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En Côtes-d’Armor, les chantiers du BTP à l’heure des nouvelles contraintes sanitaires
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En Côtes-d’Armor, les chantiers du BTP à l’heure des nouvelles contraintes sanitaires

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Forts du guide des bonnes pratiques mises en place par la profession, les acteurs du bâtiment en Côtes-d’Armor reprennent doucement les chantiers. En plus du surcoût engendré par les mesures de protection des salariés, les entreprises craignent également que les donneurs d’ordres publics et privés tardent à relancer leur investissement.

Entrée du site sécurisée, port du masque obligatoire, distanciation sociale dans les zones de travaux, lavage des mains toutes les deux heures, désinfection des sanitaires à la même fréquence, etc. Le BTP se mobilise pour reprendre les chantiers en respectant de nouvelles mesures de sécurité sanitaire — Photo : Julien Uguet / Le Journal des Entreprises

Le chantier de construction du nouveau collège Jean-Racine à Saint-Brieuc a été le premier à reprendre. Piloté par le Conseil Départemental des Côtes-d’Armor, il se veut l’exemple à suivre dans « le monde d’après » pour le secteur du bâtiment et des travaux publics. Entrée du site sécurisée, port du masque obligatoire, distanciation sociale dans les zones de travaux, lavage des mains toutes les deux heures, désinfection des sanitaires à la même fréquence, etc.

Suivant le guide des bonnes pratiques mises en place par la profession, une dizaine d’entreprises, volontaires, ont repris le chemin du travail pour finaliser cet investissement de plus de 10 millions d’euros. « Le plus rageant dans cette histoire est que le chantier a été planté à 15 jours de sa livraison, précise Serge Saur, directeur général de SWS Ingénierie, à Trégueux, en charge de la maîtrise d’œuvre. En trois semaines, nous avons travaillé d’arrache-pied avec l’architecte et le donneur d’ordres pour être en mesure de reprendre. Le fait d’être en fin de travaux facilite grandement le redémarrage dans des conditions optimales de sécurité sanitaire. »

Un panneau, au milieu du chantier, indique la liste des entreprises intervenantes. Un plan du bâtiment est affiché avec des parties colorées. Chaque couleur correspond à une entreprise : électricité, peinture, menuisier, etc — Photo : Julien Uguet / Le Journal des Entreprises

1 000 euros par semaine de désinfection

Le maître d’ouvrage a fait appel à la société de nettoyage SBN, à Ploufragan, pour assurer l’hygiène et la désinfection sur le chantier. Un surcoût de 1 000 euros par semaine. « Nous avons lancé un marché public très rapidement parce qu'il est vital pour nos collégiens et notre économie que le chantier reparte », confirme Alain Cadec, président du Conseil Départemental des Côtes-d’Armor.

Au-delà, une organisation totalement nouvelle a été mise en place afin de s’assurer qu’il n’y a pas trop de monde au même endroit, que les salariés des différentes entreprises ne se croisent pas, etc. « Un panneau, au milieu du chantier, indique la liste des entreprises intervenantes, précise Serge Saur. Chacune indique le nombre de salariés présents chaque jour. Un plan du bâtiment est affiché avec des parties colorées. Chaque couleur correspond à une entreprise : électricité, peinture, menuiserie. L’objectif est de gérer au mieux la co-activité et surtout de disposer d’une traçabilité si jamais un compagnon est infecté par le virus. »

« Avec le dispositif de chômage partiel, nous gardons les compétences sans dégrader nos trésoreries. »

Un mode de fonctionnement dégradé

Pas un mot sur le coût de cette nouvelle façon de travailler et de piloter le chantier. « Ce travail de suivi au quotidien est pour l’heure inquantifiable, mais on sait déjà que ce mode de fonctionnement dégradé nous fait globalement travailler à 70 % de nos moyens », précise Serge Saur. « S’il le faut, nous signerons les avenants nécessaires et n’appliquerons pas de pénalités de retard », rassure Alain Cadec.

Pour le président du Conseil Départemental, la reprise du chantier du collège Racine doit réussir afin de « montrer l’exemple ». « Bien entendu, c’est un peu plus facile pour nous, collectivités, que pour des opérateurs privés. Mais rapidement, le Conseil Départemental va devoir faire des choix en matière d’investissement. La perte actuelle des droits de mutations à titre onéreux (DMTO), liées à l’arrêt des transactions immobilières, c’est 30 millions d’euros en moins dans notre budget. Il y a des politiques qu’on va abandonner, peut-être dès le mois de juin », confie l'élu.

Sur le chantier, chaque salarié est identifié. L’objectif est de gérer au mieux la coactivité et surtout de disposer d’une traçabilité si jamais un compagnon est infecté par le virus — Photo : Julien Uguet / Le Journal des Entreprises

Des craintes d'un impact durable sur l'activité

Au-delà des surcoûts et du temps perdu dans la mise en place des mesures de sécurité sanitaire, c’est surtout les prochains mois qui inquiètent les professionnels du BTP. « Plus aucun marché public n’est passé actuellement, confirme Pascal François, chef de centre chez SNT Nicol, à Ploufragan. Cet arrêt, nous allons le subir de plein fouet en octobre ou novembre. » Les opérateurs costarmoricains qui œuvrent sur le chantier Racine saluent toutefois la réactivité de l’État. « Avec le dispositif de chômage partiel, nous gardons les compétences sans dégrader nos trésoreries. Dans une période où nous ne pouvons mobiliser que maximum 60 % de nos collaborateurs, du fait notamment de la garde d’enfants, c’est une véritable chance », salue Philippe Nicol, dirigeant d’Armor Peinture à Plélo.

Pour les organisations professionnelles, il faut que dès à présent tous les intervenants de la filière du bâtiment prennent conscience que la filière va souffrir durablement. « Le surcoût de main-d’œuvre lié aux mesures sanitaires est estimé à 20 %, précise Arlette Labbé, présidente de la Fédération Française du Bâtiment 22. Les prix des prestations vont mécaniquement augmenter. Les donneurs d’ordre, privés ou publics, sélectionneront-ils le mieux offrant au risque de mettre en danger nos compagnons ? C’est une question qui va se poser. »

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