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Brexit : des opportunités pour les PME en Irlande
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Brexit : des opportunités pour les PME en Irlande

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Quarante-cinq dirigeants d’entreprise ont participé cet automne à un voyage à Dublin organisé par l’UE-Medef 29. L’occasion de parler, avec leurs homologues irlandais, Brexit, taux d’imposition et Gafa, entre autres.

La délégation de l'UE 29, devant la résidence de l'Ambassadeur de France à Dublin. Avec le Brexit, les entreprises irlandaises pourraient davantage se tourner vers le continent et la Bretagne. — Photo : © Isabelle Jaffré

Voyage au pays qui craint sans doute le plus le Brexit. Une quarantaine de patrons finistériens sont partis à la rencontre de l’économie irlandaise en octobre dernier. Un périple organisé par l’Union des entreprises du Finistère, une première pour l’organisation patronale du département. « Une réussite », estime le président, Stéphane Bidamant, même s’il eut apprécié la présence de quelques élus. « Pour une première, nous cherchions d’abord à créer une atmosphère conviviale et je pense qu’on y est arrivé. L’idée était aussi d’aller à la rencontre de patrons irlandais et de comprendre l’économie. »

D’où une conférence à l’ambassade de France par son service économique (lire p 26), une rencontre avec le patronat irlandais (l’Ibec) et des visites de ce qui compose l’économie irlandaise : une ETI (Ecocem) et le siège Europe d’un Gafa (Google.)

Deal ou no Deal

Quel que soit l’interlocuteur, le Brexit est sur toutes les lèvres. « Nous avons fait une étude auprès de nos membres. Les inquiétudes des patrons irlandais portent principalement sur les questions de barrières douanières avec le Royaume-Uni (80 % de l’export irlandais), les divergences réglementaires et le taux de change », expose le directeur des affaires européennes et internationales de l’Ibec, le Dr Pat Ivory. Son organisation a mis en place un outil à destination des 70 000 entreprises adhérentes : le « Brexit Tracker », permet de suivre les avancées des négociations et leurs conséquences sur l’économie. « Il s’agit d’aider à y voir plus clair car les implications d’un « no deal » (ou Brexit dur, NDLR) sont catastrophiques ! En Irlande, on essaie de rester positif. Il est difficile d’imaginer un no deal », ajoute Pat Ivory.

La délégation de l'UE-Medef 29 a visité les locaux de Google Europe à Dublin, où travaillent plus de 7000 salariés. — Photo : © Isabelle Jaffré

Depuis l’annonce du Brexit, les entreprises ont déjà vu les effets négatifs de la décision des Britanniques : « Nos marges ont disparu sur nos exportations au Royaume-Uni à cause de la dévalorisation de la livre. C’est l’effet qui nous dérange le plus », explique Conor O’Riain, directeur Europe d’Ecocem. Cette entreprise familiale de Dublin (150 salariés, 90 M€ de CA) fabrique du béton écologique à partir de « laitier », un coproduit de l’acier. Elle possède plusieurs sites, en Angleterre mais aussi en France, à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) et à Dunkerque (Nord).

Des « coups à faire »…

De quoi favoriser la France et la Bretagne ? Peut-être ! « Ils vont se tourner vers le continent, donc il y a des coups à faire. Cela va devenir compliqué pour les Irlandais de passer par le Royaume-Uni pour atteindre les marchés du continent », estime Fabrice Boudinet, patron du contractant général brestois Soft. L’annonce de la Commission Européenne de redéfinir le corridor « Mer du Nord - Méditerranée » pour rediriger le fret maritime irlandais, passant par le Royaume-Uni, vers le Benelux, en excluant les ports français comme Brest et Roscoff avaient d’ailleurs provoqué un tollé en Bretagne. « On recherche des routes de fret plus directes », insiste le directeur des affaires européennes de l’Ibec. Tout l’enjeu pour les ports finistériens sera donc d’avoir la taille et les infrastructures nécessaires à l’accueil de ces nouveaux flux, alors que les ports du Benelux sont d’ores et déjà beaucoup plus importants et équipés.

… malgré quelques risques

L’autre intérêt de l’Irlande pour les entreprises est son taux d’imposition sur les sociétés : 12,5 %. De quoi faire rêver en France. « On sent surtout une énergie incroyable dans ce pays, la volonté de se battre, même si leur forte croissance (+7,5 % en 2018, NDLR) me semble fragile », a trouvé Pierre Corre, du cabinet de gestion de patrimoine. Une perception partagée par Charles Cabillic, le patron de l’agence web brestoise Zip : « Une bonne partie de leur bonne santé semble reposer sur cette fiscalité et sur la présence des multinationales qu’elle attire. Dépendre que de quelques acteurs, c’est dangereux. Mais je pense quand même, qu’avec le Brexit, il y a une part du gâteau à récupérer pour les entreprises françaises. Pourquoi pas les finistériennes ? »

Reste à trouver le bon secteur. « Le transport, l’agroalimentaire… », cite Fabrice Boudinet. Car si l’Irlande est en plein boum, la contrepartie est une crise du logement grave, des salaires élevés pour s’adapter à un coût de la vie lui aussi en hausse. Et contrairement à ce qu’on pourrait penser avec la présence des géants du net comme Google ou Facebook, l’Irlande est loin d’être la terre des start-up. Si la fiscalité est très favorable aux grands (ils payent beaucoup moins que les 12,5 %, voire rien du tout, grâce à une mécanique financière), elle l’est beaucoup moins pour les start-up avec des taxes sur les plus-values de revente importantes.

Le voyage aura-t-il convaincu certains patrons de s’installer en Irlande ? « Pour l’instant, on n’en a pas eu l’écho, sourit Stéphane Bidamant. Mais ce n’était pas le but forcément non plus. » L’UE 29 envisage de repartir dès 2019, destination l’Europe encore. « Sans doute l’Allemagne », confie le président.

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