Côtes-d'Armor
Biocarburant, biogaz, valorisation des effluents : comment la Cooperl réduit son impact carbone
Côtes-d'Armor # Agriculture # Innovation

Biocarburant, biogaz, valorisation des effluents : comment la Cooperl réduit son impact carbone

S'abonner

La coopérative agricole et agroalimentaire costarmoricaine Cooperl a créé un lieu mettant en scène les actions RSE qu’il mène depuis 30 ans, notamment une économie circulaire qui comprend la valorisation des effluents issus des élevages de ses adhérents et sa production d’énergie qui rend autonome le site de Lamballe.

Franck Porcher dirige les activités environnementales de la Cooperl — Photo : Matthieu Leman

Mettre en avant trente ans d’actions en matière environnementale, c'est l'objectif de "La Bulle", un espace inauguré fin juin à Lamballe (Côtes-d'Armor) par la coopérative agricole et agroalimentaire Cooperl, géant spécialisé dans l'exploitation de porcs (2,45 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2021, 7 700 salariés). Un lieu ouvert au grand public mais aussi, et surtout, aux adhérents, clients et fournisseurs du groupe. On y apprend que cette stratégie RSE a débuté sous la contrainte, celle des obligations réglementaires. Mais qu'elle est devenue au fil des ans une opportunité de développement, une source d’économies et même de revenus, grâce notamment au travail de R & D de la branche Environnement du géant de l’agroalimentaire. Au point que la décarbonation imposée pour 2050 devrait être atteinte dès 2040 par la coopérative.

Biocarburant breveté

Une des illustrations les plus emblématiques des efforts menés pour y arriver est la conception d’un biocarburant, breveté, qui peut se substituer à 100 % au diesel. "C’est une exclusivité mondiale", se félicite Franck Porcher, directeur des activités environnementales de la Cooperl (100 millions d’euros de chiffre d’affaires, 200 collaborateurs) depuis 1994. Il est obtenu à partir des déchets graisseux (par exemple issus des os de porcs) présents dans les égouts. Une unité pilote en produit 100 litres par jour, qui alimentent trois véhicules et un poids lourd pour des tests moteurs. En 2024, une usine de production sera construite sur le site de Lamballe pour un coût de 20 millions d’euros.

Impact entièrement décarboné

À partir de 2025, cette unité devrait fournir le carburant de l’ensemble de la flotte de la Cooperl, et peut-être même celle des adhérents de la coopérative. 20 millions de litres par an pourraient être produits sous la marque Émeraude Bio-Carburant à partir de ces "graisses de flottation" qui viendraient également d’autres entreprises. "Grâce à ce biocarburant, l’impact global de nos produits en magasin, du transport des animaux à l’acheminement des produits finis, sera entièrement décarboné", appuie le dirigeant. Le coût de production de 70 centimes par litre de ce biocarburant maison est plus élevé que celui du diesel.

Autre diversification pour la Cooperl : le lancement de compléments alimentaires, boissons et gels pour sportifs, molécules pour cosmétiques et colorants naturels à partir d’un procédé d’extraction moléculaire de micro-algues. Là aussi, une unité pilote fonctionne et une ferme d’un hectare à 1,5 hectare devrait être construite d'ici deux ans, toujours sur le site de Lamballe.

Ces projets sont les nouvelles étapes d'un parcours débuté dans les années 1990 à la suite de la directive européenne nitrate. 330 millions d'euros ont été investis globalement en la matière depuis trente ans et les premières installations de 76 stations de traitement des effluents des porcs construits dans des élevages.

Les nouvelles installations seront alimentées par le biogaz produit par le méthaniseur géant inauguré par la Cooperl en 2019 pour un coût de 17 millions d’euros. Sur le site de la Cooperl, 80 % de l’énergie produite et consommée est renouvelable. Un cogénérateur (une sorte de four), depuis 2003, et un oxydeur thermique (une sorte de cocotte-minute), depuis 2005, fournissent de l’énergie à base de biomasse issue de co-produits ménagers, agricoles, industriels… pour le premier, et à base de déchets graisseux pour le second. Sur les 145 000 tonnes d’énergie produite chaque année sur le site de Lamballe, soit l’équivalent de sa consommation, 100 000 tonnes sont récupérées pour être utilisées une deuxième fois, notamment dans l’un des réseaux d’eau chaude des unités de production.

Recyclage des eaux

Rien que le méthaniseur produit, sous la marque Émeraude Bio-gaz, l’équivalent de 75 % des besoins de la ville de Lamballe à partir de 150 000 tonnes d’intrants issus des élevages. Une autre partie de ces effluents de porcs est traitée depuis 1993 par l’usine Fertival, à Quintenic. "Ces matières organiques sont transformées en fertilisants organiques et exportées en France et dans une quinzaine de pays, pour des maraîchers, viticulteurs…", reprend Franck Porcher. Le chiffre d’affaires de l’unité, qui produit 50 000 tonnes de fertilisants par an, devrait être de 14 millions d’euros en 2022. Cette transformation permet d’éviter l’équivalent de 12 000 hectares d’épandage. "La rentabilité n’est pas un objectif. L’important est que, globalement, le schéma avec les installations présentes sur les exploitations s’équilibre", confie le dirigeant.

La Cooperl valorise également les co-produits du porc (abats, soie, sang) depuis 1998 en en extrayant des protéines utilisées dans les aliments pour animaux domestiques. Une autre partie est transformée dans l’usine de Quintenic. Par ailleurs, la coopérative a mis en place un système de gestion de l’eau intégral qui assure le recyclage d’une grande partie de ses eaux usées. "On pourrait les recycler à 100 % mais des contraintes réglementaires nous en empêchent", regrette le dirigeant. Une partie est réutilisée pour le nettoyage des unités de production, pour refroidir les équipements et pour brumiser les animaux.

Côtes-d'Armor # Agriculture # Agroalimentaire # Services # Innovation # RSE