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Linfini va investir 10 millions d’euros dans une filature de lin autour de Morlaix
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Linfini va investir 10 millions d’euros dans une filature de lin autour de Morlaix

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Deux entrepreneurs parisiens, Xavier Denis et Tim Muller, ont choisi le Finistère pour installer, en 2023, une filature de lin. Un investissement de 10 millions d’euros qui s’inscrit dans la reconstruction d’une filière entière du lin en Bretagne avec des agriculteurs, et des débouchés vers les autres entreprises bretonnes.

Xavier Denis et Tim Muller ont fondé Linfini en 2022 — Photo : Isabelle Jaffré

Cela fait désormais deux ans que Xavier Denis et Tim Muller travaillent sur leur projet de filature de lin. Les communicants parisiens se sont pris de passion pour cette matière et ont répondu à l’appel de la députée bretonne Sandrine Le Feur pour la renaissance d’une filière lin en Bretagne. Les deux entrepreneurs comptent sur une ouverture fin 2023 avec 23 salariés.

Leur société, Linfini, a été créée au printemps 2022 et est domiciliée à Brest. Une levée de fonds de 10 millions d’euros est en passe d’être achevée. “Nous en sommes à 90 %”, explique Xavier Denis, président de Linfini. Elle se fait auprès d’investisseurs privés “mais aussi grâce à du financement participatif via la plateforme Miimosa (dédié à la transition agricole et alimentaire, NDLR) pour environ un million d’euros”, précise Tim Muller, directeur général de Linfini. L’entreprise a aussi prévu de demander des aides publiques dans le cadre de France Relance 2030. “Mais nous ne comptons pas dessus pour notre business plan. Si on les obtient, ce sera du bonus”, annonce, prudent, Xavier Denis.

Des machines françaises

Le projet de 10 millions d’euros d’investissement est séparé en deux parties. La société d’exploitation nécessite un investissement de 4,5 millions d’euros, dont les machines qui seront achetées en crédit-bail pour 2,6 millions d’euros. “Nous avons opté pour huit machines, dont une italienne et sept françaises. C’est l’entreprise alsacienne NSC Schlumberger qui nous fournira ses machines, assurera la maintenance et nous accompagnera surtout dans la formation des salariés”, indique le dirigeant, qui rappelle que le savoir-faire a malheureusement disparu en Bretagne. “C’est en partie pour cela que nous faisons le choix de machines modernes sur lesquelles le fabricant peut reprendre la main à distance par exemple. C’est aussi un choix délibéré de prendre du made in France.” La société immobilière demande, elle, un financement de 5,5 millions d’euros. Elle sera portée par une foncière. “Nous sommes encore en négociations avec deux foncières”, explique le président.

Recrutement de 14 opérateurs

La filature de 4 500 m2 (10 000 m2 de terrain) s’installera en 2023 dans le Nord Finistère. Les deux dirigeants sont en train de finaliser le choix de l’emplacement. “Nous avons trois possibilités, explique Xavier Denis. Les deux premières sur des terrains libres, sont à Morlaix et Saint-Martin-des-Champs. La troisième est une réhabilitation d’un site à Plougasnou.” Les travaux devraient démarrer début 2023 et les dirigeants espèrent enchaîner sur le recrutement de 14 opérateurs grâce à Pôle emploi. Suivra ensuite un moment de formation avec le démarrage de la filature, en novembre “ou après", tempère le dirigeant. "L’essentiel est d’être prêts. Cela pourra être plus tard si nécessaire.”

Les deux entrepreneurs ont prévu de démarrer avec une production de 600 tonnes en 2024, avant de passer à 900 tonnes en 2027 en passant en production en trois-huit. “Cela correspond à un chiffre d’affaires de 8 millions d’euros en 2024 et 20 millions d’euros en 2027”, précisent-ils.

Innover avec d’autres matières

Avec sa filature, Linfini a pour ambition d’être davantage qu’une simple usine. “Nous sommes sur un projet du temps long, insiste le président. Il se veut à la fois viable économiquement mais aussi écologiquement. Depuis deux ans, nous travaillons sur l’indépendance industrielle de la France.” Les deux dirigeants ont ainsi pour objectif de faire de leur filature un pôle de tourisme lié à l’histoire du lin en Bretagne, mais aussi un pôle d’innovation.

Un bureau d’études Linfini est d’ores et déjà prévu. Il sera dirigé par Martina Planty, responsable innovation. “Nous travaillons déjà sur plusieurs axes avec des scientifiques et des industriels : les débouchés, les nouvelles fibres et traitements de matière et l’accompagnement d’une filière végétale bretonne”, détaille-t-elle. Car, à terme, Linfini pourrait aussi produire à partir de chanvre, d’algues, d’artichauts, marc de café, etc.

Parmi les débouchés identifiés par Linfini, on retrouve bien entendu le textile, avec des associations avec des artisans tisserands, des projets de collaboration avec l’hôtel de Carantec, avec la Scarmor pour des torchons, etc. D’autres utilisations sont moins communes, comme le packaging. “Nous travaillons sur un projet de filet tubulaire en lin avec la Sica pour l’emballage des légumes. Le lin répond aux exigences de fin de plastique par exemple”, raconte Xavier Denis. Des recherches sur le biocomposite en lin pour la construction, le transport, l’automobile, le sport ou encore l’ameublement sont aussi en cours.

Structurer une filière bretonne et française

Côté amont, l’entreprise commence à nouer des partenariats avec des teillages (coopérative agricole spécialisée dans la culture et la transformation du lin textile de la semence à la fibre) comme Terre de Lin en Normandie. L’entreprise suit aussi de près et supporte la création d’un teillage du côté de Commana. “Guillaume Letur a semé 10 hectares de lin en 2021. Il était le premier à croire dans cet écosystème”, soulignent les fondateurs de Linfini. “Aujourd’hui nous sommes une quinzaine pour 100 hectares. L’objectif est d’arriver à 500 hectares en 2023 avec une soixantaine d’agriculteurs du Finistère et des Côtes-d’Armor”, indique le liniculteur, qui a obtenu le soutien de la famille Glon (à l'origine du groupe d'alimentation animale Glon-Sanders). Le teillage breton devrait être opérationnel d’ici 2024-2025.

Avec la filature, c’est donc tout une filière bretonne qui se met en place et même au-delà. “Nous recevons aussi beaucoup d’aide d’autres industriels. Il y a une véritable coopération des acteurs en France”, notent ainsi Xavier Denis et Tim Muller. Linfini sera la quatrième filature à revoir le jour en France après Safilin dans le Pas-de-Calais (5 millions d’euros investis), Natup en Normandie (4,4 millions d’euros investis) et la reprise de la filature alsacienne Emanuel Lang par Pierre Schmitt, PDG de Velcorex. “Nous sommes très loin de la saturation du marché. La demande est grande et va encore grandir avec les marques de luxe en maroquinerie par exemple”, déclare ce dernier, qui espère que la coopération permettra à la filière française de décoller rapidement.

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