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Daniel Sauvaget (Écomiam) : « PME, mettez la Bourse dans votre champ des possibles »
Interview Finistère # Distribution

Daniel Sauvaget fondateur et PDG d'Écomiam Daniel Sauvaget (Écomiam) : « PME, mettez la Bourse dans votre champ des possibles »

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Quelques jours à peine après le succès de l'introduction en bourse de son réseau de distribution de produits surgelés, Daniel Sauvaget, fondateur et PDG d'Écomiam à Quimper, revient sur les grands axes de son projet et sur les raisons qui l'ont poussé à franchir ce cap décisif.

— Photo : © Écomiam

Vous aviez déjà levé 1 million d’euros en 2017, vous venez de collecter 12,6 millions d'euros en Bourse. Qu’est-ce qui vous a poussé à faire le choix d’une introduction en Bourse plutôt que de faire à nouveau appel à des capitaux-investisseurs, par exemple ?

Daniel Sauvaget : Cette levée de fonds était une première étape qui nous a permis de financer le décollage que l’on a engagé en 2018 (en 2019, Écomiam a réalisé un chiffre d’affaires de 14,7 millions d’euros en 2019, en croissance de 34 %, NDLR). Cette introduction en Bourse nous permet d’animer plus objectivement les intérêts de l’entreprise car elle n’implique pas d’échéance tous les cinq ans afin de rendre liquides les investissements des investisseurs, comme c’est le cas notamment avec le capital-investissement. Là, c’est le marché qui régule et qui va leur permettre d’augmenter ou de réduire leur participation. L’entreprise peut ainsi se focaliser sur son développement et sur la création de valeur, dans l’intérêt des actionnaires et sans avoir à gérer tous les cinq ans une nouvelle démarche de levée de fonds qui peut être relativement stressante. La Bourse nous procure aussi une exposition et une notoriété beaucoup plus importantes qu’une simple levée de fonds qui, en général, reste relativement discrète. Il y a aussi le fait que le positionnement de notre enseigne, qui affiche notamment ses marges en magasin, est compatible avec les exigences de la Bourse en matière de transparence sur les résultats et les objectifs.

Comment expliquez-vous le succès de cette introduction qui, au-delà de 37 fonds d’investissement différents, a séduit près de 5 000 petits porteurs, soit la plus grosse souscription en nombre de particuliers pour une offre publique à prix ouvert cette année ?

Daniel Sauvaget : Je pense que cela tient beaucoup au fait que notre positionnement est tout à fait lisible. Il y a aussi certainement le fait que notre projet coche toutes les cases des préoccupations des consommateurs : l’origine des produits et leur traçabilité, la simplicité, la praticité et la qualité de l’offre, l’équité vis-à-vis des fournisseurs, l’aspect environnemental… Toutes ces notions transpirent vraiment dans notre projet, il ne s’agit pas d’artifice marketing et les actionnaires le perçoivent bien.

L’épidémie de Covid-19 a-t-elle eu un impact sur cette opération ?

Daniel Sauvaget : Elle a été un facteur de stress car, jusqu’au dernier moment, on pouvait craindre un effondrement du marché boursier qui aurait différé notre introduction. Elle nous a aussi notamment contraints à présenter le projet aux investisseurs en visioconférence au lieu de la tenir en séance publique, on n’a pas pu recevoir les particuliers en magasin ou au siège pour leur exposer notre concept… Mais cela n’a malgré tout pas été rédhibitoire du fait de la simplicité du modèle que l’on propose. Sans compter que la première expérience de confinement a démontré qu’il s’agissait de circonstances plutôt avantageuses pour notre business, ce qui a probablement aussi joué dans l’esprit des investisseurs.

Une telle introduction est-elle lourde à gérer pour une entreprise comme la vôtre, - dont le siège n’emploie qu’une dizaine de personnes -, à l’heure où l’Union Européenne a annoncé son intention de rendre plus accessible la Bourse aux PME ?

De 27 points de vente actuellement en Bretagne et Pays de la Loire, Écomiam compte atteindre 125 points de ventes en 2025 — Photo : © Écomiam

Daniel Sauvaget : Il s’agit d’un investissement personnel important pour le dirigeant. J’ai consacré près des trois quarts de mon temps à ce projet sur les six derniers mois. Il faut vraiment s’y préparer et avoir une certaine propension à communiquer, car la principale contribution reste de présenter le concept et de rencontrer des investisseurs. Il faut aussi être bien entouré, car c’est un processus très lourd, notamment la transmission des informations et des comptes à l’AMF... Mais ce n’est pas insurmontable, bien au contraire.

Comment vous et vos équipes vous êtes vous impliqués pour “vendre” Écomiam aux investisseurs ?

Daniel Sauvaget : Nous n’étions pas dans une logique de vente, mais bien de présentation de notre projet et de crédibilisation de notre business plan et des perspectives que nous proposons au marché boursier. Notre objectif était bien de convaincre les investisseurs que l’entreprise maîtrisait les leviers qui allaient permettre l’expression de sa croissance et de sa rentabilité futures.

Que change la Bourse dans l’organisation quotidienne d’Écomiam ? Percevez-vous comme une contrainte les obligations de communiquer régulièrement à vos investisseurs ?

Daniel Sauvaget : Le marché Euronext Growth est un peu moins contraignant que le CAC 40, où l’on doit présenter ses résultats tous les trimestres. Ceci dit, la publication de nos résultats tous les six mois est un positionnement parfaitement cohérent avec notre marque qui affiche ses marges en magasin. Nous ne la vivons donc pas du tout comme une contrainte, mais au contraire comme un rendez-vous qui doit être positif pour l’entreprise et nous permettre de poursuivre la construction de notre stratégie.

Quel conseil donneriez-vous aux dirigeants de PME qui estimeraient que la Bourse n’est pas faite pour eux ?

Daniel Sauvaget : Je leur dirais tout d’abord qu'ils pourraient être les premiers surpris, comme je l’ai été moi-même, après s’être penchés sur la question. D’un point de vue macro-économique dans ce contexte de crise sanitaire, bon nombre d’entreprises se retrouvent avec des poids d’endettement élevés et vont se demander comment régénérer leurs fonds propres pour gagner en indépendance. Je les invite à rencontrer les structures régionales d’Euronext Growth qui sont très accessibles, afin de mettre cette perspective dans leur champ des possibles. C'est vraiment une expérience passionnante et très positive. Sans oublier que devenir une entreprise cotée, c’est aussi gagner en crédibilité et en légitimité vis-à-vis de son écosystème. On sent déjà une accélération de la demande d’affiliés, les fournisseurs nous regardent différemment, on vient à nous pour nous proposer des locaux commerciaux, etc.

Quelle est la prochaine étape de votre stratégie de développement ?

Daniel Sauvaget : Nous allons mettre toute notre énergie à soutenir la montée en puissance du réseau et l’activité des points de vente que l’on va créer. Nous prévoyons une vingtaine d’ouvertures par an sur les cinq années à venir, ce qui devrait à terme engendrer la création de 210 à 240 emplois.

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