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Coronavirus : À la Sica, le maraîchage tient bon mais l'horticulture est dans le rouge
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Coronavirus : À la Sica, le maraîchage tient bon mais l'horticulture est dans le rouge

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Dans le Nord-Finistère, la Sica de Saint-Pol-de-Léon, premier groupement français de producteurs de légumes et d'horticulteurs et membre de la marque Prince de Bretagne, est sur le pied de guerre pour continuer à faire face à la demande de légumes. L'activité horticole, elle, est dans le rouge et les producteurs en appellent à la solidarité nationale.

Marc Kerangueven, président de la Sica de Saint-Pol-de-Léon, est particulièrement inquiet pour Kerisnel, la section horticole de la coopérative. — Photo : Agriculteurs de Bretagne

« Nos producteurs ont pris les mesures nécessaires pour pouvoir continuer à travailler en toute sécurité, et ont réussi à trouver de la main-d’œuvre », explique Marc Keranguéven, le président de Sica de Saint-Pol-de-Léon (120 salariés, 220 M€ de CA en 2019), la coopérative légumière et horticole nord finistérienne qui regroupe 650 exploitations. « Les légumes sont emballés à 80 % directement dans les champs et continuent à être envoyés dans les stations de réception qui sont régulièrement désinfectées et où nos équipes continuent à travailler en limitant bien entendu au maximum les rotations de poste. Les producteurs et les chauffeurs, quant à eux, ne rentrent plus dans la station, et nous avons mis deux bungalows à la disposition des routiers pour qu’ils puissent se reposer ».

Demande soutenue de légumes

Cette logistique désormais bien rodée permet à la Sica, premier groupement français de producteurs de légumes et d’horticulteurs, de continuer à répondre à une demande soutenue. « Que ce soit en conventionnel ou en bio, les marchés sont en général porteurs et les prix restent modérés. On a notamment une bonne demande nationale et à l’export sur les choux-fleurs avec des exportations qui continuent, notamment vers le Royaume Uni. La tomate se porte bien elle aussi, grâce au soutien de la GMS qui met en avant les productions françaises et avec des prix à la hausse. En général, sur la tomate, ce basculement entre production étrangère et française ne se fait qu’aux alentours de Pâques », détaille le président. Après un début de semaine chaotique la semaine dernière, la fraise a elle aussi réussi à trouver son marché, là encore grâce au soutien de la GMS.

Difficultés de transport redoutées à l’export

Seules ombres au tableau sur les 47 familles de légumes du catalogue de la Sica : les pommes de terre primeurs, boudées pour leur faible durée de conservation, mais aussi les mini-légumes et autres champignons shiitaké, à la connotation plus festive et dont le débouché principal, la restauration, s’est tari. Autres sujets d’inquiétude : le manque de camions pour acheminer les légumes, et notamment à l’export dont la part représente 40 % du chiffre d’affaires. Mais aussi la hausse du prix du transport liée à l’augmentation des déplacements à vide, faute de fret. « À l’heure actuelle, le tunnel sous la Manche est toujours ouvert et la Brittany Ferries, dont nous sommes actionnaires majoritaires, continue à faire des rotations pour le fret avec cinq navires au lieu de douze habituellement », relativise Marc Keranguéven. « Mais pour la Brittany Ferries, c’est la double peine : il y a eu le Brexit, et maintenant le coronavirus… », se désole-t-il.

Explosion de la vente en ligne

Côté distribution, la Sica de Saint-Pol-de-Léon, qui avait lancé sa marketplace sur le géant américain Amazon en septembre dernier ainsi que sur la plateforme française Houra.fr, a vu bondir le nombre de commandes de légumes en ligne. « Nous en sommes à une centaine de paniers par jour, ce qui équivaut au volume que l’on écoulait en ligne sur trois mois, avant la crise. L’accélération a été brutale dès l’annonce des mesures de confinement », détaille le président.

Le chantier de la station logistique de Vilargren à l’arrêt

Le chantier de la plateforme logistique de Vilargren, un projet crucial pour la compétitivité de la Sica relancé après sept ans de batailles juridiques et qui devait ouvrir en 2021, est quant à lui à l’arrêt. « Les travaux avaient pourtant bien avancé malgré des conditions météorologiques très difficiles. Le chantier reste ouvert mais il n’y a plus grand monde sur le site. Il va pourtant bien falloir que le chantier reprenne, car les entreprises ne vont pas pouvoir rester longtemps sans activité », estime Marc Keranguéven.

Le « crève-cœur » des horticulteurs

Mais ce qui inquiète le plus le président de la Sica, c’est la partie horticulture, qui regroupe une trentaine de producteurs sous la marque Kerisnel et qui représente 10 % du chiffre d’affaires de la coopérative. « En général, la partie horticulture réalise 46 % de son chiffre d’affaires entre mars et mai. On va avoir des pertes sèches, c’est évident », soupire le président. Un désarroi partagé par Mickaël Moal, producteur de plants de pépinière sur la commune de Mespaul et président du pôle horticole Kerisnel.

« Aujourd’hui, nous ne vendons plus : nous ne sommes donc plus rémunérés. Les plants ne pouvant quitter nos productions, ils vont être détruits car ils sont périssables. C’est un véritable crève-cœur pour nos producteurs au vu des volumes et des différents coûts engendrés par la production de ces végétaux ainsi que par leur destruction. Chaque exploitation de la coopérative est autonome et certaines d’entre elles sont déjà dans des situations de grande fragilité. Chaque jour qui passe, la situation est encore plus tendue », décrit Mickaël Moal dans un communiqué.

« Soyez solidaires, consommez français ! »

« Pour tous, la situation va se complexifier si la reprise d’activité tant souhaitée ne suit pas à la fin du confinement », poursuit Mickaël Moal. « Une partie des invendus de ces dernières semaines va être retaillée pour des ventes en plus gros litrage la saison prochaine. Pour autant, il va falloir leur trouver de la place pour les stocker tout en assurant les futures mises en culture, leur entretien, leur arrosage… et faut-il encore que ces produits puissent trouver leur place sur le marché », poursuit l’horticulteur, qui lance un appel à la solidarité nationale. « Dès lors que cette crise sera derrière nous, il faudra que chacun fasse preuve d’une solidarité sans faille pour accompagner nos exploitations dans la reprise d’activité, d’autant que la production française est reconnue pour être très qualitative. »

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