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« Le rachat de Bullier par Max Sauer renforce Saint-Brieuc comme capitale européenne du pinceau fin »
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Eric Sauer président du groupe Max Sauer « Le rachat de Bullier par Max Sauer renforce Saint-Brieuc comme capitale européenne du pinceau fin »

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Les deux entreprises concurrentes Max Sauer (pinceaux Raphaël & Isabey) et Bullier (pinceaux Léonard), basées à Saint-Brieuc, ne font désormais plus qu’une. Pour Eric Sauer, patron du groupe Max Sauer, leader européen du matériel pour artistes peintres, ce rapprochement renforce les positions respectives des deux entreprises dans le monde des pinceaux fins des beaux-arts et des cosmétiques, notamment face à une concurrence asiatique toujours plus forte.

Pour Eric Sauer, président de Max Sauer, son groupe « très présent à l’international va entraîner dans son sillage Bullier pour l’aider à conquérir de nouveaux marchés » — Photo : Julien Uguet / Le Journal des Entreprises

Le Journal des Entreprises : Dans quelle logique s’est effectué le rapprochement entre Bullier et Sauer, deux acteurs historiques du pinceau fin haut de gamme à Saint-Brieuc ?

Eric Sauer : Mon souhait est de pérenniser un savoir-faire historique pour la ville de Saint-Brieuc qui a compté jusqu’à sept entreprises de brosserie. Dans un marché mondial en forte concentration, ce rapprochement va permettre de consolider le made in France à Saint-Brieuc sur le marché du pinceau fin, dédié à l’univers des cosmétiques et des beaux-arts.

Bullier avait intégré en 2017 le groupe lyonnais Medicos et vous rejoint finalement un an plus tard. Pourquoi Max Sauer n’avait pas saisi, à l’époque, l’opportunité d’un rapprochement avec Bullier  ?

E.S. : L’occasion d’un rapprochement en 2017 ne s’est pas présentée. Honnêtement, j’ai découvert l’union entre Bullier et Medicos en ouvrant le journal. C’est un fait, il n’y a jamais eu, par le passé, de projet entre nos deux sociétés. Il y avait sûrement un peu de défiance et de prudence liée à l’histoire, à un attachement respectif à nos salariés et à nos produits. Aujourd’hui, tout cela est derrière nous. Je suis content de cette union.

Le poids de l’histoire a joué un rôle ?

E.S. : Stéphanie Bullier, qui reste aux commandes de Léonard, représente la septième génération, quand je représente la cinquième génération de Sauer. Nos parents et grands-parents se connaissaient déjà. Ma grand-mère jouait au bridge avec son grand-père.

« En matière d'acquisition, j’ai appris qu’il ne fallait pas sortir de sa zone géographique et de son métier. C’est compliqué de réussir à distance. »

Au niveau capitalistique, c’est bien Max Sauer qui rachète Bullier via la création d’une filiale, mais au niveau du fonctionnement, chaque entreprise va continuer à vivre sa vie. Toutes les deux se portent bien et gagnent de l’argent.

Comment se sont déroulées les discussions ?

E.S. : J’ai eu écho, par le réseau, que Medicos voulait vendre la totalité de ses parts. Bullier était mûr pour nous rejoindre. Les discussions n’ont duré que quelques semaines. Pour avoir mené de nombreuses opérations de croissance externe, j’ai appris, par l’expérience, qu’il ne fallait pas sortir à la fois de sa zone géographique et de son métier. C’est compliqué de réussir à distance. Et la chimie, secteur historique du groupe Medicos, n’est pas celui du pinceau.

Quels seront les chantiers prioritaires dans les mois à venir ?

E.S. : Nous allons effectuer un travail de mutualisation en amont, en matière d’achats et de logistique. Nous n’allons pas tordre le cou à nos fournisseurs, bien entendu, mais l’idée est de faire bénéficier à l’un des meilleurs tarifs de l’autre. On va aussi croiser nos fichiers clients respectifs, en France et à l’étranger, pour voir comment optimiser nos réseaux de distribution.

Des projets de développement seront également menés ?

E.S : Max Sauer, très présent à l’international, entend entraîner dans son sillage les produits Bullier/Léonard pour l’aider à conquérir de nouveaux marchés. Cette stratégie est identique à celle appliquée lors du rachat de Sennelier, en 1994, une petite entreprise de couleurs haut de gamme qui fait désormais quasiment jeu égal, en termes de performances commerciales, avec Raphaël.

Que pèse désormais le nouvel ensemble ?

E.S. : Léonard dispose de 2 600 pinceaux en catalogue. Max Sauer compte 8 000 références, si on cumule les pinceaux, les peintures et les supports toilés. Chaque entreprise présente des spécificités techniques qui vont permettre un enrichissement mutuel des gammes. Peu de références vont disparaître, car la plupart des artistes sont attachés autant à une marque. Un peintre créateur qui utilise un pinceau Max Sauer ne se retrouvera pas dans un Léonard, et inversement.

Ce made in France est un atout pour se démarquer de la concurrence ?

E.S. : Bullier et Max Sauer sont les deux dernières manufactures de pinceaux fins en France. Dans un marché mondialisé, la véritable concurrence se trouve en Asie, plus particulièrement en Chine. C’est d’ailleurs ce qui nous a amenés, depuis 1975, à exploiter un site de production à l’île Maurice. Il nous permet de rester compétitifs, notamment sur les marchés de gros volumes.

Vous restez discret sur la communication des données financières du groupe Max Sauer. Pourquoi ?

E.S. : Je souhaite rester discret, car nous sommes dans un marché de niche concurrentiel. En France, traditionnellement, nous sommes une passoire en matière d’informations financières. On demande aux entreprises de tout donner, quand nos concurrents étrangers ne sont pas soumis à la même exigence. Toutefois, l’activité de Max Sauer, qui compte 150 salariés en France et 500 à l’île Maurice, est dans un rapport de un à dix avec celle de Bullier (Bullier réalise un chiffre d’affaires de 3 M€ avec 25 salariés, NDLR).

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