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Les Côtes-d’Armor, nouveau royaume des masques sanitaires
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Les Côtes-d’Armor, nouveau royaume des masques sanitaires

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Avec ses deux usines de masques, construites autour de deux modèles économiques bien différents, les Côtes-d'Armor s'affirment comme un territoire moteur en matière de production de matériels d'équipements sanitaires.

Les Côtes-d'Armor comptent deux usines de production de masques — Photo : Julien Uguet

Au début de l’année 2020, quelques semaines avant le début de la pandémie de Covid-19, les Côtes-d’Armor ne produisaient aucun masque de protection sanitaire. À la fin de l’année 2021, ce seront pourtant près de 150 millions de masques chirurgicaux et FFP2 qui pourront revendiquer l’estampille " made in 22 ". Et d’ici, 2023, les capacités du territoire dépasseront les 350 millions d’unités cumulées.

Deux projets à la philosophie distincte

Ce miracle, il est à mettre au crédit de deux projets industriels qui ont choisi de balayer les fantômes du passé pour relancer, au travers des modèles économiques diamétralement distincts, la production de masques en Côtes-d’Armor. " La fermeture définitive de l’usine Spérian fin 2018 était finalement relativement récente, souligne Franck Le Coq, ex-dg de l’usine de Plaintel, filiale du géant américain Honeywell, qui avait fabriqué jusqu’à 250 millions de masques par an avant le transfert de son activité en Tunisie. Les hommes, les femmes et leurs compétences toujours bien présentes en local et facilement mobilisables. Il fallait juste une étincelle pour relancer la machine. "

L’étincelle sera finalement double autour d’un premier projet privé, piloté par un homme d’affaires libano-suisse, suivi d’un second, aux fondamentaux coopératifs, largement accompagné par la puissance publique. Opposées dans leur montage juridique et leurs objectifs, les deux démarches se retrouvent sur deux points : avoir embauché des ex-Sperian pour et assurer une forme de souveraineté sanitaire au territoire au travers de la relance d’un outil industriel.

Des coopérateurs propriétaires de l’usine

Première à avoir dégainé, la Coop des Masques, basée à Grâces, près de Guingamp, s’est construite au travers une coopérative d’intérêt collectif. Cette Scic agrège 1 500 citoyens et soixante partenaires, publics et privés. Montant total de l’investissement, hors bâtiment : 5,6 millions d’euros. " L’enjeu était de ne pas revivre les erreurs et errements du passé, précise Guy Hascoët, président de la Coop des Masques et ancien secrétaire d’État à l’Économie solidaire dans le gouvernement de Lionel Jospin. Les sociétaires sont copropriétaires de l’usine. Aucune activité n’est délocalisable. "

La structure, qui a recruté, pour ses débuts, 23 salariés mais table sur 40 en rythme de croisière, prévoit la production de 45 millions de masques par an. " Si tout fonctionne bien, on peut légitimement ambitionner de pousser les capacités à 72 millions de masques, ajoute Patrick Guilleminot, directeur de la Scic. Du côté des sociétaires, nous avons déjà levé 1,5 million d’euros. L’objectif est d’atteindre fin 2021, un capital de 2 millions d’euros. "

Une usine vise 300 millions de masques par an

À Ploufragan, sur le site Genesis Baie d’Armor, c’est un projet cinq fois plus grand qui a vu le jour. L’usine M3 Sanitrade, portée par le milliardaire Abdallah Chatila, annonce une production de 100 millions de masques en 2021, 300 millions par an à l’horizon 2023.

Plus de 30 millions d’euros ont été investis pour requalifier une friche industrielle, investir dans quatre lignes de production, pleinement opérationnelles cet été, et embaucher 90 salariés (130 en 2022). " Certes, la crise confirme notre business plan, confirme Franck Lecoq. Toutefois, il n’a jamais été construit autour d’un effet d’aubaine pour rechercher des profits à court terme. Nos débouchés sont multiples en France mais aussi à l’export, vers l’Espagne, le Portugal ou le Brésil. "

L’enjeu de la matière première

Affirmant ne pas être concurrents, car revendiquant les modèles de croissance différents, les deux acteurs des masques en Côtes-d’Armor vont toutefois se retrouver en confrontation sur la question de production de la matière première, le meltblown. La Coop des Masques et M3 Sanitrade font en effet partie des 10 industriels sélectionnés par l’État dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) lancé fin avril 2021.

Les deux usines costarmoricaines seront ainsi dotées chacune, fin 2021, d’une machine de fabrication de matériaux filtrants. Montant des investissements respectifs : 4 millions d’euros. " Il était indispensable de tenir les prix d’un tissu dont la valeur n’a eu de cesse de flamber en 2020, justifie Guy Hascoët. Alors certes, la productivité de notre machine ne sera occupée qu’à 25 % par nos besoins. Cela va nous amener à trouver des débouchés pour les 75 % restants. "

Abdallah Chatila, grand patron de M3 Sanitrade, avait bien proposé les services de sa machine de production de meltblown, achetée bien avant La Coop des Masques. Estimant ses principes de souveraineté nationale incompatible avec sa voisine, détenue par des capitaux suisses, pourtant distante de seulement 30 km, la coopérative avait poliment décliné.

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