Crédit Mutuel Arkéa : « Il faut voter à nouveau selon les règles du mutualisme »
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Michel Duthoit membre du Collectif des mutualistes bretons inquiets Crédit Mutuel Arkéa : « Il faut voter à nouveau selon les règles du mutualisme »

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Ancien président de l’agence de développement économique du conseil général d’Ille-et-Vilaine Idea 35, depuis dissoute, Michel Duthoit, sociétaire du Crédit Mutuel de Bretagne, se présente comme un mutualiste de toujours. Le collectif dont il est le coordinateur s’oppose au projet de scission du Crédit Mutuel Arkéa de la Confédération nationale du Crédit Mutuel. Il nous explique pourquoi.

— Photo : © DR

Le Journal des Entreprises : Comment s’est constitué le collectif ?

Michel Duthoit : Ce sont des connaissances du Finistère qui m’ont alerté sur ce qui se passait. Avec Jacques Le Goff, (expert en droit public), Roger Le Bris (ancien salarié et délégué CFDT), et Jean-Paul Le Bail (ancien membre du Conseil d’Administration du CMB), nous avons décidé de ne pas laisser filer et de créer ce collectif. On ne souhaite pas que cela aille jusqu’à la rupture. On est face à une opération de communication bien rodée et qui coûte d’ailleurs plusieurs millions selon les informations que l’on nous donne. On n’entend pas les voix d’administrateurs, de sociétaires et de salariés inquiets. Nous avons lancé en mars une pétition sur change.org. Mi-mai, nous avions déjà plus de 20.000 signatures ! Nous avons également le soutien de deux personnalités historiques de la région : Pierre Méhaignerie et Bernard Poignant.

Pourquoi êtes-vous inquiets ?

M.D. : Le projet de scission de la direction du Crédit Mutuel Arkéa est en place depuis longtemps. Ils ont d’ailleurs créé une société anonyme pour les cadres (la Société des cadres de direction, créé fin 2009, NDLR), ce qui ne correspond pas aux règles du mutualisme. Leur objectif n’est-il pas de « partir avec les bijoux de famille », comme on dit, en s’appropriant les filiales qui rapportent le plus ? On peut le craindre.

Mais le Crédit Mutuel-CIC n’est pas non plus irréprochable en ce qui concerne le mutualisme. La banque a notamment été mise en cause dans l’affaire des Panama Papers, il y a également eu une reprise en main du Crédit Mutuel Massif Central (CMMC) à l’été 2017…

M.D. : Il y a une graduation dans les atteintes faites au mutualisme dans l’échelle des activités d’une banque. Avec la scission, on est dans une tentation de la direction du Crédit Mutuel Arkéa d’éloignement du mutualisme. Des erreurs ont sans doute aussi été commises de la part du Crédit Mutuel CIC comme avec le CMMC. Mais pour moi, c’est une péripétie.

"Les règles fondamentales du mutualisme n’ont pas été respectées."

Le Crédit Mutuel Arkéa affiche pourtant une volonté d’indépendance dans le respect du mutualisme et en faveur des emplois dans la région ?

M.D. : C’est de l’instrumentalisation. Ils se comportent comme si la Confédération était un envahisseur qui viendrait étouffer la Bretagne. Mais la Confédération répète et l’a même mis par écrit qu’ils n’ont pas vocation à intervenir dans les ressources humaines ou les stratégies des fédérations. Le Crédit Mutuel donne et redonne des gages sur l’autonomie des fédérations, y compris par écrit.

On voit cependant une forte mobilisation, lors de la manifestation du 17 mai à Paris et sur les réseaux sociaux de la part de salariés…

M.D. : Il y a surtout des échanges très violents entre les différentes parties sur Twitter. Il nous a aussi été rapporté des pressions faites aux salariés, notamment pour aller manifester.

Vous contestez également les résultats des votes des caisses ?

M.D. : Peut-on croire ces scores de république bananière ? Des votes à mains levées, de nouveaux votes parfois, quand le résultat ne plaisait pas. Les règles fondamentales du mutualisme n’ont pas été respectées. On nous a rapporté plusieurs incidents dans des caisses, notamment en Ille-et-Vilaine. Sans oublier qu’il a été demandé aux administrateurs de voter sans que la moindre ébauche de projet n’ai été présentée et sans débat.

"Le vote doit être précédé d’un débat également contradictoire."

Que souhaitez-vous ?

M.D. : D’abord un nouveau vote dans le cadre de l’Assemblée Générale prévue dans les statuts, sur le principe d’un homme = 1 voix, sans qu’aucun sociétaire ne soit privé de son droit de voter sur son avenir. Chaque votant doit bénéficier, avec son invitation à l’assemblée générale de sa Caisse, d’un dossier d’information contradictoire. Le vote doit être précédé d’un débat également contradictoire ouvert à tous les votants potentiels et les résultats du vote doivent faire l’objet d’une validation reconnue par les parties en présence.

Êtes-vous optimiste sur l’issue de la crise ?

M.D. : Oui et non. Je suis partagé. Il faut tout faire pour éviter une rupture, qui serait une catastrophe. La Confédération ne se laissera de toute façon pas faire mais la mécanique enclenchée est déjà bien avancée. Le problème, c’est que le Crédit Mutuel de Bretagne, ce n’est qu’un dixième du poids de la Confédération. La BCE et l’APCR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) a d’ailleurs mis en garde la direction d’Arkéa sur les incertitudes que génèrerait une sortie. Au bout, le risque est une perte d’emplois et d’un outil pour le financement des entreprises. Une solution serait la destitution de la direction.
Par ailleurs, le collectif va demander l’exclusion du CMB Arkéa de la Chambre Régionale de l’Économie Sociale pour non-respect de la charte statutaire.

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