Coronavirus - Yves Rallon (CHR Numérique) : « Les restaurateurs sont déjà des professionnels de l'hygiène sanitaire »
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Coronavirus - Yves Rallon (CHR Numérique) : « Les restaurateurs sont déjà des professionnels de l'hygiène sanitaire »

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Avec 80 % de ses clients à l'arrêt durant la crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19, CHR Numérique, qui a développé une application d'auto-contrôle sanitaire et de traçabilité alimentaire pour les métiers de la restauration, reste sur le pont pour anticiper la reprise. Entre optimisme et gestion de la crise au jour le jour, Yves Rallon, le fondateur de l'entreprise brestoise, fait son maximum pour accompagner ses 10 000 clients et soutenir le secteur.

— Photo : © CHR Numérique

« Nous avons vécu l’annonce de la fermeture de tous les restaurants comme une véritable douche froide », se remémore Yves Rallon, qui a créé CHR Numérique (110 salariés, 12 M€ de CA) à Brest en 2012. Il faut dire que 80 % des clients d’ePack Hygiène, son application d’auto-contrôle sanitaire et de traçabilité alimentaire, sont en effet des restaurateurs ou des structures de restauration collectives : écoles, collèges, lycées, etc. « Seuls 20 % de nos clients sont restés actifs, notamment les ateliers de GMS, les maisons de retraite, les boulangers et les métiers de bouches ». Autre défi à relever : si les abonnements assurent une bonne partie des revenus de l’entreprise, c’est bien l’acquisition de nouveaux clients qui soutenait sa croissance fulgurante de 25 % par an. Une hypercroissance stoppée net par la crise sanitaire…

Garder le lien avec les équipes et continuer à accompagner les clients

« Notre première mesure a été de mettre tous nos collaborateurs en sécurité, en mettant en place du télétravail ou en actionnant le chômage partiel. Nos managers ont continué à animer les équipes à distance, ce qui a été bon pour le moral de nos troupes car si certains collaborateurs ont très bien vécu le confinement, il a été beaucoup plus éprouvant pour d’autres. Nous avons aussi fait le choix de maintenir les participations de salariés aux bénéfices, car nous savons qu’ils ont aussi souffert financièrement de la crise. Notre deuxième priorité a été de maintenir un service minimum pour nos clients actifs, notamment le SAV et le support technique. La troisième priorité a été de soutenir nos clients inactifs en leur proposant de suspendre leurs mensualités d’abonnement sur avril, mai et juin, ce qui a représenté un travail de gestion conséquent. Six collaborateurs sont revenus au siège pour assurer cette seule partie, mais aussi rappeler les clients pour prendre de leurs nouvelles et les rassurer quand cela était nécessaire », détaille Yves Rallon. Mais l’ancien restaurateur voulait faire davantage pour ceux qui ont fait le succès de son entreprise.

Campagne de soutien à la profession

« Nous avons eu l’idée de lancer une grande campagne de soutien à la profession, à travers un spot qui passe dix fois par jour sur une chaîne d’information en continu et qui rappelle au public que les restaurateurs les attendent. Nous avons également créé un site web pour porter ce message, et préparons un second spot publicitaire pour rassurer le public en lui rappelant le professionnalisme de nos restaurateurs en matière d’hygiène. Car au final pour eux, le sujet du Covid-19 vient s’ajouter à tous les autres sujets de sécurité alimentaire et sanitaire qu’ils gèrent au quotidien », poursuit le dirigeant. « Pendant cette période, nous avons d’ailleurs développé un module spécifique qui intègre les nouveaux protocoles à appliquer pour lutter contre le Covid-19, avec notamment des alarmes régulières pour le lavage des mains ou les changements de masques ». Un module proposé gratuitement à l’ensemble de ses clients, là encore dans un geste de soutien.

Continuer à se projeter dans l’avenir

« Nous avons la chance d’avoir une bonne assise financière qui va nous permettre de passer la crise, mais les pertes se chiffrent en millions d’euros », confie celui qui prévoyait un chiffre d’affaires de 16 millions d’euros cette année et était en pleine accélération à l’export après avoir obtenu le label French Tech 120. « La bonne nouvelle, c’est que nous commençons à avoir de plus en plus de relances de nos clients qui sont impatients de pouvoir utiliser notre application ou de découvrir nos offres. On sent que ça bouge : selon les retours de nos équipes, un tiers de nos clients reste inquiet quant à la réouverture ou à une éventuelle seconde vague, mais les deux tiers restants sont impatients de pouvoir rouvrir. Nos commerciaux ont repris l’activité terrain depuis lundi, et des bons de commande tombent tous les jours. Tout le monde est relativement optimiste, et les choses pourraient repartir plus vite que prévu », espère celui qui n’attend toutefois pas un retour à la normale avant septembre ou octobre. En attendant, Yves Rallon continue à travailler au développement de son entreprise et à se projeter dans l’avenir. « Nous venons de recruter trois nouvelles collaboratrices pour constituer notre bureau export, et nous préparons la reprise de nos deux filiales en Espagne et au Maroc d’ici septembre », détaille-t-il.

« Tout le monde sait qu’il va falloir payer l’addition »

Mais s’il reste résolument optimiste, Yves Rallon n’en est pas moins lucide. « Tout le monde a bien conscience qu’il va falloir payer l’addition de cette crise, et que les restaurateurs les plus endettés vont avoir du mal à s’en remettre. Mais d’autres vont aussi ouvrir à partir d’une feuille blanche. La profession va devoir se réinventer, comme on l’a vu avec les systèmes de clic’n’collect, et je pense que cette crise va accélérer la transition numérique du secteur. Notre rôle sera de l’accompagner dans cette transition en proposant des outils toujours plus adaptés. Je reste confiant dans l’avenir car ce n’est pas la première crise à laquelle le secteur doit faire face. Je pense notamment à la crise de la vache folle dans les années 2 000. Et puis, le monde de la restauration, c’est avant tout de la convivialité, et les clients y reviendront forcément car cela fait partie intégrante de notre culture. L’important va être de ne pas trop s’appesantir sur le moment présent : il faut regarder loin devant ! », conclut-il.

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