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U'Wine optimise les caves de grands vins 
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U'Wine optimise les caves de grands vins 

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Créée par Thomas Hébrard mars 2015, U'Wine (17 salariés, 4,6 millions d'euros de chiffre d'affaires pro forma) est une société de négoce qui conçoit des caves à vins connectées pour les particuliers et investisseurs. La PME bordelaise, présente à Shanghai depuis plus d'un an, accompagne ses clients dans leurs achats, la gestion et l'optimisation de leurs grands crus à haute valeur ajoutée.

U'Wine est une société de négoce bordelaise qui conçoit et gère la cave des particuliers et d'investisseurs composée de grands crus achetés en primeurs. — Photo : DR

Il a grandi entre les rangs des plus belles vignes de Saint-Émilion, profitant de l’expertise d’un grand-père viticulteur qui lui contait l’illustre histoire de ses aïeux, propriétaires du château Cheval Blanc, premier grand cru classé A de l’appellation jusqu’en 1998. « J’ai été éduqué à la qualité. Jeune, je dégustais des grands vins sans prendre en considération les prix », se souvient Thomas Hébrard, 36 ans, désormais très au fait des cours et cotes des meilleurs millésimes. Le jeune homme s’est ensuite éloigné de son bassin d’Arcachon natal et des vignobles bordelais pour des études d’ingénieur dans l’aéronautique et des débuts professionnels au sein d’un cabinet parisien de conseil stratégique.

Chercheur de pépites

C’est en 2009 que lui vient l’idée de concevoir sa propre cave. Des amis se montrent intéressés pour des achats en commun. Ils sont une quinzaine à encourager le jeune homme pour une première commande en 2010. « J’ai mis cinq ans avant d’être opérationnel. Mais je savais d’emblée qu’il fallait que je voie à long terme, d’où le choix d’un nom anglo-saxon ». Thomas Hébrard est également convaincu qu’il lui faudra un jour parler aux banques, aux gestionnaires de fortunes du monde entier. Son projet : acheter des grands crus en primeur et, à l’issue de la période de conservation des vins, en assurer la commercialisation au meilleur moment, au plus près de l’apogée du millésime. Le modèle économique est basé sur la marge dégagée entre l’achat des bouteilles et leur revente ou leur consommation, 5 à 8 ans plus tard. « Notre sélection est drastique et nous savons croire dans les pépites de demain et les belles endormies. Cette étape d’achats représente 80 % du travail, les 20 % restants résidant en la liquidation des actifs, la revente des bouteilles ».

Quatre ans après la création de l’entreprise, les 17 salariés de U’Wine travaillent aux côtés de 110 domaines, soit 340 vins de France et du monde entier : Chili, Afrique du Sud, Californie… 80 % de ses 400 clients sont français, 11 % asiatiques, 6 % européens. Les résultats sont encourageants : « Nous avons enregistré une croissance de 110 % de croissance en 2019. On a clôturé fin septembre avec 7,7 millions de prises de commandes sur l’année », se félicite le dirigeant. Le chiffre d’affaires en factures pro-forma s’établit à 4,6 millions d’euros.

Création d’un régime financier

Pour convaincre ses clients d’investir dans ce que lui-même reconnaît être « un placement atypique », pour se démarquer également dans un secteur pour le moins concurrentiel et chahuté, le cadre protecteur de l’autorité des marchés financiers (AMF) est dans sa ligne de mire. Le sésame est obtenu en août 2014. « Nous devenions le premier intermédiaire en biens divers pour investir dans le vin. Une fierté d’avoir participé à la création de ce nouveau régime financier », se félicite-t-il. L’activité pouvait démarrer, aidée par 550 000 euros apportés par des business angels.

La confiance placée en valeur cardinale de l’entreprise se mesure aussi à l’aune des parrainages qui drainent vers U’Wine de nouveaux clients. « Actuellement environ 40 % des nouveaux investisseurs viennent de nos clients historiques ». « J’ai souhaité développer un modèle intermédiaire au BtoC. Je crois au BtoBtoC. Le vin demande un intermédiaire de confiance pour être vendu. Nos clients sont les consommateurs finaux du monde entier. Pour nous faire connaître, nous travaillons avec de grands groupes reconnus, des banques privées et des distributeurs de produits de luxe. »

Une clientèle rajeunie

Un autre défi attendait la jeune société, celui de décrocher, de la part des châteaux, les indispensables allocations, permettant aux négociants de la place de Bordeaux d’obtenir des primeurs de grands crus encore en élevage en fûts. La stratégie de U’Wine basée notamment sur la protection du client et de son investissement aurait convaincu. « Les châteaux ont les moyens d’être très exigeants avec ce système d’allocations. Mais ils détestent la spéculation. Nous nous sommes présentés comme des distributeurs de vin, avec un projet : celui d’apporter de la valeur ajoutée ».

Un autre argument a compté selon Thomas Hébrard : « les châteaux nous considèrent aussi comme une solution pour capter les millénials, une clientèle de jeunes gens qui ne disposent pas d’espace dédié à une cave et pour qui la notion de propriété a changé. U’Wine leur permet de disposer de cet actif qui leur est livré au compte-gouttes », en quelques clics.

Sa cave sur smartphone

C’est à l’aide d’une application pour smartphones, que les échanges et ordres sont effectués. Il est possible d’acheter, de revendre, de « descendre » dans sa ou ses caves virtuelles se choisir une bouteille à se faire livrer, d’être conseillé… Il y est également proposé un ensemble de services événementiels de découverte des grands crus classés lors notamment des « U’Wine Tours mensuels ».

Cette appli a permis en outre à U’Wine de développer de nouveaux produits. Depuis bientôt deux ans la compagnie aérienne Cathay Pacific propose sur certains vols des « box U’Wine » à 100 dollars US. Le voyageur hongkongais ou singapourien achète un code d’accès qui le connecte aux services de l’application. Il peut ainsi choisir sa bouteille qui lui sera livrée à domicile. « Nous prévoyons de travailler avec deux autres compagnies asiatiques en 2020 ».

La Chine nouvel Eldorado

La stratégie à l’export vise en priorité le marché chinois, pour lequel U’Wine a ouvert une filiale l’été dernier à Shanghai, où l’entreprise ambitionne de réaliser des volumes d’affaires se comptant en dizaines de millions d’euros. Pour cela, elle a recruté trois collaborateurs et s’est rapprochée d’un réseau de distribution, un géant, « le numéro deux de l’alcool local, le baijiu, fort de 17 000 détaillants et d’une école du vin qui forme des milliers d’étudiants ». L’ambition chinoise doit démontrer que U’Wine est en mesure de dupliquer son modèle à l’international. « L’Asie va m’apporter une preuve de concept. J’espère pouvoir le confirmer dans un an ». En ligne de mire, les États-Unis sont la prochaine étape. « J’ai soif de croissance », conclut le chef d’entreprise.

 

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