Côtes-d'Armor
« Les chefs d'entreprise n'ont plus honte de dire qu'ils sont chasseurs »
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« Les chefs d'entreprise n'ont plus honte de dire qu'ils sont chasseurs »

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Président des chasseurs des Côtes-d’Armor depuis 18 ans, Yvon Méhauté est une figure bien connue dans le monde économique. Conscient que le nombre de pratiquants diminue chaque année, l’ex-chargé d’affaires chez Orange entend poursuivre le travail d’ouverture. Sceptique sur la réforme de la chasse, il se félicite que les patrons costarmoricains revendiquent désormais leur attachement à la chasse.

Pour Yvon Méhauté, président de la fédération des chasseurs des Côtes-d’Armor, les chasseurs ont un important travail à faire en matière de communication pour faire connaître leur utilité — Photo : CC0

Que pèse la fédération des chasseurs en Côtes-d’Armor ?

Yvon Méhauté : Nous comptons actuellement 9 500 chasseurs dans le département, un chiffre en diminution tous les ans. La fédération emploie 10 salariés pour un chiffre d’affaires de 1 million d’euros. Nous comptons environ 750 structures de chasse en Côtes-d’Armor, répartis entre des domaines communaux et des domaines privés. La moyenne d’âge du chasseur costarmoricain, c’est 57 ans, un an plus jeune que la moyenne nationale. Aujourd’hui, les gens habitent en ville. Les faire venir à la chasse n’est pas simple.

Comment faire pour toucher un public nouveau ?

Y. M. : On travaille beaucoup sur l’éducation. Nous avons recruté un technicien pour intervenir dans les écoles et cela porte ses fruits. Au siège de la fédération à Plérin, nous avons installé des ruches, une mare pédagogique et une exposition de la faune qui permet d’accueillir du public. Notre association a également su se renouveler. Par exemple, nous fédérons désormais 17 associations de chasse spécialisées comme les piégeurs, les chasseurs de lapins, etc. Cela a permis une véritable ouverture, un partage des connaissances, etc. Nous avons trop longtemps souffert des guerres internes intestines où chacun défendait son pré carré.

L’ouverture s’effectue-t-elle également vers les associations environnementales ?

Y. M. : Un technicien de la fédération est aujourd’hui en lien étroit avec les défenseurs de la nature. Nous avons tous à y gagner en provoquant les choses, en se remettant en cause, en se respectant etc. Les chasseurs ont un véritable rôle d’aménageurs du territoire. Nous sommes les sentinelles de la nature. En régulant les espèces, dont certaines sont nuisibles par leur nombre, nous aidons les agriculteurs à préserver leurs récoltes. Au niveau des entreprises, nous pouvons également intervenir pour éradiquer des animaux qui nuiraient à la bonne marche d’une activité. Cela va du piège à renards, à la capture des volatiles en usine, etc. Nous avons un important travail en matière de communication pour faire connaître cette expertise au plus grand nombre.

« À la chasse, les barrières sociales tombent. Ministre, patron, ouvrier… tout le monde laisse son costume derrière son arme. »

Le travail de lobbying reste aussi central ?

Y. M. : Le climat de confiance réciproque instauré avec nos partenaires a apaisé les choses et permet à la fédération des chasseurs de peser davantage. Ce travail est d’ailleurs reconnu au niveau national. Il faut désormais bien faire comprendre aux élus locaux l’importance de notre travail car je pense qu’ils ne sont pas conscients des efforts réalisés. Cette sensibilisation est stratégique et centrale pour que les chasseurs soient entendus et considérés. Derrière, on pourra mieux faire valoir nos intérêts dans une logique de lobbying.

La sécurité est au cœur de vos préoccupations ?

Y. M. : Nous assistons à une diminution forte du petit gibier comme le lapin, ce qui a amené les gens à s’orienter vers la bécasse et le grand gibier. Le profil des chasseurs évolue et il est nécessaire de les sensibiliser en termes de sécurité. Cela fait six ans que nous avons créé un centre de tir à Botsey près de Glomel afin d’accompagner les chasseurs de toute la Bretagne à mieux se former au maniement d’une carabine. Pour notre fédération, c’est un investissement de 430 000 euros.

La chasse est également un outil de mixité sociale ?

Y. M. : A la chasse, les barrières sociales tombent. Le ministre, le chef d’entreprise, l’ouvrier… tout le monde laisse son costume derrière son arme. Par ailleurs, les grands patrons des Côtes-d’Armor n’hésitent plus à se dévoiler comme chasseurs. Ce n’est plus honteux et véritablement appréciable.

Que pensez-vous de la réforme de la chasse annoncée par Emmanuel Macron ?

Y. M. : Sur la baisse du prix du permis national, j’attends de voir. Je crains que cela incite les chasseurs extérieurs à venir chasser dans le département notre espèce emblématique, la bécasse des bois, et à déstabiliser notre écosystème.

Les relations avec les autres fédérations départementales doivent également s’améliorer ?

Y. M. : Il faut que les intérêts personnels s’effacent devant l’intérêt général. En Ille-et-Vilaine, il n’y a par exemple pas de jours de non-chasse alors que dans les Côtes-d’Armor, le Finistère et le Morbihan, personne ne chasse le mardi et vendredi. C’est un fait que nos relations sont parfois tendues mais nous travaillons à améliorer les choses.

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