Lobbies bretons, nouvelle génération ?
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Lobbies bretons, nouvelle génération ?

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Alors que vient de se créer So Breizh, un nouveau réseau d’entrepreneurs bretons qui souhaite peser sur le débat du développement économique, l’entente entre patrons et personnalités politiques semble plutôt au beau fixe en Bretagne. Vérité historique ou tendance liée à une nouvelle génération - d'élus comme de patrons - aux commandes ?

Parmi les premiers membres de So Breizh, Frédérique Le Menn directrice du projet Hop Morlaix 2020, Jean-Francois Jacob, le président de l’association, et Maël Saillour, directeur de l’ensemble scolaire Kreisker de Sait-Pol-de-Léon. — Photo : © So Breizh

« La mafia bretonne ». Cette blague du président de la République, fin juin, en a fait sourire certains et en a agacé d’autres. La comparaison criminelle a de quoi vexer mais force est de constater que les Bretons, et les entrepreneurs en particulier, savent faire jouer la solidarité et s’organiser pour servir les intérêts de leur territoire. De Produit en Bretagne à Investir en Finistère, en passant par le Club des Trente, la Bretagne est une terre de réseaux, voire de lobbies.

Le dernier-né s’appelle So Breizh. Lancé fin juin après deux ans de travaux dans l’ombre, ce nouveau groupement se veut un « outil économique multisectoriel au service des entreprises pour le développement du territoire », explique Jean-François Jacob, président de So Breizh (et ex-président de la Sica-de-Saint-Pol). Si le nouveau réseau est pour l’instant très finistérien, avec une centaine d’adhérents à fin juin, l’ambition est de s’ouvrir à toute la Bretagne au fur et à mesure. Avec une structure bien particulière : une association, une SAS, un outil de communication (le site d’information Bretagne Bretons), et un site web de promotion et de commerce. On retrouve parmi les fondateurs Alain Guillerm (Constructions Guillerm), Régis Rassouli (Rivacom) ou encore le courtier en assurance Xavier Bourhis.

Réseaux complémentaires

Une concurrence pour les réseaux existants ? Jean-François Jacob s’en défend : « Nous voulons au contraire travailler avec les autres ». D’ailleurs, leur démarche est accueillie avec bienveillance par Loïc Hénaff, président de Produit en Bretagne : « On ne connaît pas encore grand chose de So Breizh. Mais leur côté plus entrepreneurial me semble complémentaire de Produit en Bretagne », explique le patron de Jean Hénaff SA. Ce dernier note d’ailleurs des porosités entre les deux associations. « Olivier Bordais (E.Leclerc), par exemple, est membre des deux conseils d’administration. »

Produit en Bretagne a pour but de promouvoir l'économie régionale. L'association organise des actions de marketing, (ici à Concarneau cet été), mais reste plutôt éloignée du débat public et du monde politique, contrairement à ce que souhaite faire So Breizh. — Photo : © Produit en Bretagne

L’une des missions que se fixe So Breizh est d’être un relais entre les entreprises et les administrations. « Pour les entreprises, c’est très difficile de plonger dans ces méandres. Ce n’est pas ce que les dirigeants veulent faire : ils veulent développer leur entrepris,e en construisant de nouvelles usines, implantations, etc. », insiste le président de So Breizh.

Relais des entreprises

D’où l’idée de peser ensemble auprès des décideurs, en groupe, plutôt que de laisser chaque patron de PME y aller seul. « Nous voulons changer de méthode. Nous avons commencé à prendre contact avec l’État, des communautés de communes, la Région… », note Jean-François Jacob, qui ne souhaite cependant pas politiser So Breizh. S’il dénonce le manque de culture économique parmi les élus, il nuance : « On a l’impression que des personnalités politiques, de tous bords, ont compris l’intérêt du développement économique. On a ainsi fait le choix d’ouvrir l’adhésion aux maires - et seulement aux maires, car ils ont les mains dans le cambouis tous les jours. » Ils sont 5 ou 6 pour l’instant.

« Qu’est-ce qu’ils y connaissent des entreprises, les élus ? »

L’opposition entre monde politique et monde économique n’est pas nouvelle. « En Bretagne, on a toujours arraché le droit de prendre en main notre destin économique. On décide pour nous où l'on doit investir. Or nous, patrons, savons ce qui est pertinent pour nos projets », rappelle Jean-François Jacob. « Qu’est-ce qu’ils y connaissent des entreprises, les élus ? », fustige d'ailleurs Jean Le Vourc’h. Pour l’ancien président du Crédit Agricole, d’Investir en Finistère et du lobby Breizh Europe (créé en 1987 pour défendre les intérêts des agriculteurs bretons à Bruxelles), l’épisode de l’écotaxe, entre 2009 et 2014, est resté en travers de la gorge. « C’était n’importe quoi, même certains élus locaux étaient prêts à accepter une écotaxe au rabais à l’époque ! »

Nouvelles générations

Pourtant, une certaine proximité semble s’être installée depuis de nombreuses années entre des patrons et les exécutifs de collectivités. À l’image de la Région, dont Hugues Meili, patron de Niji (650 salariés, 62 M€ de CA) à Rennes et président de Bretagne Développement Innovation (BDI), émanation du Conseil régional pour le développement économique. « En Bretagne, je pense qu’on a toujours eu bonnes relations. Pour preuve, les rênes de BDI, mais aussi de BCI, ou d’autres outils, sont confiées à des patrons. Il faut sortir du stéréotype que les élus n’y connaissent rien en économie. Cette opposition n’est plus vraie. Et cela vaut aussi pour les exécutifs des deux métropoles, Rennes et Brest, selon moi. »

« En Bretagne, on a toujours eu bonnes relations entre les entreprises et les élus locaux. »

Les nouvelles générations, des patrons ou des politiques semblent enclines à travailler ensemble. « Il me semble que cela a toujours été le cas en Bretagne, même si c’est peut-être plus dans l’air du temps aujourd’hui », s’interroge Loïg Chesnais-Girard, président de Région, élu régional depuis 2010 et… ancien cadre bancaire. Ceci expliquant peut-être cela. « Il y avait aussi cette proximité au temps de la présidence de Jean-Yves Le Drian », note toutefois Hugues Meili. La bonne entente entre politiques et patrons, question de personnes ou de génération ? Sans doute un peu des deux.

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