Quel est l’objectif de ce collectif breton d’experts-comptables qui dénonce les pratiques commerciales de leur fournisseur de logiciels de gestion, le groupe lyonnais Cegid ?
Fondé par Jean-Michel Aulas et détenu, depuis 2016, par des fonds d’investissement américain, Cegid a annoncé, fin 2020, qu’il cesserait, au 31 décembre 2021, de commercialiser ses licences en mode serveur de ses solutions de gestion et de traitement de la paie. Le groupe lyonnais entend basculer totalement vers des logiciels 100 % dématérialisés. Si nous ne sommes pas contre ces évolutions techniques, dans l’ère du temps avec la digitalisation et le télétravail, nous contestons la manière dont elles nous sont imposées. Les pratiques commerciales de Cegid conduisent, pour tous ses clients, à une hausse astronomique du coût annuel de l’utilisation des logiciels. C’est scandaleux car nous sommes pris en otage, pieds et mains liés.
Pour un cabinet comme YCL Expertise, qui compte 40 collaborateurs, que représente la hausse ?
YCL Expertise dispose actuellement de 28 licences du logiciel Quadratus pour un coût annuel de 6 500 euros. Les versions dématérialisées ne pouvant pas être partagées, la nouvelle proposition de Cegid est de passer à 40 licences pour un coût total de 48 000 euros par an. Autant dire qu’une grande partie de notre résultat partira dans cette hausse. À côté de cela, nous assistons, depuis quelques années, à une véritable dégradation du service, qui perdure avec le passage vers le cloud. Mes confrères, qui ont déjà accepté l’offre de Cegid, constatent des difficultés de connexions. Ce sont autant d’arrêts qui nuisent à notre productivité, à notre rentabilité et aux services rendus aux clients.
Quelle est l’ambition du collectif ?
À date, nous regroupons une dizaine de cabinets d’expertise-comptable dans le grand Ouest qui représentent près de 1 000 collaborateurs. L’objectif est d’agrandir le cercle des mécontents pour peser dans les discussions commerciales et obtenir des tarifs adaptés à nos réalités économiques. Nous invitons tous ceux qui rencontrent les mêmes difficultés avec Cegid à nous rejoindre pour dénoncer ce diktat. Nos ordres et syndicats doivent aussi se saisir de cette problématique qui met en péril la pérennité de nombreux cabinets d’expertise-comptable. Si nous n’arrivons pas à faire infléchir notre éditeur, nous n’hésiterons pas à quitter ce fournisseur. Un groupe de travail interroge déjà les autres acteurs du marché même si nous savons, par la complexité de notre métier, que changer de partenaire technique est compliqué.
Vous envisagez éventuellement une procédure judiciaire contre Cegid ?
Avec près de 60 % de parts de marché, Cegid bénéficie d’un statut lui permettant d’imposer ses conditions commerciales et techniques. Sur ce sujet, nous estimons que ses nouvelles pratiques tarifaires relèvent d’un abus de position dominante. Nous réfléchissons effectivement, si les choses n’aboutissent pas favorablement, à lancer une procédure judiciaire.