Côtes-d'Armor
Avec Les Maraîchers d’Armor, l'UCPT s'invente une nouvelle identité
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Avec Les Maraîchers d’Armor, l'UCPT s'invente une nouvelle identité

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Bye bye l’historique Union des coopératives de Paimpol-Tréguier (UCPT), fondée en 1974. Place désormais aux Maraîchers d’Armor. Une manière pour les producteurs des groupements des primeuristes du Goëlo et du Trégor, de La Presqu’île et de la station Bro Dreger, de réaffirmer leurs valeurs coopératives tout en se tournant vers l’avenir.

— Photo : @L'Oeil de Paco

Elle compte parmi les entreprises les plus importantes des Côtes-d’Armor mais elle est sans doute la plus méconnue. Non pas de par sa discrétion, mais à cause de son acronyme pas vraiment glamour, construit autour des lettres U, C, P et T, pour Union des Coopératives de Paimpol-Tréguier. « C’est le fruit d’une histoire dont nous sommes fiers, car ce nom a permis de poser des fondations solides qui nous guident depuis 1974, précise Anne-Marie L’Aminot, directrice de la coopérative légumière costarmoricaine depuis 2008. Toutefois, sous l’impulsion de notre président Gilbert Brouder, il nous est apparu pertinent d’évoluer vers une nouvelle appellation afin de nous tourner vers l’avenir. »

Écrire l’histoire et garder le passé

Bye bye l’UCPT donc, place désormais aux Maraîchers d’Armor. « Comme l’ensemble du monde agricole, nous sommes confrontés à des enjeux de transmission, de pyramide des âges vieillissante (un tiers des exploitants a plus de 55 ans) et d’attractivité pour les métiers de terre. En 2019, un séminaire de réflexion, qui regroupait les administrateurs, les présidents de commissions et les jeunes agriculteurs, a posé les bases d’un nouveau nom et d'une nouvelle organisation, d’autant que les circonstances juridiques s’y prêtaient. »

Photo : @DR

Bye bye à l’union des coopératives, pour laisser place à une seule et unique entité toujours porteuse des valeurs coopératives. « C’est un sujet sur la table depuis quelques années, confirme Anne-Marie L’Aminot. Il fallait se donner le temps et ne pas brusquer des générations attachées à leur groupement historique. » Six agences de communication ont été challengées pour trouver la nouvelle appellation à l’UCPT. Et c’est un local, l’agence Coqueliko à Lannion, qui a raflé la mise. « Nous aurions souhaité un lancement normalisé mais le Covid-19 a chamboulé nos plans. »

Un objet social plus cohérent

Depuis juin 2020, les groupements primeuristes du Goëlo et du Trégor, ceux de la Presqu’île et de station Bro Dreger se sont effacés dans une structure commune « Les Maraîchers d’Armor », fédérée autour d’un comité d'administration, organe représentatif des adhérents. L’entreprise en a profité pour réécrire son objet social afin de le mettre en cohérence avec l’évolution de ses activités. « Notre station expérimentale de Pleumeur-Gautier est le fleuron de la coopérative pour tester de nouvelles variétés et innover au niveau agronomique, confie Anne-Marie L’Aminot. Toutefois, il devenait nécessaire de se remettre pleinement dans les clous au niveau réglementaire, notamment dans notre logique de diversification vers des produits comme les épices, les légumes anciens, etc. »

L’ensemble regroupe toujours 450 adhérents, implantés de Ploumilliau à Saint-Quay-Portrieux, emploie 104 salariés entre le siège administratif et les stations de conditionnement, et pèse 114 millions de chiffre d’affaires producteurs cumulé. « Seule Triskalia a choisi de ne pas se fondre dans le nouvel ensemble mais continue de réaliser un apport de ses producteurs légumiers, lesquels ont rejoint la coopérative. »

Test autour d’une marque propre

Membre historique de la filière Prince de Bretagne, aux côtés de la Sica Saint-Pol-de-Léon, Terres de Saint-Malo, Triskalia et Socoprim, les Maraîchers d’Armor vont pouvoir, avec cette nouvelle organisation, développer des services pour les producteurs. « Depuis quelques années, nos adhérents sont demandeurs de retours encore plus immédiats du terrain, confirme Anne-Marie L’Aminot. Voilà le sens que l’on souhaite donner à ce projet de proximité baptisé Cotacoop, les "maraîchers de la coop d’à côté". Elle s’inscrit en parallèle de l’estampille commune Prince de Bretagne qui porte nos productions sur les marchés. »

« Cotacoop va nous permettre d’avoir des retours encore plus immédiats des consommateurs. »

Pour l’opérateur paimpolais, l’objectif reste clairement de trouver un canal de commercialisation qui lui permette de mieux suivre les évolutions de consommation et de tester, avec davantage de liberté, ses innovations. « L’expérimentation va nous permettre, par exemple, d’aller plus vite pour adapter nos modes de cultures, nos techniques de conditionnement, etc. On l’a bien ressenti pendant la crise du Covid-19 et le confinement. Les produits français ont une carte à jouer si tous les acteurs s’inscrivent durablement dans cette dynamique collective. »

Des projets de mutualisation avec d’autres coopératives sont en cours d’expérimentation, à l’image des ventes de légumes "Cotacoop" au sein du Calidel de Lamballe, enseigne de vente en circuits courts du leader français du cochon, Cooperl Arc Atlantique. Une maison des légumes à Paimpol, autour de l’emblématique Coco de Paimpol, est aussi en gestation. « Ce sont effectivement des projets en cours d’examen mais qui ne sont pas validés », ajoute Anne-Marie L’Aminot.

Des producteurs engagés dans la coopérative

Dans cette nouvelle organisation, l’enjeu pour Les Maraîchers d’Armor sera aussi de poursuivre la dynamique collégiale, qui reste l’une de ses particularités. « Sur 450 producteurs, 180 sont élus ou membres d’une commission, confirme Anne-Marie L’Aminot. Cet engagement est une exigence que nous maintenons, car l’objectif est que les agriculteurs soient bien des acteurs et non des spectateurs et de la vie et des décisions de la coopérative. »

Des exploitants qui n’hésitent pas à multiplier, année après année, les investissements pour innover auprès des consommateurs. Emblématique référence, le Coco de Paimpol va ainsi bénéficier d’une ligne d’écossage et de poste de congélation afin de faciliter sa commercialisation, en barquette pour le frais ou en sachet pour le surgelé. Sans parler de la montée en puissance du bio ou du sans pesticides, proposé désormais sur tous les segments.

Malgré la montée en puissance des serres, la culture de plein champ reste l'une des techniques majeures de production des légumes, notamment l'emblématique chou-fleur. — Photo : @L'Oeil de Paco

Pour la coopérative, l’innovation réside aussi sur les modes de vente. Si Cotacoop reste l’exemple le plus visible, car la marque est tournée vers le consommateur, d’autres outils, comme la vente au cadran ou celle en télématique par soumission, permettent de contractualiser une partie des volumes. Ce qui sécurise à la fois les acheteurs et les producteurs. « Notre réactivité doit être de tous les instants, confirme Anne-Marie L’Aminot. Le cas de la gestion de la fraise pendant la crise du coronavirus en est un symbole. Alors que le risque était de se retrouver avec des tonnes de fruits sur les bras puisque le marché de Rungis était à l’arrêt, nous avons trouvé, en quelques jours, avec nos fournisseurs d’emballages et Prince de Bretagne, des solutions pour reconditionner le frais et le commercialiser sur d’autres circuits. C’est bien toute cette réactivité et cet engagement que nous souhaitons voir perdurer. »


Du chou-fleur à la tomate et au bio

Comptant parmi les coopératives légumières les plus anciennes de Bretagne, Les Maraîchers d’Armor ont construit leur histoire autour de l’emblématique chou-fleur. En 1979, ce produit représentait 53 % du chiffre d’affaires de l’entreprise. Signe de nouvelles habitudes de consommation prises par le consommateur, le chou-fleur ne représente plus que 19 % de l’activité. « La force de nos adhérents a toujours été de sentir ce type d’évolution et de prendre les virages nécessaires pour se diversifier, confirme Anne-Marie L’Aminot, directrice de la coopérative. Notre gamme est aujourd’hui riche d’une quarantaine de références avec quelques cultures phares. Sur la même période 1979-2019, la part de la tomate est passée de 1 % à 47 % avec la montée en puissance de la culture sous serre. Mécaniquement, la part du chou-fleur a baissé car les autres activités ont progressé. C'est surtout la pomme de terre qui a le plus diminué. »

Les membres de la coopérative ont aussi compris l’enjeu stratégique de se positionner sur le créneau du bio dès 1999. « Cette filière représente 8,4 % du chiffre d’affaires en 2019, ajoute Anne-Marie L’Aminot. La dynamique reste toujours soutenue. Aujourd’hui, certaines de nos références, comme le poireau ou la betterave rouge, sont uniquement proposées en agriculture biologique. » Malgré la polémique sur le chauffage des serres, qui interdira toute commercialisation sous label AB des produits sous abris dirigés entre le 1er mai et le 21 décembre, la coopérative nourrit de solides ambitions de croissance sur ce segment avec 10 % de parts de marché attendu sous deux ans.

Le bio et les tomates pèsent près de 60 % de l'activité de la coopérative — Photo : @L'Oeil de Paco
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