En septembre 2021, Emmanuelle Cadiou a repris la majorité du capital du fabricant de portail, Cadiou Industrie (770 salariés, 92 M€ de CA). En 2007, elle avait déjà pris la codirection, avec Jean-François Legault et Anthony Bihan, de l’entreprise familiale créée à Locronan en 1949 par son grand-père, et reprise en 1973 par son père, Ronan Cadiou. "Jean-François reste le directeur commercial et Anthony est parti faire de la maîtrise d’œuvre", indique celle qui possède désormais 80 % du capital.
Cette réorganisation du capital vise, notamment, à préparer l’arrivée de la quatrième génération à la tête de l’entreprise. "J’ai 44 ans, donc ce n’est pas pour tout de suite. Mais mes trois enfants ont de l’intérêt pour l’entreprise, se réjouit la présidente de Cadiou. Mon aîné a 20 ans et entre dans l’entreprise comme commercial junior. Le cadet de 18 ans est à l’Edec à Lille et la dernière, à 14 ans, a le temps d’y penser." Pour déjà se préparer et anticiper cette passation de son entreprise, la dirigeante a adhéré récemment au réseau Family Business Network (FBN). "Le réseau compte des familles qui détiennent de grands groupes comme Mulliez ou Rocher, mais aussi de plus petites entreprises comme la nôtre. Le but est de préparer la succession au sein de la famille en pensant à l’organisation de la gouvernance, du capital, etc. Il y a aussi des séminaires pour les enfants entre 18 et 25 ans pour leur transmettre cette culture de l’entreprise familiale et ce que cela demande", explique Emmanuelle Cadiou. Avec un objectif simple : garder le capital de l’entreprise dans la famille.
"Se nourrir de l’extérieur"
Pour cette "passionnée de portail," comme elle se décrit elle-même, la culture et les valeurs de l’entreprise sont primordiales. "Nous avions déjà travaillé sur notre raison d’être. Désormais, nous avons un plan nommé "Vision 2025" avec deux chantiers. Le premier est la qualité et l’excellence opérationnelle, le second est l’innovation. "Cela vaut pour nous mais aussi tout notre écosystème : fournisseurs, clients, partenaires, etc. Par exemple, nous regardons avec nos fournisseurs comment limiter les emballages. Nous sommes exigeants sur la qualité mais nous restons dans le dialogue pour améliorer ce qui ne va pas", partage la dirigeante.
"Mon rôle, c’est d’amener la becquée", plaisante-t-elle. Car Emmanuelle Cadiou aime nourrir son entreprise avec ce qu’elle voit ailleurs. "C’est connu, je dis oui à tout !, poursuit-elle. Alors les gens me proposent des choses nouvelles aussi." Membre du bureau du Mouvement des entreprises 29 (ex-Medef 29), présidente de l’association pour l’insertion et l’emploi Crepi 29… La présidente de Cadiou est une femme de réseau. "Tout ce que j’apprends, je l’amène dans l’entreprise pour que ce soit mis en œuvre tout de suite. Après, ça marche ou ça ne marche pas, mais nous essayons", explique-t-elle.
Parmi les valeurs qui lui tiennent à cœur, la responsabilité environnementale est en tête. "Il y a deux ans, j’ai fait une formation avec Sébastien Marquant d’Imma Terra sur l’économie de la fonctionnalité et de la coopération, raconte Emmanuelle Cadiou. Depuis, nous intégrons cela dans la conception de nos produits en travaillant sur leur réparabilité sur place et leur évolution. Par exemple, il est compliqué d’ajouter un moteur sur un portail classique. Nous essayons donc de rendre possible plus facilement la motorisation d’un portail non motorisé au départ."
Lean management
La dirigeante essaye aussi de répondre à différentes problématiques en un seul projet. "Nous investissons 1,5 million d’euros pour rénover l’ancienne école du bourg de Locronan. L’idée est d’accueillir, pendant l’hiver, des sessions de formations à l’installation de domotique pour les artisans qui travaillent avec nous. Cela permettra aussi de faire travailler les commerces de Locronan hors saison touristique", espère la PDG.
Ce mode de fonctionnement force Emmanuelle Cadiou à être souvent loin du siège de l’entreprise. "Cela fonctionne grâce à l’équipe qui m’entoure et au Lean management, que nous avons mis en place en 2013. Grâce aux indicateurs et à une réunion hebdomadaire, je vois tout de suite si tout va bien ou pas", note-t-elle. Quand la dirigeante passe dans l’usine, un seul coup d’œil sur le tableau lui permet, grâce au code couleurs, de voir où en est la production. "Nous sommes très agiles, ce qui nous a permis de surmonter pas mal de crises".
Confinement, cyberattaque, pénurie de matières premières… Cadiou Industrie s’adapte et réussi toujours à grandir, passant d’environ 62 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2020 à 92 millions d’euros en 2021. "Nous allons sans doute dépasser les 120 millions d’euros en 2022, estime Emmanuelle Cadiou. Pendant le confinement, nous avons dû trouver une solution pour éloigner les gens les uns des autres, tout en continuant à produire. Nous avons fonctionné en 2x8, avec une production la nuit. Contre toute attente, cela a beaucoup plu à une partie des salariés et nous avons continué. Cela nous a permis d’avoir une croissance de chiffre d’affaires que l’on pensait impossible à atteindre."
Nouvelles extensions dès 2022
Et pour accompagner cette croissance, Cadiou Industrie investit, encore et toujours. La liste des projets passés, en cours et à venir est longue. "Je ne saurais pas dire combien on investit par an. Nous ne fonctionnons pas avec un budget mais selon les besoins", explique la dirigeante. L’entreprise a acquis début 2022, pour 2 millions d’euros, un site de 5 000 m² à Châteaubourg (Ille-et-Vilaine) pour sa logistique. L’année dernière, elle avait investi 1,8 million d’euros pour un entrepôt à Lyon, pour soulager son premier site au nord de Paris.
À Locronan aussi, le site s’agrandit. En 2021, deux millions d’euros ont été investis pour une extension de 2 500 m². En 2022, un nouveau bâtiment de 2 000 m² stockage est prévu. "D’ici 24 mois, je prévois également un autre bâtiment de production et de bureaux de 2 500 m² pour un investissement entre 4 et 5 millions d’euros sur un terrain de 40 000 m². Cela reste compliqué de s’agrandir car nous sommes sur un terrain en espalier", souligne Emmanuelle Cadiou.
La construction de nouveaux bâtiments entraîne la réorganisation régulière de l’usine. "Les équipes ont l’habitude. C’est la force de notre organisation", insiste la patronne. Cadiou Industrie a, par exemple, arrêté sa production en PVC début 2022 pour se concentrer sur l’aluminium principalement. "Nous avons conservé un service après-vente seulement et la majorité des salariés de l’atelier a été formée sur l’alu. Il y a eu un peu de crainte au début mais ça se passe très bien !"
Dans sa stratégie, le fabricant de portail a décidé d’élargir sa gamme, tout en se recentrant sur l’aménagement extérieur. "Nous avons vendu 100 % des parts de Cadiou Chaudronnerie, qui faisait des cuves en plastique. Le métier était trop différent du nôtre", indique la chef d’entreprise. Mais la dirigeante veut accélérer sur les garde-corps pour maison, qui ont connu un bond de 20 % l’année dernière. "Et nous allons nous lancer prochainement dans les garde-corps pour immeuble. Nous avons d’autres projets également, pour plus tard. L’idée est toujours de rester dans l’aménagement extérieur, qui est un marché porteur", conclut Emmanuelle Cadiou.
