Saint-Brieuc
Marie-Claire Diouron : « Je veux signer un pacte de confiance avec les entreprises »
Interview Saint-Brieuc # Collectivités territoriales

Marie-Claire Diouron présidente de Saint-Brieuc Armor Agglomération Marie-Claire Diouron : « Je veux signer un pacte de confiance avec les entreprises »

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Six mois après son arrivée à la présidence de Saint-Brieuc Armor Agglomération, première intercommunalité des Côtes-d'Armor, Marie-Claire Diouron annonce clairement que le développement économique sera l'acte fondateur de son projet de territoire pour les années à venir. Dans un style franc et direct, l'ex-pharmacienne veut que sa collectivité, des élus aux agents, se mette pleinement au service des chefs d'entreprise dans une logique de partenariat gagnant-gagnant.

Photo : Julien Uguet / Journal des entreprises

Vous venez de publier un rapport qui fixe le nouveau cadre stratégique économique pour Saint-Brieuc Armor Agglomération, collectivité dont vous assurez la présidence depuis juillet 2017. Quelle est la logique de ce document de travail ?

Marie-Claire Diouron : « La loi NOTRe a posé les bases de la création du binôme région-intercommunalité comme moteur en matière de développement économique. Saint-Brieuc Armor Agglomération devait se saisir de ce texte mais ne voulait pas le faire seul. L’objectif de cette feuille de route économique est bien de co-construire une stratégie concertée avec l’ensemble des acteurs du territoire. Plusieurs rencontres ont été réalisées, depuis 2016, avec les chefs d’entreprise notamment une dizaine d’ateliers pratiques. L’idée était d’abord d’instaurer un climat de confiance et de mieux se connaître entre les élus et les dirigeants. »

Vous partiez de loin en termes de connaissance des problématiques des uns et des autres ?

M.-C. D. : « On part toujours de trop loin. Des relations existaient mais il était nécessaire d’améliorer les choses. C’est pour cela que Bruno Joncour, mon prédécesseur à la tête de Saint-Brieuc Armor Agglomération, avait lancé cette démarche fin 2016. Il avait d’ailleurs choisi de s’impliquer en direct en tant que président de la collectivité car il jugeait important de mettre le développement économique au centre de l’action. Son initiative a été bien appréciée, je pense. Je m'inscris dans cette logique. »

L’un de vos objectifs est clairement d’identifier Saint-Brieuc Armor Agglomération comme la porte d’entrée de l’économie sur le territoire ?

M.-C. D. : « Il existe beaucoup de structures de soutien au monde économique dans l’intercommunalité. Notre idée est que le territoire dispose d’une porte d’entrée unique, que ce soit facile pour un chef d’entreprise de s’installer, de racheter une société, de bénéficier d’un accompagnement, etc. L’objectif est de rendre plus lisible l’existant afin d’assurer une meilleure orientation. J’ai été chef d’entreprise. Je connais bien leur besoin. Un patron est toujours pressé. Il a besoin d’être efficace, d’avoir des réponses rapides et adaptées, etc. Je veux que la collectivité joue pleinement ce rôle d’articulation et d’orientation des porteurs de projets. »

Il était essentiel que les chefs d’entreprise participent à l’élaboration de ce document ?

M.-C. D. : « Effectivement et nous avons apprécié leur implication. Ce n’est pas étonnant car les chefs d’entreprise ont l’habitude de travailler en réseau à condition que cela soit efficace. Pour le monde politique, il n’est pas question de se mettre à la place des dirigeants mais d’être un facilitateur via une feuille de route lisible et efficace. Les élus doivent créer les conditions d’accueil, de développement et de réussite. Ce document s’inscrit comme un véritable pacte de confiance signé entre eux et nous.

D'ailleurs, l'équipe du développement économique n'a pas construit dans son coin ce rapport. Elle est la traduction directe des demandes des chefs d'entreprise remontées de ces ateliers de travail. Prenons le cas des aides à l'installation agricole. Saint-Brieuc Armor Agglomération ne proposait pas ce type de dispositif jusqu’à présent. L'extension de l’intercommunalité, avec l'arrivée des communes du sud, a fait naître cette demande que nous avons prise en compte, bien évidemment. Toujours sur ces territoires, nous réfléchissons à la création d’ateliers relais communautaires car c’est une attente. »

« Je connais le monde de l'entreprise. J'ai géré trois pharmacies, mon mari a créé plusieurs sociétés. Je vis dans l’économie locale depuis de nombreuses années. Je connais les difficultés et les soucis au quotidien des patrons. »

Comment va se matérialiser de manière concrète ce guichet d’entrée ?

M.-C. D. : « Il n’est pas question de créer une énième structure. Le service de développement économique de Saint-Brieuc Agglomération sera placé au cœur du dispositif. Il est en pleine phase de reconstruction afin de le doter des moyens adaptés. »

Comment cette dynamique va se prolonger sur le terrain ?

M.-C. D. : « Nous voulons être opérationnels pour le début de l’année 2018. Ce document fixe un cadre et des orientations stratégiques sur le court, moyen et long terme. Ce serait mentir de dire que l’on répondra à tout demain. Ce document est d'ailleurs amené à évoluer pour s’adapter aux besoins à venir. Dans cette logique, nous allons créer une conférence économique, qui ne porte pas encore de nom, pour poursuivre les échanges, réaliser des points d’étapes et ne pas couper le lien avec les entreprises. L’idée serait qu’elle se réunisse trois à quatre fois par an. Toutefois, sur des sujets bien précis ou urgents, il est nécessaire de faire preuve de réactivité d'où l'idée de créer des binômes politiques/partenaires de l'économie. Si un dirigeant se présente à nos services, l'idée est d'avoir systématiquement un élu référent et un représentant d'un réseau économique local pour l'accompagner dans son projet. »

La question de la fiscalité sera l’une des premiers axes de travail pour 2018 ?

M.-C. D. : « Nous allons clairement annoncer une lisibilité fiscale sur 5 ans avec une évaluation régulière tous les ans en partenariat avec les acteurs concernés. C’est une réelle attente des chefs d’entreprise. »

Le rapport détaille de nombreux axes de travail, notamment celui du soutien financier aux entreprises. Le système actuel va évoluer ?

M.-C. D. : « Saint-Brieuc Armor Agglomération est aujourd’hui doté d’un fonds de développement à destination des entreprises de l’ordre d’un million d’euros. En lien avec la région Bretagne, et à la demande des chefs d'entreprise, nous allons l'orienter vers le soutien à l'immobilier d’entreprise, à la création d’emploi, au développement agricole, etc. De nombreux dispositifs existent déjà mais ils sont désormais écrits et plus lisibles par toutes les parties concernées.

Nos services vont notamment gagner en réactivité grâce aux fiches de travail coécrites avec le monde économique. Prenons le cas de Socavol à Saint-Brandan. C’est un exemple type de cette nouvelle dynamique. En lien avec le président Loig Chesnais-Girard, nous avons mesuré l'urgence de soutenir cette entreprise. La région a amené 300.000 euros pour éviter la liquidation. Saint-Brieuc Armor Agglomération a pris ses responsabilités en apportant conjointement 100.000 euros supplémentaires. »

La question du développement commercial sera également centrale ?

M.-C. D. :« Il faut mieux traduire commercialement ce que l'on a besoin sur le territoire dans une logique d'équilibre entre les zones d'activité. Il va être nécessaire de relancer une charte d'urbanisme commercial communautaire. Dans cette logique, le projet de territoire en cours de construction prend tout son sens. Nous devons être en capacité d'imaginer les complémentarités économiques et commerciales entre les communes. On ne peut notamment pas se désintéresser de la commune chef-lieu. Il est nécessaire, en partant de l'existant, de bien penser le rôle de Saint-Brieuc et de voir comment, de manière intelligente, la périphérie doit s’aménager. Je prends l'exemple de la Fnac. C'est une très bonne chose pour la ville centre que de disposer d'une locomotive de ce type, un élément qui peut amener, dans son sillage, d'autres enseignes. »

Photo : Julien Uguet / Journal des entreprises

Et sur la question des friches, nombreuses sur le territoire, quelle approche avez-vous ? Pourriez-vous avoir une politique interventionniste comme Lannion Trégor Communauté qui se porte acquéreur de nombreux bâtiments privés comme ceux de Nokia ou d'Orange ?

M.-C. D. :« Je n'écarte rien personnellement mais racheter des bâtiments vides, sans en connaître la destination future, n'a pas de sens. Je crois davantage à une aide aux projets immobiliers avec le concours de la région Bretagne. On voit bien aujourd'hui, et c'est nécessaire, que l'ensemble des élus du territoire veulent se réapproprier les friches plutôt que de continuer à s'étendre. »

Quelle présidente, Marie-Claire Diouron, veut incarner jusqu'à la fin de son mandat ?

M.-C. D. :« J'aime le monde de l'entreprise car derrière il y a des familles, de la culture, du lien social, etc. Je veux faire du soutien à l'économie un acte fondateur de mon mandat car il alimentera plein d’éléments dans son sillage. Je connais d'ailleurs cet univers. J'ai géré trois pharmacies. Mon mari a créé plusieurs sociétés. Il a été élu à la chambre de commerce et d'industrie des Côtes-d'Armor. Je vis dans l’économie locale depuis de nombreuses années. Je connais les difficultés et les soucis au quotidien des patrons. Il faut leur faciliter la vie notamment d'un point de vue administratif, leur ouvrir des portes, les accompagner dans une logique de proximité, etc.

J'ai vécu avec mon mari de beaux moments et des instants plus difficiles. J'ai une anecdote assez révélatrice. En 1987, notre entreprise grandissait et avait des besoins en trésorerie. Le banquier m'a appelé à l'officine pour me dire « si demain matin, vous n'apportez pas les garanties nécessaires, je peux vous couper les ponts ». Cela fait mal. Il a fallu trouver des solutions rapidement. C'est un exemple personnel mais il traduit le fait que Saint-Brieuc Armor Agglomération, avec ses partenaires, doit accompagner, mieux et plus vite, les chefs d'entreprise sur tous les sujets liés à leur activité. Je sais que Ronan Kerdraon, mon premier vice-président en charge des transports et du développement économique, a cette fibre économique aussi. Quand nous nous déplaçons, ce n'est pas pour la photo. C'est pour aider les patrons car nous les comprenons. Ce sera ma patte. »

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