Jean-Jacques Le Calvez : « Pourquoi j'ai vendu mon groupe à Perrenot »
Interview # Transport # Fusion-acquisition

Jean-Jacques Le Calvez président du Groupe Le Calvez Jean-Jacques Le Calvez : « Pourquoi j'ai vendu mon groupe à Perrenot »

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Après 40 ans dans le groupe de transport familial, dont 30 ans à sa tête, Jean-Jacques Le Calvez a décidé de prendre sa retraite. Début janvier, le Finistérien a cédé l'entreprise qui porte son nom Le Calvez au groupe drômois Perrenot.

Avant de vendre son entreprise au groupe Perrenot, Jean-Jacques Le Calvez, président du groupe Le Calvez, a été vigilant à la reprise des salariés et aux axes de développement et d’évolution pour les activités du groupe — Photo : © Isabelle Jaffré

Le Journal des Entreprises : Qu’est-ce qui vous a poussé à réaliser la vente de votre entreprise Le Calvez (1 000 salariés, 115 M€ de CA) au groupe drômois Perrenot (6 500 salariés, 750 M€ de CA) ? Cette nouvelle a surpris beaucoup de monde...

Jean-Jacques Le Calvez : J'aurai 64 ans cette année. J’avais depuis longtemps décidé de ne pas travailler au-delà de 65-66 ans. Le management d’une entreprise comme Le Calvez demande une implication, du temps et des déplacements, étant donné sa dimension nationale. C’est lourd à gérer, ce sont des responsabilités. Cela fait plus de deux ans que je réfléchis à une issue, en en parlant notamment en famille, avec mes actionnaires, Arkéa et le CM-CIC, qui me suivent depuis longtemps.

Une reprise par votre fille n’était-elle pas envisageable ?

J.-J. L. C. : Les circonstances font que nous avons un décalage d’âge trop important. À 23 ans, elle travaille depuis un peu plus d’un an à Nantes. Nous avons beaucoup réfléchi en famille à la meilleure suite à donner au groupe.

Comment vous êtes-vous mis à la recherche d’un repreneur ?

J.-J. L. C. : Je n’ai jamais mis le groupe en vente. Je connais bien le monde du transport. J’ai donc discuté avec d’autres chefs d’entreprise que je connaissais. J’en ai approché d’autres, que je ne connaissais pas, ou moins, sans jamais me dévoiler. Il s’agissait pour moi de cerner les différents acteurs du secteur.

Que recherchiez-vous ?

J.-J. L. C. : Je cherchais une entreprise multimétiers comme la nôtre. Ce qui existe peu en France. Nous faisons du transport et logistique du froid, du gaz, d’hydrocarbures et du transport avicole et coproduits. Je ne souhaitais pas vendre ces activités séparément, car cela aurait fragilisé les services centraux et les autres branches. Trois ventes, cela voulait dire trois négociations, trois calendriers… Cela aurait été trop complexe de garder un équilibre économique.

Le groupe Le Calvez est basé à Guipavas, près de Brest. — Photo : © Groupe Le Calvez

Comment s’est passé le premier contact avec le groupe Perrenot ?

J.-J. L. C. : Philippe Givone, le président du groupe Perrenot, m’a contacté en avril 2019. Il voulait diversifier son groupe et nos activités l’intéressaient. Nous avions déjà échangé en 2017. Il se trouve qu’il a commencé sa carrière chez Le Calvez. Il a travaillé chez nous pendant 13 ans, de 1988 à 2001. Ce n’est donc pas un inconnu pour les équipes. Comme nous avions une convergence de réflexion, nous sommes entrés en négociations. Je lui ai notamment demandé un projet d’entreprise.

Sur quoi avez-vous été vigilant ?

J.-J. L. C. : Sur la reprise des salariés, la pérennité de leur emploi et des axes de développement et d’évolution pour les activités du groupe. Le projet présenté était cohérent, donc nous avons démarré le processus de valorisation, qui prend plusieurs mois. Au final, l’offre était sérieuse. Je n’avais pas de pression, car j’aurais pu continuer quelques années, si la vente n’avait pas abouti.

« Ma priorité était la pérennité des emplois et des axes de développement pour les activités du groupe. »

Nous avons obtenu l’autorisation de l’Autorité de la concurrence fin décembre. La vente est effective depuis le 7 janvier 2020. J’ai quitté mes fonctions de président et d’administrateur en ce début d’année.

Comment la vente a-t-elle été perçue par vos équipes ?

J.-J. L. C. : Cela a été une surprise. Le groupe est dynamique et moderne. Nous continuons à investir. Un investissement est, par exemple, en cours à Montauban. Mais je crois que les gens ont compris. J’ai présenté le projet aux élus de l’entreprise, qui ont donné un avis consultatif favorable au projet de cession, à la majorité.

Le fait que le groupe Perrenot soit familial a-t-il joué en sa faveur ?

J.-J. L. C. : Bien sûr, cela lui a été favorable. Le Calvez a été fondé en 1902. Il reste dans une société familiale, plus puissante et saine. Le groupe Perrenot reprend aussi l’ensemble du groupe Le Calvez : ses filiales, ses salariés et ses actifs. Cela a joué à 90 % dans ma décision.

Et les 10 % restants ?

J.-J. L. C. : Ils sont davantage liés au ralentissement de l’activité, que je qualifierais de fébrile. Le secteur subit également un harcèlement fiscal. Le gouvernement annonce des mesures sur la fin du GNR, la réduction du remboursement de la TICPE pour les transporteurs (-2 centimes en 2020)… Il y a aussi la possibilité d’un retour de l’écotaxe.

Les transporteurs ont déjà des marges très faibles, entre 0 et 3 %, pour les meilleurs. Je me suis battu toute ma vie pour maintenir une rentabilité. C’est fatigant d’être sur la corde raide. Nous avons aussi cette image de pollueurs non payeurs. Mais nous avons fait des investissements en termes de matériel, de formation. Nous savons que nous polluons, mais nous faisons les efforts nécessaires pour diminuer notre impact.

Quels souvenirs gardez-vous de vos années à la tête de Le Calvez ?

J.-J. L. C. : Je conserverai une galerie de portraits. C’est un métier riche en contact humain. J’ai rencontré des gens passionnants dans tous les métiers : techniciens, chauffeurs, cadres… des clients aussi. J’en garde de très bons souvenirs.

Qu’allez-vous faire désormais ?

J.-J. L. C. : Je vais d’abord me reposer. Mais je reste à disposition pour partager mon expérience. J’aimerais bien faire cela : accompagner des entreprises existantes ou des start-up. Sans pour autant me mettre trop de contraintes.


Le Calvez : l’histoire de quatre générations

L’entreprise Ploué-Le Calvez est créée en 1902. Son activité est le déménagement… avec des chevaux. C’est son gendre, Louis Le Calvez qui rejoint la société et convainc l’entrepreneur d’acheter son premier camion en 1925.

En 1950, le petit-fils, Jean Le Calvez, 25 ans, devient secrétaire général de l’entreprise. Il en sera le président de 1971 à 1995. C’est lui qui développe les activités, avec la première diversification dès 1965. En 1969, Le Calvez noue ses premiers contrats location longue durée en gaz et hydrocarbures. En 1986, c’est le début de l’activité transport frigorifique, puis en 1988, le lancement de l’activité avicole. Jean Le Calvez est un homme de réseaux, à l’origine notamment de Demeco et de France Express. D’une centaine de personnes à la fin des années 1960, le groupe compte 380 salariés en 1985.

Au début des années 1980, c’est au tour de la quatrième génération d’entrer dans la société. Jean-Jacques Le Calvez deviendra le président en 1995. Il était déjà, depuis 1987, le directeur général. Il a ancré le groupe à l’ouest avec des plateformes à Rennes (Ille-et-Vilaine) ou encore Cholet (Maine-et-Loire), tout en maintenant le siège à Guipavas, près de Brest (Finistère). Il a également développé la dimension nationale du groupe avec Le Calvez Surgelés et l’acquisition en 2016 de TGC dans l’Ain. L’entrepôt surgelé de Rennes date, lui, de 2011.

Il cède aujourd’hui son entreprise à Perrenot, autre groupe familial, basé à Saint-Donat-sur-l’Herbasse (Drôme).

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