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Coronavirus : Frank Bellion, président de la CCIMBO, livre son analyse après dix jours de crise
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Frank Bellion président de la CCI métropolitaine Bretagne ouest Coronavirus : Frank Bellion, président de la CCIMBO, livre son analyse après dix jours de crise

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Une semaine après le début des mesures de confinement décrétées par le gouvernement pour tenter d'enrayer l'épidémie de coronavirus Covid-19, Frank Bellion, président de la CCI métropolitaine Bretagne ouest (CCIMBO), livre son analyse d'une situation qui évolue d'heure en heure.

— Photo : © Jean-Marc Le Droff / Le Journal des entreprises

Quels moyens la CCI métropolitaine Bretagne ouest a-t-elle mis en place pour continuer à accompagner les entreprises finistériennes ?

Frank Bellion : Notre siège et nos délégations sont fermés au public pour une durée indéterminée, mais nous restons opérationnels pour assurer le traitement des demandes des entreprises sur tout ce qui est régalien. En particulier les démarches sur la cotisation foncière des entreprises et les formalités à l’international pour les entreprises qui travaillent à l’export. Pour garantir la sécurité de tous, la grande majorité de nos équipes est en télétravail. Nous avons notamment mis en place un système de sas pour transmettre les documents dont les sociétés ont besoin pour continuer à avancer. Nous avons traité près de 350 demandes depuis le début du confinement, dont environ 80 % concernent des formalités à l’international pour les entreprises qui continuent d’exporter, notamment dans l’agroalimentaire. Nous avons également mis en place un numéro vert d’urgence (tél. : 0800 74 09 29, NDLR) pour informer nos ressortissants sur les aides dont ils peuvent bénéficier.

Vous êtes également en contact avec les autorités ?

F.B. : Oui, j’ai adressé la semaine dernière un courrier à l’ensemble des parlementaires finistériens pour leur faire un point sur la situation, ainsi qu’au préfet et aux sous-préfets. J’ai eu le préfet au téléphone le 20 mars, et nous avons organisé une audioconférence le 23 mars qui réunissait notamment la Fédération Française du Bâtiment, l’UIMM, le Medef et la CPME et un certain nombre de dirigeants d’entreprises emblématiques du territoire. Beaucoup se demandent s’ils peuvent continuer ou non à travailler tout en assurant la sécurité de leurs salariés. Nous n’avons pas tout résolu, mais ça nous a permis de faire un point et de constater que tout le monde se serre les coudes pour sortir de cette crise avec le moins de dommages possible. À ce jour, je ne ressens pas d’exaspération de la part de nos ressortissants, mais surtout une solidarité interprofessionnelle qui se traduit par beaucoup d’entraide, d’écoute et de partage pour trouver les meilleures solutions possible à ce mal imprévu.

Vous avez fermé l’ensemble de vos centres de formation ?

F.B. : Oui, mais des permanences téléphoniques sont assurées, et Brest Business School maintient bien entendu ses activités de formation en ligne.

Quid des aéroports ?

F.B. : L’aéroport de Quimper est fermé, mais sa piste reste ouverte. L’activité de maintenance continue sur l’aéroport de Morlaix. L’aéroport de Brest-Bretagne va passer de façon imminente à trois rotations par semaine, - le lundi, vendredi et dimanche -, contre onze par jour en temps normal. Cela fait suite à une décision d’Air France compte tenu de la faiblesse du trafic, et une fermeture complète de toutes les lignes vers Paris n'est pas à exclure. Les autres compagnies, comme Ryan Air, lèvent elles aussi le pied comme partout en France.

Et pour les ports ?

F.B. : À Brest, la réparation navale continue à travailler, mais nous avons dû annuler la venue de nouveaux paquebots. Côté port de commerce, les navires continuent à être déchargés même si l’activité fonctionne forcément au ralenti. Nous restons pleinement engagés vis-à-vis de nos clients et fournisseurs pour sécuriser les flux de marchandises que l’on reçoit, et notamment les produits qui servent a maintenir la continuité de l'approvisionnement alimentaire. À Roscoff, le Cap Finistère de la Brittany Ferries continue à faire escale une fois par semaine afin d’assurer les rotations d’équipage. Les ports de plaisance sont en revanche tous fermés.

Reste un pan important de l’activité, à savoir la pêche...

F.B. : Les criées sont ouvertes, contrairement à ce qu’on l’on a pu entendre ici ou là. Par contre, elles se sont organisées en fonction des arrivages qui sont moins fréquents, les armements s’étant eux aussi organisés en conséquence. La pêche côtière continue, mais la pêche hauturière a levé le pied. Le fait que la restauration soit stoppée prive la filière d’un débouché important. Les pécheurs sont inquiets et dans l’expectative.

À titre personnel et en tant que chef d’entreprise*, quel est votre état d’esprit, une semaine après le début de cette période de confinement ?

F.B. : C’est une bonne question... Nous devons faire face à un événement mondial inédit que nous devons gérer, en nous fiant aux scientifiques. Sur le plan humanitaire et sanitaire, bien évidemment, mais aussi le plan économique qu’il ne faut pas négliger. Il y a bien sûr des filières prioritaires comme les soins et l’agroalimentaire. Mais aussi toutes les filières annexes comme l’énergie, la gestion des déchets, etc. Tout un pan de l’économie a quant à lui été stoppé, et notamment l’événementiel, l’hôtellerie-restauration, les commerces hors alimentaire, etc. Après, il y a l’entre-deux. À savoir des filières qui peuvent continuer à travailler tout en assurant la sécurité des salariés. Et en la matière, deux philosophies se dessinent. Il y a ceux qui pensent qu’il faut tout fermer pendant 15 jours pour que les gens restent le plus confiné possible afin de réduire la durée de la crise. Et d’autres qui pensent que la crise va durer bien plus longtemps… Et que dès lors que la sécurité des salariés est assurée, il faut continuer à travailler pour que la sortie de crise soit la moins douloureuse possible. En sachant que l’État ne va vraisemblablement pas pouvoir prendre en charge l’intégralité des coûts liés à cette crise, je pense notamment au BTP et à l’industrie. Reste à gérer la problématique de la sécurisation des lieux de travail et du matériel de protection : masques, gel hydroalcoolique, etc. Je respecte les deux avis, mais j’ai tendance à penser qu’à partir du moment où la sécurité est assurée, il faut continuer à travailler.

* Frank Bellion est à la tête du groupe Cofibel (150 salariés, 50 M€ de CA), spécialisé notamment dans le négoce de produits sidérurgiques et de fournitures pour le bâtiment.

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