Joël Chéritel : « Retrouver notre compétitivité »
# Conjoncture

Joël Chéritel : « Retrouver notre compétitivité »

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Élu il y a trois mois à la tête de l'organisation patronale bretonne, Joël Chéritel tire un premier bilan de début de mandat. Comment analyse-t-il la conjoncture ? Quel regard porte-t-il sur les dossiers d'actualité ?
— Photo : Le Journal des Entreprises



Comment abordez-vous ce


cap des 100 jours à la tête du Medef Bretagne ? 100 jours déjà ! Je ne vois pas le temps passer tellement les dossiers sont nombreux et passionnants. Comme dans toute organisation, un changement de président génère des attentes nouvelles. Chaque membre, et ils sont nombreux avec quatre Medef territoriaux et 16 branches, soit 20.000 entreprises employant 300.000 salariés, attend une impulsion, une dynamique, auxquelles j'essaie de répondre avec pertinence et un maximum d'énergie. Conformément à mon engagement de campagne, j'ai adressé un questionnaire à nos Medef départementaux et branches adhérentes pour préparer un séminaire sur les orientations du Medef Bretagne, tenu le 2 avril.
À titre personnel et en tant que chef d'entreprise vous-même, comment gérez-vous cette lourde responsabilité ?
J'avais auparavant des responsabilités départementales et j'étais déjà très investi dans ces missions. Je conserve la même dynamique et j'essaie de préserver mon entreprise dans laquelle je suis aussi très actif. Il me faudra probablement 200 jours pour atteindre un régime de croisière sur ce mandat régional auquel je consacre beaucoup de temps.

Quel regard portez-vous sur les négociations récentes du Medef avec les partenaires sociaux, par exemple, sur l'assurance chômage ou les intermittents que vous avez reçus à Rennes ?
Le Medef avait posé le problème dans toute sa dimension, à savoir 4 Md€ de déficit en 2013 qui s'ajoutaient aux 13 Md€ de déficit cumulés et la nécessité de tendre vers un régime équilibré, pour éviter de poursuivre sur cette mauvaise pente et transmettre aux générations futures le résultat de ces dérives de gestion. Par ailleurs, les salariés bénéficient du meilleur régime d'assurance chômage, le plus favorable en Europe et des centaines de milliers de postes restent non pourvus. Statistiquement, on observe un pic de reprise d'activité à partir du 20e mois d'indemnisation qui s'explique assez facilement par des allocations sans dégressivité durant les 23 mois d'indemnisation, contrairement à beaucoup de pays européens qui diminuent progressivement les indemnités. En Allemagne, où l'indemnisation est limitée à 12 mois, si vous refusez un poste équivalent à celui que vous occupiez (jusqu'à 250 km du domicile et - 20 % de rémunération) votre allocation baisse de 20 %. Il faut rendre notre système plus incitatif à la reprise du travail. Sur ce point nous n'avons pas été entendus par les syndicats. Le régime des intermittents génère à lui seul un milliard de déficit annuel selon la Cour des comptes (septembre 2013), soit 25 % du déficit Unedic pour 1 % des cotisants. Ce régime constitue une aubaine dans laquelle beaucoup se sont engouffrés : 9.000 allocataires en 1984 et 110.000 en 2012. Ils sont encouragés par des employeurs peu scrupuleux qui y trouvent une souplesse inédite ! Vous comprenez donc la constance du Medef de dénoncer cette dérive financée par les 16 millions de salariés de l'Unédic.

L'action du gouvernement est très critiquée en ce moment, quelle est votre position ?
Pour la première fois, nous avons un Président de la République qui fait le lien explicite entre l'excès de dépenses publiques induisant un excès de prélèvements obligatoires sur les entreprises facteur de chômage, de pauvreté et d'exclusion. Le Président de la République s'est engagé sur une baisse des prélèvements obligatoires sur les entreprises de 30 Md€ - ce sont 30 Md€ de baisse sur les coûts de production -, et sur une baisse des dépenses publiques de 50 Md€, ce qui va à l'encontre de ses propos de campagne de 2012. Le principe de réalité a frappé et c'est enfin une bonne chose. On commence à être écoutées.

Comment percevez-vous la conjoncture en Bretagne ? Quels échos avez-vous des entreprises bretonnes ?
La situation est assez contrastée avec des secteurs d'activité qui globalement se maintiennent (agroalimentaire, TIC, services), mais d'autres dont l'horizon ne se dégage pas. C'est le cas du BTP dont les volumes, comme les prix restent très bas. Nous guettons tous une reprise qui tarde à venir mais que nos voisins allemands et anglais ont déjà retrouvée. La France souffre d'une perte de compétitivité avérée et incontestable de son appareil productif. Nos entreprises paient 100 milliards de prélèvements obligatoires de plus que leurs homologues allemandes !

Les dossiers régionaux comme l'écotaxe sont-ils derrière nous ou est-ce encore votre préoccupation ?
L'écotaxe est reportée sine die. Nul n'imagine en Bretagne que puisse être mise en oeuvre cette taxe sur l'économie de production, la plus fragilisée aujourd'hui. Pour autant, la Mission d'information sur l'écotaxe de l'Assemblée nationale y réfléchit et envisage de faire des propositions. Aussi, avons-nous demandé à être entendus. Ce sera le 9 avril. Nous préparons activement cette audition et aurons des choses très importantes à dire. Ce dossier est toujours actif, malheureusement. Le feu a été éteint mais les braises couvent toujours. Devant nous également, le Pacte d'avenir de la Bretagne, la réforme de la formation professionnelle avec de nouvelles compétences pour les partenaires sociaux en région comme les formations des demandeurs d'emplois aux métiers dont ont besoin nos entreprises qui, malgré notre fort taux de chômage, ne trouvent pas toujours les compétences dont elles ont besoin.

Propos recueillis par Géry Bertrande

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