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Solaire thermique : La technologie de Newheat convainc les territoires
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Solaire thermique : La technologie de Newheat convainc les territoires

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Newheat vient de lever 13 millions pour poursuivre ou engager des travaux sur cinq projets, tous fondés sur sa technologie de solaire thermique, et a su persuader trois régions - la Nouvelle-Aquitaine, l’Occitanie et Auvergne Rhône-Alpes - de l’accompagner…

En 2019, Newheat inaugurait la plus grande centrale thermique de France, celle de l’usine Lecta à Condat-sur-Vézère, en Dordogne — Photo : Newheat

Il y a un peu plus d’un an, en juillet 2019, la société bordelaise Newheat avait défrayé la chronique en inaugurant la plus grande centrale thermique de France, celle de l’usine Lecta à Condat-sur-Vézère, en Dordogne. Cette technologie du solaire thermique consiste à fabriquer de la chaleur à partir de capteurs qui transmettent l’énergie du soleil à un fluide, notamment de l’eau. Quelques mois plus tard, ce projet « tourne bien », assure Hugues Defréville, fondateur et président de Newheat. « La période de la crise sanitaire a engendré des phases de fonctionnement un peu dégradées du site, mais nous avons pu gérer les baisses de charge sans impact. La centrale a prouvé à cette occasion sa robustesse et sa fiabilité. »

De quoi rassurer les dirigeants de Newheat, ceux de l’usine impliquée, mais aussi toutes les parties prenantes impliquées dans l’opération de financement que vient d’effectuer l’entreprise. Elle a réuni 13 millions d’euros via la banque qui se revendique « durable » Triodos et le Crédit Coopératif, et en comptant aussi sur la participation de trois fonds régionaux de la transition énergétique, dont Terra Énergies pour la Nouvelle-Aquitaine, AREC Occitanie et OSER ENR, ce dernier concernant l’Auvergne-Rhône-Alpes.

Engagement à long terme

Ces fonds vont servir cinq projets de Newheat : le refinancement de la centrale de Condat, et deux autres équipements relativement comparables, pour des industriels de l’agroalimentaire notamment, dans le Grand Est et en Auvergne-Rhône-Alpes. Mais le financement concerne aussi deux autres centrales solaires thermiques qui seront dédiées, elles, à l’alimentation de réseaux de chaleur urbains, à Narbonne et à Pons, en Charente-Maritime. « Pour ces derniers, les travaux ont démarré et la mise en service est prévue début 2021 », poursuit Hugues Defréville. « Ces deux projets sont montés avec Dalkia (filiale d’EDF consacrée notamment aux énergies renouvelables, NDLR) qui bénéficie d’un contrat de délégation de service public et à qui nous vendons l’énergie. Tous ces projets ont permis à Newheat de croître, passant de 7 salariés en 2018 à 18 aujourd’hui, dont huit sont exclusivement dédiées à de l’ingénierie, de la modélisation”, reprend le fondateur de l’entreprise. “La recherche et développement, c’est vraiment le cœur de notre travail. Nous construisons un savoir-faire, développons des compétences, mettons en œuvre des projets”.

Au-delà des innovations techniques, c’est aussi le modèle économique de Newheat qui interpelle, d’autant qu’il est unique en France : “Nous apportons un financement complet du projet. Nous finançons tout, de l’étude à la construction, puis nous nous rémunérons en vendant l’énergie que l’on produit. On calcule les calories utilisées par le client, le débit d’eau, la température, et ensuite celui-ci paie au compteur.” Ce modèle inédit sous nos latitudes, plus courant en Scandinavie, impose un engagement de long terme : de 15 à 20 ans pour les sites industriels, de 25 ans pour les réseaux urbains. Newheat fait pourtant des exceptions à la règle, à l’image d’une centrale construite pour une malterie dans l’Indre, dont elle assure la conception, la maîtrise d’œuvre jusqu’à la réception et la mise en service prévue en novembre, avant de bénéficier de 10 ans de conduite de maintenance. Mais Newheat n’a pas pris en charge le financement, donc.

« Revoir les mécanismes de soutien »

Le développement de Newheat a pu se poursuivre jusqu’ici, et garantit à l’entreprise créée en 2015 un carnet de commandes bien rempli jusqu’à la fin de l’année prochaine. Mais les mois suivants s’annoncent, pour le moment, un peu plus compliqués. En cause, la crise sanitaire, bien sûr, ses conséquences passées et ses incertitudes à venir. S’y ajoute le prix des énergies fossiles, historiquement bas. Mais pas seulement. “Pour que nous puissions être compétitifs, nous avons pour le moment besoin de subventions, sinon la chaleur renouvelable ne s’imposera jamais”, assure Hugues Defréville.

“Il faudrait revoir en profondeur les mécanismes de soutien, car nous avons des aides à l’investissement, certes, mais pas au développement, contrairement à d’autres filières, comme l’électrique. Cette dernière est totalement biberonnée par les subventions, et la nôtre est un peu oubliée. Peut-être parce que dans l’esprit du grand public, l’énergie se résume à l’électricité. Or, les réseaux de chaleur représentent 50 % de la consommation d’énergie primaire, et devraient donc faire l’objet d’une attention accrue de la part des pouvoirs publics, et d’encouragements à basculer vers des modes moins polluants", selon le dirigeant. Au-delà de cette méconnaissance, “ce sont aussi les réseaux même qui expliquent une forme d’inertie, car c’est très compliqué. Les réseaux électriques sont tous connectés, alors que ceux de chaleur dépendent de chaque ville, de chaque industriel…”

Technologies mixtes

Pour continuer sa croissance, Newheat compte donc sur des aides publiques, mais pas seulement. L’entreprise travaille sur des projets qui associeraient le solaire thermique à d’autres technologies renouvelables. “On peut notamment le compléter avec de la récupération de chaleur. Une cheminée par exemple, ce sont des calories perdues. On peut envisager d’installer un échangeur qui récupère cette chaleur, que l’on combine avec le solaire thermique”, détaille Hugues Defréville. Au centre des difficultés posées par les énergies renouvelables, se trouve souvent le problème du stockage. Là aussi, l’entreprise girondine innove : “nous commençons à proposer des stockages de grande capacité et de longue durée, en chauffant l’eau à 70 ou 80 degrés, l’été, pour la restituer l’hiver à nos clients. Nous créons pour cela de vastes lacs artificiels, d’un hectare sur 20 mètres de fond, où nous installons un isolant, une sorte de grand liner. Et pour ce stockage-là, pas besoin d’aller chercher des terres rares ou du silicium, qui commencent d’ailleurs à manquer, », poursuit le dirigeant, se référant à nouveau à d’autres filières énergies renouvelables, dont l’électrique.

Construction de centrale, récupération d’énergie et stockage sont trois des piliers sur lesquels Newheat entend s’appuyer, espérant convaincre de plus en plus d’institutions de l’importance de miser sur sa technologie pour promouvoir une énergie réellement propre. « Nous sommes particulièrement heureux d’avoir trouvé des partenaires bancaires dont les valeurs de responsabilité sociétale sont alignées avec les nôtres, et des partenaires investisseurs régionaux démontrant l’ancrage local de nos projets, créateurs d’emplois dans les territoires. Cela montre que ces derniers sont prêts à s’impliquer, et que nous travaillons vraiment sur des projets qui les concernent et les regardent directement », conclut Hugues Defréville.

ENCADRE CHIFFRES

18 salariés

En deux ans, l’entreprise a plus que doublé ses effectifs, embauchant notamment de nombreux ingénieurs.

13 millions d’euros levés en 2020

Pour mener à bien les cinq projets de Newheat, des centrales destinées à des sites industriels ou des réseaux de chaleur.

90 %

Les réseaux deep chaleur dépendant à 90 %, aujourd’hui, d’énergies fossiles.

ENCADRE 2

Des partenaires conquis

Pour réussir, courant septembre, l’opération financière qu’elle ambitionnait de réaliser, Newheat a su trouver les arguments pour convaincre des partenaires financiers et territoriaux. « Ce partenariat est, à plus d’un titre, remarquable. Les puissances des installations sont significatives, confirmant le rôle que peut jouer la chaleur renouvelable dans la transition énergétique. C’est la première opération regroupant, au sein d’un même projet, trois fonds d’investissement régionaux », explique Emmanuel Julien, président de Terra Energies, fonds d’investissement public-privé en Nouvelle-Aquitaine. « Enfin, les projets permettront d’alimenter à la fois du réseau de chaleur urbain et des industriels sensibles à la transition énergétique. C’est un partenariat gagnant-gagnant pour l’ensemble des acteurs qui y contribuent et, c’est le plus important, pour la planète. », ajoute-t-il. Le sentiment est le même pour Daniel Domingues, directeur du développement du Crédit Coopératif : « Ces projets constituent une grande avancée pour les énergies renouvelables, et notamment pour la chaleur solaire en France. Ces cinq projets apporteront une chaleur décarbonée au bénéfice de citoyens et d’industriels, et avec des installations situées au plus près de leur consommation. Cette opération est remarquable par le tour de table d’intervenants de premier plan et marque l’ancrage territorial de ces projets. »

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