Brest : Une stratégie économique en coopération avec les patrons

Brest : Une stratégie économique en coopération avec les patrons

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Brest Métropole a dévoilé, le 27 juin, sa stratégie métropolitaine de développement économique (SMDE). Le résultat d'un travail de près de neuf mois avec des dirigeants locaux, qui se veut aussi un point de départ.
— Photo : Le Journal des Entreprises

Brest est métropole depuis 2015. Un statut acquis de longue lutte (selon la loi, la ville ne pouvait y prétendre mais une exception a été faite étant donné, notamment, sa situation géographique particulière), qui lui permet de conserver la compétence économique, en « élaboration commune » avec la Région. Et Brest n'est pas du genre à attendre. Dès l'automne dernier, elle a mis en place une coopération entre élus, techniciens et dirigeants brestois pour constituer une stratégie métropolitaine de développement économique, ou SMDE. Après plusieurs mois de concertation et de collaboration, au sein du comité d'orientation stratégique et d'un think tank,- nommé Brest Business Life -, pour ce qui concerne les chefs d'entreprise, Brest métropole organisait, le 27 juin, une soirée de restitution. Objectif : révéler les 5 défis majeurs identifiés. Tour d'horizon.




Défi 1. L'attractivité

« L'attractivité est un sujet complexe. Pour intéresser des personnes extérieures, il faut raconter une histoire », estime Christian Couilleau, DG du groupe Even et sa filiale Laïta. Des histoires, Brest - et la Bretagne en général - en a. Mais elle est aussi souvent enfermée dans des clichés. « Quand on est à l'extérieur et qu'on dit qu'on vient de Brest, on s'excuse presque ensuite, regrette Alban Boyé, DG du constructeur de maisons individuelles Trecobat. Il faut qu'on arrête d'être complexé. On a des expertises à Brest et des réussites. Il faut le faire savoir. » « Nous ne gagnerons pas ce combat sur l'attractivité en restant focalisés sur la communication, qui demandera beaucoup de ressources et de temps », prédit la métropole. Si la collectivité poursuit son action de marketing territoriale Brest life, celle-ci veut aller plus loin. Il s'agit désormais de renforcer, aussi, les dispositifs d'accueils des actifs en aidant les entreprises à attirer des cadres, des ingénieurs, des salariés qualifiés. Mais aussi faire venir de nouveaux investisseurs par des actions de prospections nationales et internationales.




Défi 2. L'innovation, l'entrepreneuriat

« Les emplois de demain seront créés par nos entreprises, nos startups, nos innovateurs », souligne la métropole dans sa stratégie. Pour encourager l'entrepreneuriat, elle a identifié plusieurs projets prioritaires dans ce domaine. Il y a notamment l'idée d'une plateforme web dédiée aux réseaux de la création d'entreprise. Dans le cadre de French Tech Brest +, il est aussi proposé l'élargissement de l'accélérateur des TPE et PME. « L'attractivité vient aussi avec la capacité à financer les entreprises par les entreprises, avec du corporate venture », souligne Arnaud Giraudon, patron d'A comme Assure, qui a également fondé Symphonis, devenue depuis Fortuneo. Cette ambition d'accueillir de nouvelles entreprises, étrangères et locales passe par la conception d'un schéma d'aménagement des Zone d'activités économiques (ZAE) comme celles du Polder, de Lanvian, du Technopôle, etc. La métropole souhaite aussi qu'un site web de promotion foncière et immobilière se crée à l'échelle du pays de Brest. Enfin, la SMDE propose de construire un bâtiment totem sur le site du Technopôle et sur celui des Capucins pour les structures d'animation de l'innovation et de développements de projets.




Défi 3. Le national, l'international

Brest est loin. Une fois cette évidence énoncée, reste à savoir comment, malgré tout, inscrire le territoire dans une économie mondialisée. Parmi les projets identifiés, la concrétisation des investissements ferroviaires qui doivent mettre Brest (et Quimper) environ 3h30 de Paris reste une priorité absolue. Autre chantier important, celui du port de Brest qui doit porter la « croissance bleue » avec, notamment, les énergies marines renouvelables sur le polder. Enfin, l'accessibilité numérique demeure une nécessité. Pour cela, Brest peut compter sur le plan régional « Bretagne Très Haut Débit ». Côté exportations, la stratégie vise à s'appuyer sur des structures comme Bretagne Commerce International pour faire émerger de nouveaux exportateurs parmi les PME et TPE.




Défi 4. Les transitions écologique, numérique et
sociétale

Aider les entreprises à se saisir, sans subir, des changements dans l'économie, en matière de numérique, d'écologie, de business model. C'estun autre objectif de la stratégie de la métropole. Parmi les projets prioritaires, on retrouve l'investissement dans la rénovation du bâti, l'évolution vers le concept de « Smart City ». Cette ville intelligente, connectée, qui permet d'améliorer les services, de réduire les coûts mais aussi la consommation d'énergie par exemple. Le concept est à l'oeuvre dans le nouveau quartier des Capucins à Brest. Sur la transition numérique, Brest Tech + a un rôle important à jouer pour : aider au développement du e-commerce, favoriser les échanges entre les entreprises, etc. « En matière de stratégie, on est plus fort quand on a fait un choix. C'est toute la difficulté de l'action politique », indique Arnaud Giraudon. Pour lui, les choix sont clairs : « la mer, le numérique, qui affranchit les distances. Pourquoi pas l'agroalimentaire aussi. » Dans le cas du commerce, le centre-ville particulièrement a besoin d'être soutenu. Les Assises du commerce, nées en 2015, vont être pérennisées et un manager de centre-ville doit être nommé très prochainement. Enfin, Brest peut aussi miser sur les circuits courts et l'économie sociale et solidaire. Un appel à projet vient d'ailleurs d'être lancé. Avec des dotations de 3.000 euros par projet à la clé.




Défi 5. Les pôles d'excellence

Pour favoriser l'innovation et l'entrepreneuriat, il faut aussi que les formations et la recherche soient à la hauteur. « C'est le cas, mais les étudiants partent ensuite. Il faut réussir à les faire rester », note Alban Boyé. « On a beaucoup d'écoles d'ingénieur. On manque de Business school, ajoute Arnaud Giraudon. La métropole souhaite ainsi étudier la possibilité d'un « institut » du leadership à Brest. « Il faut porter une attention toute particulière aux formations centrées sur l'entrepreneuriat, le développement des entreprises et des compétences managériales et accompagner la montée en compétences des cadres et dirigeants d'entreprises », insiste la collectivité dans la SMDE. L'accueil prochain du siège national d'Ifremer est une première pierre dans ce sens. Brest veut aussi lancer de façon opérationnelle le « Campus mondial de la mer », développer Brest Tech +, et encourager une logique de clusterisation des entreprises d'un même secteur (algues, fintech, cyberdéfense, etc.). « Cela ne veut pas dire que toute l'économie de Brest doit être liée à la mer. Mais il faut une image maritime pour être plus attractive pour toutes les entreprises. Notamment pour attirer des cadres », estime Christian Couilleau.




Des attentes fortes

« On attend de la collectivité qu'elle nous facilite la tâche. Pas par des subventions mais en créant l'écosystème nécessaire à notre développement », résume Alban Boyé. Le DG de Trecobat a décidé de poursuivre sa participation au think tank. « L'union fait la force. On s'est aperçu qu'il n'y avait sans doute pas assez de liaisons entre collectivités et entreprises. Ces échanges permettent d'avancer. » « Les rivalités entre collectivités sont destructrices de valeurs. Cela rassure de voir une synergie entre la métropole, la région, le département et aussi avec les villes autour comme Lannion et Quimper. Cela nous permet, en tant qu'entreprises, de nous impliquer dans la vie locale à notre tour », ajoute le DG d'Even et Laïta. Pour lui, le problème de territorialité est très concret. « Je suis DG d'Even, à Ploudaniel et de Laïta, dont le siège est à Brest. » Consciente de ces attentes, Brest métropole souhaite poursuivre la démarche de coopération avec les patrons locaux. Un club d'ambassadeurs va se créer pour permettre à tous les chefs d'entreprise de s'impliquer à hauteur de leurs envies et surtout de leurs possibilités. « Ce n'est que le début ! », insistent les élus.