11 mai 2020 et nous avons connu petite une embellie pendant l’été, avant le deuxième confinement à l’automne et la fermeture, à nouveau, de nos points de ventes. Il a fallu à nouveau gérer les clients légitimement inquiets. Malheureusement, je ne lis pas dans les boules de cristal ! La vaccination a été une perspective positive à partir de janvier. En mai 2021, nous avons rouvert nos agences avec 50 % des effectifs.

Le voyagiste Salaün Holidays est basé à Châteaulin — Photo : © Salaün Holidays

Quels sont les effets de la crise sur le groupe au niveau financier ?

L’année civile 2020 a été une année quasi blanche. Notre modèle repose sur les moyens et longs courriers : Russie, États-Unis, Sud-Est asiatique… des destinations "impraticables" aujourd’hui. Notre chiffre d’affaires est calculé sur un exercice d’octobre à septembre. En 2018-2019 nous avions réalisé 240 millions d’euros. En 2019-2020, nous sommes tombés à 65 millions d’euros pour les départs effectués principalement sur les six premiers mois puisque tout s’est arrêté en mars 2020. En 2020-2021, nous allons faire un chiffre d’affaires encore inférieur. Mais nous avons moins de charges, ayant pu nous organiser en mettant en place un plan d’économies drastique. Les aides gouvernementales nous permettent aussi de nous maintenir. Nous avons demandé un prêt garanti par l’État (montant du PGE non spécifié, NDLR).

Quelles autres conséquences la crise a-t-elle eues sur le groupe ?

Toute cette période a été très pénible pour tous nos salariés. L’activité partielle a concerné 60 à 90 % de l’effectif depuis mars 2020. Malheureusement, nous avons été obligés de procéder à des licenciements dans des services qui n’ont pas repris du tout comme le marketing. Avant la crise, nous faisions feu de tout bois pour développer nos ventes. Nous avons eu aussi des démissions, notamment dans les agences. Les gens se sont orientés vers de nouveaux métiers parfois. Nous sommes passés de 700 à 490 salariés.

La reprise du siège social de Doux à Châteaulin a aussi été annulée. Cela devrait se faire au 31 mai 2020, mais j’ai abandonné ce projet qui demandait beaucoup de travaux. Nous avons moins besoin de bureaux et de fait, un tel investissement aurait été imprudent dans un tel contexte. La crise a rebattu les cartes pour un groupe comme le nôtre en pleine ascension. Nous venions de reprendre 60 agences Thomas Cook au 1er décembre 2019. 2020 allait être année de référence ; ça a été la pire !

Comment avez-vous vécu cette période, personnellement ?

Le confinement a été très difficile à vivre et la crise très violente. Je me demandais si le groupe survivrait à tout ça. Le chiffre d’affaires est tombé à zéro à partir d’avril 2020 alors que les charges restaient. Par exemple, les 180 agences nous coûtent 360 000 euros de loyer par mois, même si nous avons pu négocier quelques mois de loyer ici ou là.

Quels ont été les chantiers pendant cette période ?

Nous avons beaucoup travaillé, dès mai 2020, pour numériser le groupe. Auparavant, les ventes internet représentaient mois de 1 % des ventes. C’est dans ce sens que j’ai recruté Nicolas Delord comme directeur général du groupe, un poste qui n’existait pas. C’est un spécialiste de la distribution qui était déjà directeur général de Thomas Cook. Notre objectif est de passer à 30 % des ventes en cinq ans. Mais le but est d’aller chercher de nouveaux clients. La crise a révélé que notre réseau de boutiques a un coût. Quand tout va bien, c’est super. Mais quand tout s’arrête, nous sommes très pénalisés. Cela a été une véritable remise en question.

Quelles sont vos perspectives aujourd’hui ?

Tant qu’il n’y aura pas de vaccination généralisée dans le monde et donc une immunité collective, le business ne reprendra pas normalement. Toute la filière tourisme est encore en convalescence. Les perspectives sont cependant moins négatives aujourd’hui qu’en 2020. En juin, nous avions réalisé 75 % de réservation de 2019. Les gens nous font confiance même si les variants semblent inquiéter. Il ne faudrait pas que les pays ferment à nouveau. Je reste serein sur la suite mais le groupe est une grosse machine à l’arrêt, il y a forcément un peu d’inertie à la reprise.

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