Une rentrée tourmentée pour l'apprentissage néoaquitain
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Une rentrée tourmentée pour l'apprentissage néoaquitain

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Avec la crise sanitaire et malgré les mesures gouvernementales, les incertitudes demeurent pour la rentrée des apprentis et alternants notamment quant au nombre de places dans les entreprises. La situation inquiète de nombreux dirigeants néoaquitains, pour qui cette voie de formation reste un levier essentiel pour assurer l’avenir de leur entreprise et de leur filière.

Etudiant en école de commerce à Bordeaux, Paul de Bonnechose a fait le buzz cet été sur les réseaux sociaux. Pas suffisant pourtant pour décrocher un contrat auprès d'une entreprise d'événementiel — Photo : DR

On le sait désormais, rares sont les pans de l’économie que la crise sanitaire a épargnés. Jour après jour, la déferlante est venue remettre en question les organisations de travail ; la formation dans son ensemble n’a pas fait exception. Les écoles, les campus fermés, les questions relatives à l’alternance de près de 40 000 jeunes néoaquitains et 102 centre de formation d’apprentis (CFA) sont à leur tour venues prendre place au sein de la litanie des conséquences de la Covid-19. Une entreprise à l’arrêt se lancerait-elle dans la recherche d’apprentis ? Comment informer les jeunes alors que portes-ouvertes et salons d’orientation étaient frappés à leur tour d’annulation ?

Des étudiants à la peine

Depuis les rues du centre de Bordeaux, cette problématique a fait le buzz sur les réseaux sociaux, sous les traits d’un étudiant en école de marketing sportif, déambulant en homme-sandwich à la recherche d’une alternance. « Dès les premiers jours du confinement, j’ai compris que trouver une alternance dans l’événementiel sportif serait particulièrement compliqué cette année », se souvient Paul de Bonnechose. Malgré les encouragements de milliers d’internautes, en cette fin août, l’étudiant à Amos Sport Business School restait sans solution. « Dans ma promo, faute de contrat d’alternance, beaucoup ont fait le choix de partir en stage. Pour ma part, j’ai décidé de chercher également à Paris », confie le jeune homme.

50 % d’offres en moins dans l’industrie

Les craintes du jeune homme ont de fait été perçues très tôt par le secteur industriel et exprimées par l’Union des industries et métiers de la métallurgie Nouvelle-Aquitaine (UIMM). « Dès avril, nous présentions la crise d’ampleur qui allait s’exprimer en termes d’emplois, notre région étant particulièrement concernée par le secteur aéronautique. Avant la crise, nos entreprises étaient notamment fortement mobilisées sur les commandes d’Airbus dont les annonces, depuis, sont catastrophiques pour nos 18 sites et 2 300 apprentis en CFA », gronde Xavier Esturgie, vice-président de l’organisation patronale régionale. Les comptes estivaux faisaient ainsi état d’un effondrement des demandes des entreprises, voire d’une situation paradoxale. « On a 50 % d’offres en moins, alors que les demandes des jeunes sont encore plus importantes qu’en 2019. Dans le secteur de l’aéronautique, on serait même à 75 % d'offres manquantes », s’alarme le représentant de l’UIMM, qui déjà porte son regard à plus long terme. « Beaucoup d’apprentis inscrits en CFA à la rentrée vont se retrouver sans contrat. Cette triste perspective engendre une double préoccupation : celle liée au chômage des jeunes qui va augmenter et celle du risque de la disparition de compétences techniques dans un marché du travail dans le cadre d’un rebond attendu en 2023 », prévient Xavier Esturgie qui en appelle à « une mobilisation inter-institutionnelle » devant une autre inquiétude, celle de la pérennité des centres de formation eux-mêmes. « Certains CFA ne tiendront pas le choc », présage le vice-président, rejoint par son président Nicolas Foucard selon qui, « la transformation industrielle plus que jamais d’actualité, réclame un « plan Marshall » régional pour l’infrastructure de formation et d’apprentissage, essentielle pour préparer l’avenir ».

Le manque de visibilité pour les TPE

Côté petites entreprises, le propos n’est guère plus rassurant. L’agence bordelaise Cter&co de conseil en relations publics et médias (4 salariés), a dû se résoudre à ne pas signer de contrat d’apprentissage pour septembre, contrairement aux années précédentes. « Je considère qu’accueillir un apprenti fait partie de ma mission de chef d’entreprise. Mais, pour cette rentrée, j’ai préféré faire preuve de précaution. Fin juillet, lorsque je devais répondre à une étudiante dont le profil correspondait parfaitement à mes attentes, j’ai considéré ne disposer que d’informations trop parcellaires sur les aides », regrette Odile Seiter, la dirigeante. « Sans la Covid, il est possible que malgré les coûts qui finalement sont loin d’être neutres, nous aurions accueilli un étudiant. Mais dans le contexte actuel, le manque de visibilité sur l’activité 2021 ne me permet pas de le faire ».

Le coup de pouce de la prime

Pour Philippe Moine, dirigeant de Natec au Pian Médoc (12 salariés, 612 000 euros de CA en 2019), c’est pourtant bien les mesures annoncées en juin par la ministre du Travail d’alors en faveur du plan de relance de l’apprentissage qui l’ont convaincu à franchir le pas. « Après une expérience très décevante, je ne voulais plus m’engager à nouveau dans un contrat d’apprentissage. C’est la prime de 8 000 euros qui m’a fait changer d’avis », reconnaît le chef de l’entreprise spécialisée dans la conception et la fabrication de pièces en matériaux composites. « J’ai accédé à la demande d’un jeune malgré tout le mal que j’ai avec la conception française de l’apprentissage qui repose trop financièrement sur les entreprises, contrairement à ce qui se pratique en Allemagne, par exemple », concède-t-il.

Préparer le retour des donneurs d’ordres

C’est à l’adresse de tous les dirigeants qui hésitent encore que le patron du Medef girondin nouvellement réélu souhaite rappeler pourquoi l’apprentissage ne doit pas être sacrifié sur l’autel de la pandémie. « Aujourd’hui, bon nombre de chefs d’entreprise sont en souffrance du fait de la Covid et naviguent à vue. Je les comprends. Mais la seule façon de prendre du recul par rapport à ces difficultés pour envisager l’avenir, c’est justement de mettre des jeunes dans nos entreprises. Cela est particulièrement difficile lorsque, par ailleurs, il faut se séparer de collaborateurs. Pourtant, il faut le faire. Quand les donneurs d’ordres vont revenir, y compris Airbus, tout le pôle aérien de Mérignac devra être prêt », lance Franck Allard, président du directoire de Filhet-Allard, société de courtage en assurance, qui accueille en permanence une vingtaine d’apprentis.

Des métiers qui cherchent

En attendant les grands groupes, à l’instar des métiers de l’assurance, certains secteurs cherchent encore leurs jeunes perles rares. C’est ainsi que le Campus du Lac de la CCI Bordeaux Gironde nuance les inquiétudes ambiantes en rappelant qu’en cette rentrée, des entreprises de la restauration et du secteur tertiaire proposent encore des contrats d’alternance. Un même écho positif vient de la Chambre de métiers et de l’artisanat de Gironde (CMA), sur les formations de ses pôles Isfora et In’Sav respectivement dédiés à l’auto-moto-cycles et aux métiers de bouche. « Certaines de nos sections sont complètes, avec des listes d’attente de jeunes gens ayant trouvé leur entreprise. Nous réfléchissons donc à ouvrir des sections complémentaires », se réjouit Nathalie Laporte, présidente de la CMA Gironde. Et s’il faut quelques mois pour retrouver les effectifs des années précédentes, la cheffe d’entreprise de Bazas rassure : les 3 000 entreprises qui constituent le réseau de la Chambre sont conscientes des enjeux. Reste à retrouver la sérénité indispensable à cette forme d’engagement.

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