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Ces entreprises qui relocalisent leur production
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Ces entreprises qui relocalisent leur production

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C'est le monde à l'envers : alors que des Chinois confient à des Finistériens certaines de leurs activités, des Finistériens rapatrient leur production jusque là sous-traitée en Asie ou au Maghreb... Ne flotterait-il pas comme un air de relocalisation dans le département ?

— Photo : Le Journal des Entreprises

En décembre, sept ans après la délocalisation de sa production de filtres pour poids lourds en Turquie, le groupe américain Cummings rapatriait son activité sur son site quimpérois. Une situation géopolitique tendue pourrait expliquer ce retour, dévoilé par les syndicats et sur lequel Cummings reste discret. Dans le même temps, à Brest, c'est la start-up Iméon (15 salariés, C.A. non communiqué) qui décidait de rapatrier l'assemblage de ses onduleurs intelligents au plus près de son siège, -chez Aode Electronics-, plutôt qu'en Asie comme elle le faisait jusqu'à présent. Pourquoi ce choix ?

« Au final, ça coûte plus cher à l'étranger »

« Au-delà de créer de l'emploi sur le territoire, ça nous permet d'avoir davantage de contrôle sur la chaîne de production », explique Christophe Goasguen, dirigeant et fondateur d'Iméon. « Par exemple, ça nous donne beaucoup plus de flexibilité, plutôt que de faire produire à droite à gauche puis d'attendre que ça traverse le monde. Au final, les deltas de coûts ne sont pas si importants dès lors qu'on augmente les volumes, ce qui nous permet d'acheter moins cher. Et puis, en France, c'est quasiment impossible de trouver un prestataire qui nous prenne au sérieux pour un projet de moins de dix pièces. Même si on est susceptible de leur en commander 500 par la suite ! Aujourd'hui, on commande par milliers, ce qui nous permet naturellement de mieux négocier ».

De son côté, c'est à Plouédern que Tanguy Le Bihan, après 15 ans de collaboration avec Bénnéteau, a choisi d'installer Foil & Co, son bureau d'études spécialisé en architecture navale et particulièrement dans le prototypage et la fabrication d'hydrofoils. « J'ai déjà travaillé avec des sous-traitants en Asie ou au Maroc car ça semblait coûter moins cher », explique le Finistérien. « Mais au final, entre les frais et les délais de transport, les problèmes de paiement, de qualité et de SAV, on se rend compte que ça revient plus cher. Ils jouent souvent sur le prix des matières premières, ce qui nuit à la qualité. Et vu qu'on paie en avance, les premières pièces livrées sont bonnes, mais il arrive souvent que le reste parte à la poubelle... Et puis ça nécessite de travailler avec douze heures de décalage, ce qui n'est vraiment pas l'idéal quand il faut développer un produit rapidement ».

« Le gain de temps crée de la valeur »

Pour ne plus avoir à subir ce genre de contraintes, Tanguy Le Bihan a lui aussi fait le choix de relocaliser. Un pari osé pour lequel le Finistérien a récemment embauché trois salariés et investi 77.000 euros, notamment pour s'équiper de ce qui est probablement la plus grosse imprimante 3D de Bretagne capable d'imprimer du carbone, en collaboration avec les Brestois de Robot-Seeds. « Aujourd'hui, on est capable de prototyper et de passer de l'idée à la pièce testée sur l'eau en moins d'une semaine : c'est ce gain de temps qui crée de la valeur », estime Tanguy Le Bihan, qui compte monter ses effectifs à une quinzaine d'employés d'ici un an. Matériaux composites encore. À Brennilis, c'est le géant Neil Pryde qui a choisi de faire confiance à des Finistériens pour assurer une partie de sa production de foils, jusque-là fabriqués à 90 % en Asie (lire aussi page 13). « Le made in France est devenu un véritable argument de vente, un synonyme de qualité », estime Jean-Christophe Saliou, qui vient de créer Aventure Composites (15 salariés, C.A. N.C.) après avoir décroché ce gros contrat. « Ils nous ont choisis pour notre savoir-faire, bien sûr, mais aussi pour éviter les problèmes de transport, de délais, de réactivité, etc. Il faut savoir, par exemple, que durant la période du Nouvel An Chinois, une grande partie des salariés retournent dans les campagnes pour retrouver leurs familles.

Et beaucoup ne reviennent pas, ce qui désorganise les entreprises car il leur faut ensuite des mois pour revenir à une cadence de production normale, c'est une contrainte non négligeable... ». Une analyse en partie partagée par Patrick Perrin, directeur général de Cabasse, à Plouzané (30 salariés, 6,3 millions d'euros de C.A.). Après son rachat récent par le groupe montpelliérain Awox, Cabasse a également décidé de rapatrier la production de ses enceintes haut de gamme (30 % du C.A.) dans ses locaux finistériens. Une partie de la production que Cabasse confiait jusqu'à présent à Canon, à Liffré (35). « Ça nous permet de mieux maîtriser la qualité, de réaliser des petites séries et de proposer des finitions sur demande, mais aussi de diminuer les délais », explique le DG.

« Le Made in France est synonyme de qualité »

« Nos entrées de gamme sont encore fabriquées en Asie, car nous ne pourrions pas fabriquer de grandes quantités à Plouzané, non seulement en termes de capacité de production mais aussi en termes de coûts. Nous disposons d'une équipe à Singapour pour le contrôle qualité, - qui doit être permanent -, ainsi que pour les expéditions. Il n'y a généralement pas de problème pour les produits standards, mais c'est souvent plus compliqué pour les nouveaux produits, sans compter les prototypes qui doivent transiter par avion... Actuellement, on cherche des options pour trouver des fournisseurs en Europe pour certaines pièces, notamment les sphères de nos enceintes ».

« Produire à Plouzané nous permet d'accentuer les synergies entre R & D et production », résume Pierre-Yves Huet, le responsable de production. « Et puis il ne faut pas oublier le cadre de vie ! », sourit-il en regardant la rade de Brest à travers une fenêtre de l'atelier. « Ce n'est pas compliqué : si on veut du haut de gamme, il faut maîtriser l'ensemble de la chaîne de production », confirme Stéphane Granier, directeur des opérations industrielles du groupe Awox (80 salariés, 11,5 millions d'euros de C.A.). « Pour du haut de gamme, même en Chine, le Made in France est bien plus vendeur que le Made in China ! ».

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