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Les escaliers Flin remontent la pente
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Les escaliers Flin remontent la pente

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Fabricant emblématique d’escaliers bois, la société Flin à Languenan a été reprise, en 2018, par Panorama Impact Management avec le soutien du fonds d’investissement multirégional Sofimac. Deux ans plus tard, la PME costarmoricaine a retrouvé le chemin de la croissance.

Les escaliers Flin à Languenan ont compté jusqu’à 185 salariés lors de leur grande heure. Après deux dépôts de bilan, et une dernière reprise en 2017, la PME a, de nouveau, dépassé la centaine de collaborateurs — Photo : Julien Uguet

Un premier redressement judiciaire en 2013. Un second en 2017. Installée dans les Côtes-d’Armor, à Languenan depuis plus de 40 ans, la société Flin a longtemps été considérée comme un acteur de référence en France dans le domaine de l’escalier en bois. La belle machine s’est pourtant grippée… à plusieurs reprises. " Le potentiel, l’envie et surtout le savoir-faire ont pourtant toujours été là, confirme Samir Abderrahmane, PDG de Panorama Impact Management, structure basée à Caluire-et-Cuire (Rhône) qui a repris Flin à la barre du tribunal de commerce de Saint-Malo en 2017. Je ne dis pas que nous avons encore gagné la bataille mais nous en prenons le chemin. Pour y arriver, il était nécessaire de marquer une rupture et de faire des choix audacieux qui portent aujourd’hui leurs fruits. "

Des banques au capital

À ses grandes heures, la PME costarmoricaine produisait plus de 10 000 escaliers par an, comptait 185 salariés et affichait un chiffre d’affaires proche de 18 millions d’euros. En 2003, Michel et René Flin, ses fondateurs, décident de céder leur entreprise. Faute de succession familiale, et d’une reprise avortée par un tiers extérieur, les deux frères décident d’ouvrir leur capital à un pool de cinq partenaires financiers (Arkéa, BNP Paribas, Crédit Maritime, Sodero et Ouest Croissance). Dans le cadre d’une opération Owner-by-Out, ils conservent 51 % des parts et confient les clés de leur outil de travail à un directeur salarié.

En 2008, les escaliers Flin connaissent, à cause de la crise du BTP, un sérieux coup d’arrêt. L’outil ultramoderne tourne au ralenti quand les frais fixes deviennent des boulets impossibles à tirer. L’entreprise enchaîne trois plans sociaux pour ramener son effectif à 95 salariés. Ses fonds propres (7,5 millions d’euros) et sa trésorerie (3 millions d’euros) lui permettent de tamponner ses pertes annuelles, comprises entre 500 000 euros et 800 000 euros par an, et de retarder l’échéance de son premier dépôt de bilan en 2013.

PDG des escaliers Flin, Samir Abderrahmane a confié la direction des opérations à Pauline Le Lausque — Photo : Julien Uguet

Un second dépôt de bilan

C’est à cette époque que William Digne, ex-publicitaire, PDG de la société de communication PCB à Janzé (Ille-et-Vilaine), s’intéresse au dossier. Son offre de reprise acceptée, il investit plus d’un million d’euros notamment pour booster une dynamique commerciale totalement à l’arrêt. William Digne crée également une filiale dédiée à la pose afin de capter le maximum de valeur ajoutée possible. " Notre prédécesseur avait fait des choix audacieux mais le temps et le marché auront joué contre lui ", précise Samir Abderrahmane. Flin est une second fois placée en redressement judiciaire en 2017 avec des perspectives de reprise limitée.

De conseiller à repreneur

Passé chez Alstom et Valeo, Samir Abderrahmane s’intéresse alors au dossier de reprise de Flin avec son associé dans Panorama Impact Management, Nicolas Arnaud. Non pas pour leur compte mais pour celui de la Sofimac, la société financière du Massif Central, née dans les années 70, et désormais à la tête de plusieurs fonds régionaux. " Nous avions été sollicités pour accompagner un repreneur intéressé par Flin, confirme Samir Abderrahmane. L’affaire ne s’est pas faite mais nous avons été séduits par cette PME historique et avons décidé de replonger dans la bagarre de l’opérationnel après des années de conseils en finances et stratégie d’entreprise. "

Le fonds d’investissement auvergnat met 500 000 euros sur la table pour accompagner Panorama Impact Management. Il est suivi par le déblocage d’un demi-million d’euros supplémentaire sous forme d’avances remboursables par la Région Bretagne (400 000 euros) et Dinan Agglomération (100 000 euros). " Ce triple soutien a été précieux car rien n’aurait pu se faire sans ", ajoute Samir Abderrahmane. Une nouvelle coupe dans l’effectif est nécessaire pour le ramener de 101 à 68 salariés.

Montée en gamme de l’offre

Trois ans après cette deuxième reprise, le pari semble sur la bonne voie pour être gagné. Flin emploi aujourd’hui 113 personnes dont 89 en CDI, parmi lesquels certains avaient été licenciés en 2018. " Notre pyramide des âges nous impose également d’injecter du sang neuf, ajoute Samir Abderrahmane. Nous comptons une vingtaine d’apprentis. Alors certes, le coronavirus nous a secoués car nos fondamentaux sont encore fragiles. Il a fallu par exemple jongler avec les ruptures de certaines essences de bois. Toutefois, nous sommes en avance sur nos objectifs. " 4 000 escaliers sortent chaque année des 26 000 m² couverts de l’usine de Languenan. Après avoir atteint 8 millions d’euros en 2019, le chiffre d’affaires frôle 10 millions d’euros en 2020.

Pour capter plus de valeur ajoutée, les escaliers Flin ont notamment réintégré un atelier de métallerie — Photo : Julien Uguet

Pour expliquer ce nouveau départ, Samir Abderrahmane confirme que la montée en gamme de son offre est au cœur du processus de reconquête des clients. Plus de 600 000 euros ont également été investis au niveau du process industriel et de travaux de recherche et développement. " Nous avons choisi d’abandonner le marché des promoteurs sur le marché français où les volumes étaient importants mais les marges faibles. Nous avons également décidé d’arrêter de brader nos escaliers et de revenir aux bases de notre commerce : des produits à l’heure et de qualité. "

Maîtriser la totalité de la chaîne

De nombreuses tâches sont réinternalisées. Le nouvel atelier métal, qui permet d’offrir des escaliers plus complexes, témoigne de cette stratégie. " Flin se positionne désormais comme un fabricant et un poseur d’escaliers clés en main, confirme le patron de Panorama Impact Management. Le sur-mesure, mieux organisé en amont dans l’usine, permet de limiter le service après-vente. Et surtout, nous avons optimisé le poste livraison avec 100 % de nos escaliers désormais livrés packagés dans des caisses pour faciliter leur transport et leur manutention. "

Enfin, pour mieux faire connaître le savoir-faire unique de la PME de Languenan, Samir Abderrahmane n’a pas hésité, à la demande de certains de ses jeunes cadres, d’investir dans un site web marchand. " Notre cœur de marché reste le B to B mais le direct consommateur reste un bon relais de croissance. Il a généré pour Flin 500 000 euros de chiffre d’affaires en 2020. Comme quoi, nos escaliers ont encore l’avenir devant eux. "

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De la Bretagne à l’Alsace pour Panorama Impact Management

Fort du soutien du fonds d’investissement Sofimac, Panorama Impact Management a racheté, en octobre 2020, une nouvelle entreprise, dans l’Est de la France. Il s’agit de la Technifen, basée à Lutterbach, qui emploie 84 emplois pour 13 millions d’euros de chiffre d’affaires. " Comme Flin, c’est un fabricant historique et reconnu de portes et fenêtres en PVC, ajoute Samir Abderrahmane, qui partage désormais son temps entre la Bretagne et l’Alsace. Sofimac nous a proposé le dossier toujours avec cette volonté que l’industrie française construite autour de savoir-faire uniques perdure. "

Filiale du géant Saint-Gobain, connue pour la marque Wehr, Technifen était à vendre depuis quelques mois. " Nous estimions, comme Sofimac, qui détient 20 % du capital, qu’il y avait un risque de voir disparaître un patrimoine alsacien. L’usine était relativement moderne. Il ne manquait pas grand-chose pour bien la développer. C’est l’ambition que nous avons depuis six mois. "

Panorama Impact Management entend notamment jouer la complémentarité commerciale entre Flin et Technifen. " Nous verrons dans le temps les synergies possibles à mettre en œuvre. Mais si on nous achète des portes et des fenêtres, on peut aussi nous acheter des escaliers et réciproquement. "

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