Côtes-d'Armor
« La Vallée des Saints doit beaucoup aux dirigeants bretons »
Interview Côtes-d'Armor # Tourisme

Sébastien Minguy directeur et cofondateur de la Vallée des Saints « La Vallée des Saints doit beaucoup aux dirigeants bretons »

S'abonner

Avec 430 000 visiteurs accueillis en 2018, la Vallée des Saints, à Carnoët (Côtes-d'Armor), s’est imposée en moins de dix ans comme un haut lieu du tourisme en Bretagne. Dirigée par Sébastien Minguy, celle qui se revendique comme "l’île de Pâques" bretonne s’est fixée comme objectif d’implanter 1 000 sculptures monumentales, taillées dans du granit breton, dédiées aux saints de Bretagne. Un projet fou qui n’aurait pu voir le jour sans le soutien des entreprises bretonnes.

Ex-conseiller bancaire aux entreprises, Sébastien Minguy a piloté, bénévolement, la création de la Vallée des Saints à Carnoët (Côtes-d'Armor) pendant dix ans avant d'en prendre la direction en tant que salarié en 2018 — Photo : Julien Uguet / Journal des entreprises

Le Journal des Entreprises : Pouvez-vous rappeler la genèse de la Vallée des Saints, projet touristique et culturel qui prévoit d'édifier, au cœur du Centre-Bretagne, 1 000 sculptures monumentales en granit de saints bretons ?

Sébastien Minguy : Le projet est né d’une rencontre avec Philippe Abjean (philosophe et militant breton, NDLR), qui avait cette idée en tête depuis plusieurs années. Au gré de discussions entre ce professeur de philosophie et le conseiller bancaire que j’étais, nous avons défini le cahier des charges autour d’une ambition centrale : inscrire la Vallée des Saints comme une locomotive touristique en Bretagne. L’aventure a démarré en 2008 du côté de Saint-Pol-de-Léon avec les sept saints fondateurs et un budget de 70 000 euros à trouver.

Bénévolat et mécénat ont guidé vos premiers pas ?

S. M. : Nous n’avions pas vraiment le choix mais, surtout, c’était notre volonté. Il n’était pas question de vivre de subventions publiques. C’est toujours le cas dix ans plus tard, à l’exception des opérations liées aux investissements. L’idée a été de s’adresser à des donateurs privés pour financer les sculptures, via une opération de mécénat. Les réseaux bretons ont été sollicités rapidement, notamment le monde économique. En parallèle, les granitiers régionaux qui vivaient, en 2008, des temps difficiles, ont mis gratuitement à disposition les blocs nécessaires. Ils avaient compris que notre projet valorisait leur filière, encore trop souvent concurrencée par des importations chinoises.

Honnêtement, sans les chefs d’entreprise, nous n’aurions pas connu le succès qui est le nôtre aujourd’hui. Je pense aux adhérents Système U en Bretagne, à la famille Glon, à la famille Dano, etc. Ils ont été des soutiens sans faille. La Vallée des Saints leur doit beaucoup.

Combien de saints sont aujourd’hui implantés à Carnoët ?

S.M. : Nous comptons, fin 2018, 113 sculptures achevées. 20 nouvelles viendront se rajouter en 2019, et notre carnet de chantier est plein jusqu’à fin 2020. Nous sommes les premiers surpris de cet engouement qui a d’ailleurs évolué au fil du temps. Les entreprises restent un acteur de nos opérations de mécénat mais désormais 90 % de notre financement provient de familles, installées en Bretagne ou à l’étranger, qui veulent laisser une trace de leur village de naissance, de leur origine, etc. Il n’y a aucun frein à débourser les 15 000 euros nécessaires pour sculpter un saint.

Pourquoi avoir choisi Carnoët ?

S.M. : Honnêtement, cette commune était notre dernier choix. Nous avons visité 15 sites au début de l’année 2009 et Carnoët, par la beauté de sa plaine et sa localisation centrale en Bretagne, s’est révélée comme une évidence. Ce lieu bénéficie aujourd’hui des retombées économiques de la Vallée des Saints avec des agriculteurs qui ouvrent des gîtes, des restaurants à Callac ou Carhaix qui font le plein, etc.

L’investissement de 1,2 million d’euros en 2018 dans l’amélioration de l’accueil des visiteurs était stratégique ?

S.M. : Le site a accueilli 430 000 visiteurs en 2018, un chiffre considérable validé par la technologie de comptage en site naturel développée par le groupe Eco-compteur à Lannion. Ayant la volonté, inscrite dans le marbre, de conserver un accès totalement gratuit, nous devions trouver des recettes pour moderniser nos installations d’accueil. L’association s’est dotée d’une filiale en SAS, baptisée Terre de Granit, qui gère l’exploitation. À côté, une fondation, composée de mécènes privés – souvent les entreprises à l’origine de la Vallée des Saints – abonde au financement des investissements. En 2018, nous avons ainsi pu inaugurer notre centre d’accueil, qui comprend une boutique et un bar/crêperie, d’une surface de 250 m². Avec la création d’un parking de 550 places en cours, l’enveloppe atteint 1,2 million d’euros.

Un projet de centre de formation est également dans les cartons ?

S.M : Nous travaillons avec l’Unicem, le syndicat des granitiers bretons, à la création un cursus pour former des sculpteurs d’œuvres monumentales. L’enseignement se fera entre Carnoët et le CFA de Louvigné-du-Désert.

Malgré un modèle de financement désormais plus familial, le lien avec le monde économique n’a jamais été rompu…

S.M. : Bien au contraire. La fondation, baptisée « A Galon Vat », qui veut dire « à votre bon cœur » en breton, permet de prolonger l’histoire. Ce qui est magnifique, c’est que leur soutien s’effectue sans contreparties visibles. On ne verra pas demain un saint avec un logo. Pour cela, mieux vaut soutenir l’un de nos nombreux clubs de football. À Carnoët, l’idée est de contribuer à un projet collectif et culturel inscrit pour des millénaires.

Côtes-d'Armor # Tourisme