Côtes-d'Armor
Abdallah Chatila : « Une commande d’État n’est pas un préalable à mon projet d’usine de masques en Bretagne »
Interview Côtes-d'Armor # Industrie # Implantation

Abdallah Chatila futur investisseur dans l'usine de production de masques de Ploufragan Abdallah Chatila : « Une commande d’État n’est pas un préalable à mon projet d’usine de masques en Bretagne »

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En déplacement le 11 mai sur le site Genesis Baie d’Armor de Ploufragan, dans les Côtes-d’Armor, l’homme d’affaires libano-suisse Abdallah Chatila a confirmé son investissement de 20 millions d'euros dans une usine de production de masques, charlottes et blouses.

Porteur du projet d'usine de masques sur le site Genesis Baie d'Armor de Ploufragan, Abdallah Chatila table sur un chiffre d’affaires, sous deux ans, de 150 millions d’euros pour 150 emplois créés — Photo : Julien Uguet / Le Journal des Entreprises

Pourquoi avoir choisi les Côtes-d’Armor et le site Genesis Baie d’Armor de Ploufragan pour lancer votre projet d’usine de masques ?

Abdallah Chatila : Soyons clairs. Avant le 25 avril, je n’avais jamais entendu parler de cette histoire d’usine de masques fermés en 2018 à Plaintel. De mon côté, je menais un projet industriel en Suisse avec la construction d’une unité de production frontalière avec la France. Mon ami Joachim Son-Forget, député des Français en Suisse et au Liechtenstein, m’a informé que son collègue Marc Le Fur, député de la circonscription de Saint-Brieuc, soutenait une initiative industrielle autour de Jean-Jacques Fuan. Tout est allé très vite. Nous avons été mis en relation et j’ai vite été convaincu de la pertinence du projet.

Votre venue, dès le 11 mai, premier jour du déconfinement, est une manière, pour vous, de montrer que votre projet est solide et crédible ?

Abdallah Chatila : C’est d’abord pour moi un besoin essentiel de voir, au-delà de visioconférences de travail depuis trois semaines, mes futurs partenaires, ainsi que le site que nous voulons acquérir auprès du groupe Bleu Mercure, propriétaire de Genesis Baie d’Armor. Je voulais aussi rencontrer les élus locaux pour les rassurer. Clairement, mon projet n’est pas un projet capitalistique, mais humain. Je ne suis pas coté en Bourse. Les 20 millions d’euros investis sortent de ma poche sans soutien public. Je ne cherche pas le profit rapide à court terme mais je serais aussi vigilant pour que mon argent ne soit pas dilapidé n’importe comment.

Quelles sont les ambitions de la nouvelle usine ?

Abdallah Chatila : Tout d’abord s’appuyer sur le savoir-faire local qui a disparu en 2018 mais qu’il est facile de réactiver en quelques semaines. Nous avons déjà plusieurs salariés de l’ex-usine Spérian qui font partie de l’aventure. Je prévois d’investir 20 millions d’euros via l’achat d’un site de 25 000 m², suffisamment grand, et acquérir des équipements de production pour atteindre 250 millions de masques par an. Normalement, d’ici la fin de l’année, si le timing donné est respecté, nous fabriquerons à nouveau des masques en Côtes-d’Armor. L’acte d’achat de la parcelle et la plupart des contrats de travail des collaborateurs stratégiques seront signés à a fin du mois de mai. La direction de l’usine va être confiée à Franck Lecoq qui a assuré, aux côtés de Jean-Jacques Fuan, la direction générale adjointe de l’usine de Plaintel jusqu’en 2006.

« Bien entendu, si c’est possible, je vais essayer de profiter du système français d’aides. Tout sera étudié mais ce n’est pas un préalable à ma venue. »

Quand seront achetées les premières machines quand on sait que ce sont actuellement des biens rares très demandés ?

Abdallah Chatila : Deux lignes complètes pour fabriquer les masques sont attendues dès juillet et deux autres en septembre. La production va démarrer fin 2020, début 2021. Il faut aller vite. Mon objectif est clairement de disposer d’équipements français ou européens afin de ne pas être dépendant de pièces asiatiques pour la maintenance. On mesure actuellement les risques d’une trop grande dépendance avec d’autres pays. Elle peut faire souffrir une économie. À terme, l’objectif est même de disposer de nos propres ateliers de fabrication de matières premières, du textile intissé, sur le site de Ploufragan. Au-delà des 25 000 m² bâtis, j’achète quatre hectares de fonciers supplémentaires pour anticiper, un jour, une future extension.

Demanderez-vous des aides publiques ?

Abdallah Chatila : Je n’ai sollicité aucune aide pour l’instant et mon business plan, qui table sur un chiffre d’affaires sous deux ans de 150 millions d’euros pour 150 emplois créés, n’a pas tenu compte d’un coup de main des collectivités locales. Bien entendu, si c’est possible, je vais essayer de profiter du système français d’aides. Tout sera étudié mais ce n’est pas un préalable à ma venue.

Tout comme une commande d’État n’est pas un préalable à vos yeux ?

Abdallah Chatila : Elle serait bienvenue et nous allons tout faire pour être dans la boucle mais ce n’est pas un préalable non plus à l’investissement. C’est notamment pourquoi l’usine, dont le nom commercial reste encore à définir, ne produira pas que des masques mais aussi des charlottes, des blouses, des surchaussures, etc. L’objectif est de ne pas être dépendant d’un seul produit mais bien d’une gamme complète. Le site innovera beaucoup en lien avec mon centre de recherche et développement basé en Suisse. Tout cela contribuera à la montée en puissance du projet et à sa pérennité au moins pour les 20 prochaines années.


Qui se cache derrière Abdallah Chatila ?

Né en 1974 à Beyrouth (Liban), Abdallah Chatila est l’une des 300 plus grandes fortunes de Suisse. Diplômé en gemmologie (formation d’experts sur les pierres précieuses), ce fils du joaillier Elie Chatila rejoint, en 1995, l’entreprise familiale basée à Genève. À partir de 2006, Abdallah Chatila entame une activité de promoteur immobilier et prend les commandes du groupe m3 Real Estate, qui soutient financièrement des projets dans les secteurs de l’immobilier résidentiel et commercial, de la restauration et de l’hôtellerie. Avec la société Rachaya Holding, fondée en 2007 (1 000 salariés au global), Abdallah Chatila diversifie ses activités : industrie du diamant, art contemporain, santé, assurances ou nouvelles technologies, etc. Avec son ami Joachim Son-Forget, député des Français établis en Suisse et au Liechtenstein, Abdallah Chatila a fait parler de lui, en décembre 2019, en achetant des objets ayant appartenu à Adolf Hitler pour les donner à Israël. En avril 2020, après avoir été touché par le Covid-19, il a créé un pont aérien entre la Chine et Genève pour importer 350 millions de masques en Europe, date à laquelle il se lance dans un projet de création d'une usine en France, à Ploufragan.

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