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Coronavirus : les entreprises de cosmétiques se mobilisent pour fabriquer du gel hydroalcoolique
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Coronavirus : les entreprises de cosmétiques se mobilisent pour fabriquer du gel hydroalcoolique

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Plusieurs entreprises des cosmétiques finistériennes se sont lancées dans la production de gel hydroalcoolique pour répondre à l'appel des hôpitaux en rupture de stock. Un challenge pour leurs équipes qui doivent faire face au stress de s’exposer au coronavirus, au surcroît de travail engendré et au manque de matières premières.

— Photo : © Isabelle Jaffré

Technature, Agrimer Algues Marines, Lessonia… Plusieurs entreprises de cosmétiques du Finistère se sont réorganisées pour se tourner vers la production de gel hydroalcoolique afin de répondre à la demande des hôpitaux et établissements de soin locaux. Une participation à l’effort en temps de crise sanitaire qui a semblé logique aux patrons de ces sociétés. « Nous fabriquions déjà le nôtre pour nos propres besoins, car la cosmétique est un secteur très réglementé d’un point de vue sanitaire, explique André Prigent d’Agrimer à Plouguerneau (50 salariés, 8,30 M€ de CA en 2018). Quand les décrets pour l’autorisation de fabrication de gel hydroalcoolique sont passés avec des formules validées par l’État, le 13 puis le 20 mars, nous avons décidé d’en faire à plus grande échelle. Avec une ligne de production pour l’instant. J’espère pouvoir en avoir trois bientôt. » Du côté de Lessonia (176 salariés, 25,5 M€ de CA) à Saint-Thonan, 43 tonnes de solutions hydroalcooliques, soit plus de 200 000 flacons ont été fabriqués depuis le début du confinement. L’usine a mis en place une ligne automatique (une deuxième est envisagée) et deux lignes semi-automatiques. Mobilisation aussi chez Technature à Dirinon et au Relecq-Kerhuon (165 salariés, 20 M€ de CA) avec entre 4 et 5 tonnes produites.

« Des équipes remarquables »

« Il faut saluer les salariés qui travaillent malgré l’anxiété », souligne Pierre Morvan, le patron de Technature, où 84 % des effectifs étaient au travail le 20 mars. « Les salariés viennent pour que l’entreprise puisse fonctionner et répondre aux clients, mais aussi par solidarité avec le personnel médical », ajoute Christophe Winckler. « C’est dans ce type d’adversité que l’on voit les équipes remarquables qui sont sur le pont. Et avec la fatigue et le stress qui s’accumulent, ce n’est pas simple », reprend André Prigent.

Car la fabrication de ce gel n’est pas de tout repos pour les équipes. En usine, où la fabrication réclame la manipulation de produits qui nécessitent des précautions supplémentaires, comme dans les entreprises qui ont également adapté les horaires de pauses pour que les salariés ne se croisent pas dans la même pièce au même moment. Des mesures de distanciations ont aussi été instaurées.

Trouver les matières premières

Côté back-office, la difficulté reste de trouver les matières premières pour fabriquer le gel. Alors que Technature était à cours d’alcool le 25 mars, Agrimer a réussi à en trouver 5 tonnes le 27 mars. « On a découvert un autre fournisseur qui pourrait nous donner les 10 tonnes dont nous avons besoin. Cette recherche est un travail de tous les instants », indique le patron d’Agrimer. Même constat de tension sur les marchés des matières premières de la part de Christophe Winckler. « On travaille depuis le début de la crise pour s’approvisionner. » Les flacons pour conditionner le gel sont aussi compliqués à trouver. Et les fournisseurs en profitent aussi pour augmenter les prix sur ces marchés en tension partout dans le monde. « Le prix des emballages a été multiplié par deux ! », note Christophe Winckler. « Le prix du gel a été encadré par l’État et c’est normal, mais il faudrait peut-être penser à encadrer celui des matières premières également », lance le patron d’Agrimer.

Priorité aux établissements de soin

Le casse-tête des entreprises est aussi de valoriser cette production. Lessonia indique suivre à la lettre les prix encadrés. Chez Agrimer, une réflexion est en cours pour faire des dons ou appliquer un prix minimal, au moins pour les hôpitaux, les EHPAD. L’entreprise de Plouguerneau fabrique également du gel lavant. Elle étudie même la possibilité d’en donner à une association au bénéfice des sans domicile fixe. Les trois entreprises interrogées ont prévu de privilégier la livraison dans les établissements de soin locaux, malgré les demandes d’entreprises. L’une d’elles a été sollicitée par Airbus, une autre a reçu une demande venant des États-Unis. « Les appels sont nombreux », disent les trois patrons. « L’idée, du moins pour nous, c’est de ne pas non plus créer des situations où les gens se précipiteraient dans tel magasin ou telle pharmacie parce qu’ils ont été livrés », insiste André Prigent.

Livrer ses clients, quand c’est possible

Même si la solidarité joue à plein, les entreprises ne perdent pas de vue qu’elles ont des salariés à payer. Certains marchés de ces entreprises se sont effondrés. C’est le cas des spas et instituts de beauté, des thalassos qui ont fermé. « Nous avons eu une commande des États-Unis qui a été simplement annulée ! On va voir ce qu’on va faire car nous avions déjà commandé des matières premières ! » Chez Technature, l’activité « normale » reprend petit à petit, certes au ralenti. « Sur nos clients qui font de la vente en ligne, il y a de la demande. Pour ceux qui ont des magasins, c’est plus compliqué. Enfin, on s’aperçoit que le marché chinois ne repart pas tant que ça, car ils ont peur d’une deuxième vague du virus, venue de l’étranger », note Pierre Morvan. La crise, internationale, ne permet pas à ces entreprises de compenser avec leurs marchés à l’export comme elles le font habituellement. « Nous avons pu prendre des mesures de report d’échéances avec un accompagnement des banques qui a été exemplaire », souligne André Prigent. Le patron d’Agrimer pense aussi à la reprise qu’il faut d’ores et déjà préparer pour redémarrer le plus vite possible.

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