René Trotel : Le menuisier de Hénanbihen a pris la plume

René Trotel : Le menuisier de Hénanbihen a pris la plume

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À 77 ans, René Trotel pourrait profiter de sa retraite. Mais l'ancien patron des meubles Trotel de Hénanbihen a choisi de continuer à partager sa passion avec la sortie, fin 2009, d'un ouvrage sur le mobilier populaire breton. Bénédicte Hascoët
— Photo : Le Journal des Entreprises

«Dès que j'ai su marcher, je suis allé dans les copeaux de bois de l'atelier de mon père. Notre maison était juste à côté dans le bourg d'Hénanbihen.» Né en 1933 à Hénanbihen, René Trotel entre, à 14 ans, comme apprenti chez son père, menuisier-ébéniste. «Pourtant, j'étais bon élève, j'aurais pu continuer, mais l'idée ne m'est jamais venue de faire autre chose.» Lorsqu'il intègre l'entreprise familiale en 1947, René Trotel représente la troisième génération de Trotel. C'est son grand-père, Gabriel, qui fonde cette menuiserie en 1904 à Hénanbihen. Il y emploie au départ entre deux et quatre ouvriers et a une clientèle locale. Son fils, René, lui succède. C'est lui qui va développer cet atelier artisanal en se spécialisant dans le meuble au début des années 30. «C'est le début de l'essor des stations balnéaires comme Saint-Cast, raconte son fils. Mon père entre en contact avec une clientèle plus cultivée et avec plus de moyens.» Et qui a besoin de meubler ses luxueuses villas avec des choses un peu plus «élaborées». Grâce à sa rencontre, après la seconde guerre, avec Adrien Le Guen, un sculpteur dinannais, René Trotel père va «faire évoluer le mobilier de Bretagne. C'est un véritable retour aux sources avec des décors celtiques, tout en proposant des oeuvres originales.» Des oeuvres qu'il expose lors de foires-expo à Dinan, Saint-Brieuc, Rennes et qui sont souvent récompensées Le nom René Trotel commence à se faire connaître.




Patron à moins de 30 ans

«J'ai travaillé avec mon père une quinzaine d'années, se souvient René Trotel fils. Et ça s'est toujours bien passé. Il m'a très vite laissé des responsabilités. À moins de 30 ans, j'étais même le patron.» Et le fils va faire fructifier sa petite entreprise. Dans les années 60, il prend les rênes de la menuiserie et choisit de lui donner un tournant industriel. «Attention, nous faisions du meuble massif, de la reproduction de mobilier ancien haute gamme et authentique.» Des ?copies ?souvent inspirées du mobilier populaire breton avec trois grands principes: «l'authenticité en faisant référence à des styles précis, l'originalité avec des modèles innovant et enfin, le respect intégral des règles du métier qui sont souvent abandonnées quand on passe à l'étape industrielle.Quand je dessinais un proto, je ne faisais aucune concession pour gagner du temps. Faire appel à des machines c'est bien mais il ne faut pas faire de compromis sur la qualité.»




Des meubles signés

En 1968, les locaux sont devenus trop exigus pour accueillir les 15salariés. Une nouvelle usine de 1.500m² est construite à la sortie du bourg de Hénanbihen. Un an plus tard, l'effectif a doublé. À la fin des années 70, ce sont 125 personnes qui travaillent dans la société René Trotel pour une surface de 6.000m². Les meubles sont signés dès les années 70, ils ont tous un numéro et un certificat d'authenticité. Les premières pubs René Trotel font leur apparition dans les revues de déco avec des listes de marchands de meubles concessionnaires. Des représentants sillonnent la France et les pays frontaliers. La marque commence à être connue d'un public averti. René Trotel ira même trois fois aux USA, «pour voir... mais, je ne parlais pas anglais et puis, je n'ai jamais eu le goût du commerce pour le commerce.» Son business, c'est en France qu'il le développe, à travers un réseau de concessionnaires. En 1983, l'usine atteint 9.000m². La marque ?Décor de province? est lancée avec un positionnement dans le moyen haut de gamme. «Les difficultés, qui ont débuté dans les années 80, ont perduré la décennie suivante. On a assisté à l'apparition des produits de jouissance immédiate, le long terme a peu à peu perdu de l'importance.» René Trotel vend son entreprise en 2003. Elle sera liquidée 4 ans plus tard...