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Ces entreprises bretonnes dans la roue du Tour de France 2021
Enquête Bretagne # Information-communication # Sport

Ces entreprises bretonnes dans la roue du Tour de France 2021

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Avec le Grand Départ de Brest le 26 juin et quatre étapes qui la traversent, la Bretagne est à la fête pour le Tour de France 2021. Une occasion en or pour les entreprises sponsors des deux équipes bretonnes invitées cette année. Pour les autres entreprises locales, il est cependant plus difficile de profiter de la visibilité du troisième événement sportif mondial.

L’équipe Arkéa-Samsic est invitée sur le Tour de France 2021 — Photo : Arkea

Le 26 juin, le Tour de France 2021 s’élancera de Brest. Si la Cité du Ponant est la ville du Grand Départ, c’est bien la Région Bretagne qui accueille la Grande Boucle avec pas moins de quatre étapes, une par département : Brest > Landerneau pour le Finistère ; Perros-Guirec > Mûr-de-Bretagne Guerlédan dans les Côtes-d’Armor ; Lorient > Pontivy dans le Morbihan et Redon > Fougères en Ille-et-Vilaine. Une fête pour la Bretagne, mais aussi pour les entreprises bretonnes. Du moins en partie.

Retombées médiatiques

Car la Bretagne est une terre de vélo et ce n’est pas une surprise de voir les entreprises soutenir des équipes. Pour la deuxième année consécutive, deux équipes sponsorisées par des entreprises bretonnes sont au départ du Tour, invitées par l’organisateur, Amaury Sport Organisation (ASO) : Arkéa-Samsic et B & B Hôtels. Des sponsorings qui valent de l’or grâce aux retombées médiatiques. En 2020, le Tour de France, le troisième événement sportif mondial après les Jeux Olympiques et la Coupe du monde de football, a affiché une audience moyenne par étapes sur France 2 de 3,5 millions de téléspectateurs (36 % de part d’audience). ASO revendique 40 millions de téléspectateurs rien qu’en France. Dans le monde, 190 pays sont diffuseurs et ASO annonce 750 millions d’heures vues sur le direct course uniquement pour 15 de ces principaux pays.

L’équipe B & B Hôtels participe pour la deuxième fois au Tour de France — Photo : Franz-Renan Joly

Pour le finistérien Crédit Mutuel Arkéa (10 846 salariés, 2,158 Md€ de PNBA), ce partenariat a commencé avec le nom de sa banque en ligne Fortuneo, avant de passer sous le nom d’Arkéa en 2019, en association avec l’entreprise rennaise Samsic. "Le cyclisme était un bon moyen de développer notre marque dans une communauté de valeurs : l’audace, l’engagement, l’esprit offensif, l’entraide, la culture de l’excellence, cite Cédric Malengreau, directeur du secrétariat général et de la communication institutionnelle du groupe bancaire. C’est en plus un sport populaire dans le bon sens du terme. Il y a peu, voire pas d’autres sports où le public peut avoir un accès gratuit et être aussi proche des sportifs de haut niveau - hors période de Covid bien entendu."

Communauté de valeurs

La banque bretonne et la société de services de Rennes n’ont pas choisi cette équipe au hasard. Les deux entreprises ont été convaincues par son directeur général, Emmanuel Hubert, et par la forte identité bretonne de l’équipe. Celle-ci a notamment déjà porté les couleurs de la Bretagne, mais aussi celles de Jean Floc’h et Armor-Lux. "Elle correspondait aussi à ce que l’on voulait faire : accompagner la progression d’une équipe qui n’était pas dans l’élite au départ et qui aujourd’hui est composée d’un mix de stars, comme Warren Barguil ou Nairo Quintana, et de jeunes pépites à l’image de Thibault Guernalec ou Élie Gesbert", poursuit Cédric Malengreau.

Sponsor depuis 2019 de l’équipe cycliste basée à Loudéac, B & B Hôtels est désormais seul sponsor des " Men in Glaz ". Pour le groupe hôtelier brestois, il s’agit là aussi d’un choix stratégique de communication pour améliorer la notoriété du nom B & B Hôtels en sponsorisant une équipe sportive dont on peut prendre le nom, dans un sport aux audiences internationales. " Il y avait la voile, mais la médiatisation reste très française, et le cyclisme ", note le président, Fabrice Collet. " Nous sommes surtout très fiers d’entendre et de lire des louanges sur les qualités de combativité, de sérieux, de dynamisme des coureurs. Cela correspond exactement à nos valeurs, celles que l’on veut voir associées à B & B Hôtels ", se félicite le président.

Un sport populaire mais qui n’est pas sans présenter quelques risques d’image pour les sponsors. Fin 2020, une enquête préliminaire a été lancée contre l’équipe Arkéa-Samsic pour des soupçons de dopage. L’enquête n’a toujours pas abouti aujourd’hui. "On gère cela de deux façons, explique le secrétaire général d’Arkéa. La première est le respect de la présomption d’innocence. On ne condamne pas sans savoir. La deuxième, c’est que si le cas de dopage est avéré, on en tire toutes les conséquences, et c’est prévu dans le contrat que nous avons signé. Il y a une charte : les coureurs s’engagent à suivre les contrôles."

Retours sur investissement

Des aléas qui ne douchent donc pas l’enthousiasme des partenaires. Ceux-ci communiquent cependant assez peu sur les montants investis, qui peuvent atteindre plusieurs millions d’euros par an pour les sponsors principaux. Mais derrière les chefs de file, on retrouve aussi d’autres entreprises. Gaëtan Poulain, dirigeant de Poulain et Fils Traiteur (27 salariés) à Hennebont (Morbihan) vit ainsi le Tour de France en tant que partenaire et prestataire depuis 2019. C’est lui qui cuisine pour l’équipe B & B Hôtels. Des moments privilégiés auprès des coureurs mais pas seulement. "Ce partenariat est aussi un moyen d’amplifier mes réseaux et de faire du business. Aujourd’hui, mon temps de présence m’apporte un potentiel de contacts et des opportunités d’événements qu’il faut travailler ensuite avec une pointe d’audace."

Le groupe Winfarm (250 salariés, 98,9 M€ de CA) compte parmi les entreprises costarmoricaines qui ont le plus tiré bénéfice des retombées économiques du Tour de France au cours de ces dix dernières années. Leader français de la vente par correspondance de produits agricoles, la société de Loudéac est, notamment, à la genèse du team professionnel de Jérôme Pineau, désormais sponsorisé par B & B Hôtels. Pendant trois ans, Winfarm apposera ses marques Vital Concept et Alphatech sur les maillots de l’équipe professionnelle pour une enveloppe globale, pour le groupe, dépassant 3 millions d’euros par an. "Nous avons stoppé l’aventure au bout du contrat comme c’était prévu car les résultats avaient été atteints, précise Patrice Étienne. Nous misions notamment sur le cyclisme pour la notoriété en France, avec le Tour, mais aussi pour percer en Belgique."

Faire du passage en Bretagne une fête

Benoit Lalys, le patron morbihannais d’Aluminium de Bretagne (47 salariés et 6,3 M€ de CA) est, lui, toujours partenaire des Men in Glaz. "C’est génial de vivre un tel challenge pour une entreprise comme la mienne", explique-t-il. Partenaire à hauteur de 10 000 euros par an, son entreprise bénéficie d’hospitalité et de visibilité qu’il peut partager avec ses salariés et ses contacts professionnels. L’énergique patron a bien noté que le Tour ne passera pas loin de son entreprise. Avec un autre dirigeant voisin, qui a la chance d’être sur le tracé du passage du peloton, il prépare une grande animation ; un moment de partage avec leurs salariés et clients.

Car pour les sponsors de ces équipes engagées sur le Tour, un passage en Bretagne est une occasion à ne pas manquer. Le groupe costarmoricain d’immobilier d’entreprises Bleu Mercure, membre du club d’entreprise Arkea-Samsic, va ainsi se "servir du passage de la Grande Boucle en Côtes-d’Armor, pour réaliser une opération de com' auprès de nos clients", indique Arlan Boulain, le PDG de l’entreprise basée à Plérin (34 salariés, 23 M€ de CA). Même optique pour le groupe de BTP rennais Legendre (2 100 salariés, 630 M€ de CA), engagé auprès de l’équipe Arkéa-Samsic en 2018 qui a resigné pour trois ans. "Nous avons bénéficié d’une publicité incroyable les deux premières années. Nos équipes ont trouvé ça très sympa de nous voir à bord de cette équipe, explique Vincent Legendre, le PDG. Nous souhaitons nous appuyer là-dessus pour donner envie à nos futurs collaborateurs de nous rejoindre. Chaque Tour de France est un petit événement chez nous…"

À l’occasion du Grand Départ de Brest, B & B Hôtels comme Arkéa, dont les sièges sont brestois, ont prévu des animations et réceptions pour leurs salariés et clients. Leurs tenues dépendront des conditions sanitaires à respecter. "Malheureusement, nos coureurs seront dans la bulle sanitaire et ne pourront pas faire de séances de dédicaces", regrette d’ailleurs Vincent Quandalle, directeur de B & B Europe de l’Ouest. Mais ce que souhaitent par-dessus tous ces sponsors, c’est une victoire d’étape pour leur équipe, et si possible en Bretagne !

Le rôle des collectivités

Pour les entreprises qui ne sont pas sponsors, il semble néanmoins plus difficile de capitaliser sur le passage du Tour de France. L’organisateur ASO tient à ne pas diluer la voix de ses partenaires qui déboursent entre 12 à 15 millions d’euros pour le maillot jaune, à partir de trois millions d’euros pour les autres maillots (vert, à pois, blanc, etc.) ou encore entre 300 000 à 500 000 euros pour être fournisseur officiel. À ces prix-là, comment les entreprises locales peuvent-elles trouver leur place dans la machine Tour de France ?

Le cycliste Kevin Reza de l’équipe B & B Hotels affiche les couleurs de la Bretagne sur son masque — Photo : A.S.O. - Pauline Ballet

L’Association pour le Développement et la Promotion des Entreprises (Adpe) de Redon, le réseau d’entrepreneurs de référence du territoire, qui compte une centaine de membres (industriels, entreprises de commerce et de services…), ne profitera ainsi pas de l’étape Redon-Fougères, le 29 juin, pour surfer sur l’événement. "On y a réfléchi mais c’est tellement absorbé par les médias nationaux et les grandes marques que nous serons de toute façon inexistants", juge Jean-Pierre Rolland, coprésident de l’association. "C’est dommage, parce qu’il y a une belle volonté entrepreneuriale à Redon et qu’il me paraît normal de consulter les forces vives locales sur un événement comme celui-là. On ne connaît même pas le parcours prévu dans la ville", regrette Jean-Pierre Rolland, qui se demande au passage comment la Ville va rentabiliser son investissement dans l’accueil des coureurs. Contactée, la Ville de Redon n’a pas donné suite à notre demande. 

Certaines collectivités tentent cependant parfois de faire une place aux entreprises, mais restent prudentes vis-à-vis d’ASO. À Landerneau, une entreprise "locale" est au moins sûre d’avoir de la visibilité. E.Leclerc est sponsor officiel du maillot à pois (meilleur grimpeur). Le maire, Patrick Leclerc, a mis un budget total de 300 000 euros pour l’occasion, dont 120 000 euros pour le ticket d’entrée. Il espère bien aussi que l’événement profite aux autres entreprises sur territoire, même si elles ne peuvent pas être présentes avec de la visibilité sur le Village, réservé aux partenaires officiels. "J’ai consulté le monde économique avant même l’annonce que l’on serait ville d’arrivée. Je voulais être sûr d’avoir leur soutien," explique-t-il.

Pour le Grand Départ, qui dure une semaine, Brest et Brest métropole ont investi en ticket d’entrée 840 000 euros, montant reversé à la Région Bretagne, collectivité chef de file du projet auprès d’ASO. Le maire François Cuillandre espère surtout des retombées pour les restaurateurs, hôteliers et commerçants, très touchés par les fermetures liées au Covid depuis un an. "En 2008, nous étions ville départ également. Pour 1 euro investi, nous avions eu 10 euros de retombées", estime-t-il, tout en voulant rester prudent sur les chiffres cette année. "Avec la crise sanitaire, c’est plus incertain." Mais étant donné le contexte économique, tout est bon à prendre. Le maire a d’ailleurs prévu de contacter la CCI métropolitaine Bretagne Ouest. Mais à plus d’un mois du départ, les incertitudes d’organisation dues au coronavirus sont encore trop importantes pour fixer des animations définitives.

À 100 jours du départ du Tour de France, une cérémonie a été organisée à Brest, ville du Grand Départ — Photo : A.S.O. - Jean-Marie LIOT

À Lorient, le maire Fabrice Loher a fait ses calculs. "Cela coûtera 3,5 euros par Lorientais", confie-t-il. La Ville de Lorient, qui bénéficie d’une petite contribution de l’agglomération, mobilise 200 000 euros. Pour être ville étape, Lorient devra s’acquitter de 96 000 euros auxquels il faut ajouter les moyens techniques, la mise à disposition d’agents municipaux, de forces de sécurité, un budget communication… "En moyenne, un euro investi rapporte entre cinq et dix euros sur le territoire. Pour nous, cet événement et cette exposition devraient avoir un vrai effet levier. C’est notre plan de relance à nous !"

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