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Shirley Jagle, l'inépuisable jongleuse du numérique bordelais
Portrait Bordeaux # Informatique

Shirley Jagle, l'inépuisable jongleuse du numérique bordelais

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Trente ans à peine et des convictions déjà bien ancrées, Shirley Jagle est à la tête de Kairos Agency et du Digital Village de Bordeaux.

Atteinte de polyarthrite à l'âge de 14 ans, la dirigeante de l'agence digitale Kairos Agency et du Digital Village de Bordeaux a su développer une force et une adaptation qui forgent aujourd'hui sa personnalité d'entrepreneure — Photo : Laura Van Puymbroeck

Elle aurait pu être jongleuse, ou équilibriste. C’est pourtant une planche de surf qui trône dans son bureau en plein centre de Bordeaux. « Je n’ai plus qu’à l’embarquer une fois la semaine terminée, je suis plus rapidement à l’eau », justifie Shirley Jagle qui se définit elle-même comme une « digital entrepreneure ». À 30 ans, cette jeune Alsacienne est à la tête de Kairos Agency, agence digitale créée il y a six ans. La dynamique jeune femme est également à l’origine de la création du Digital Village de Bordeaux, il y a trois ans. Un lieu de coworking et d’accompagnement dédié aux free-lances dans le domaine du numérique.

C’est pour réussir à concilier ses divers emplois du temps et casquettes que Shirley Jagle fait preuve d’un véritable talent d’acrobate. « J’ai tenté de cloisonner, de définir des plages horaires pour ces différentes fonctions, mais c’était encore pire. Il faut être réaliste. J’essaie simplement de faire preuve de fluidité et de me consacrer entièrement à ce que je fais », explique-t-elle. Une absence de cloisonnement tangible jusque dans les locaux de Kairos et du Digital Village. Dans l’immeuble loué rue Judaïque se côtoient les cinq salariés de l’agence digitale et les 22 indépendants hébergés par le Digital Village. Cuisine commune, jardin commun… un joyeux bazar ? « On crée des écosystèmes, une émulation », insiste Shirley Jagle.

Meneuse de troupes

Elle est avant tout une meneuse de troupes, à la fois déterminée et placide. « À 5 ans, je disais à tout le monde que je voulais être chef, plaisante-t-elle. En fait, ce que je voulais, c’était mener des projets. » Après ses études à la Paris School of Business et une spécialisation en commerce international, Shirley Jagle décide de travailler dans le vin et atterrit en contrat de professionnalisation chez un négociant bordelais.

Deux ans plus tard, elle crée sa propre agence de conseil en stratégie digitale, rejointe par ses deux associés Louis Bernard et Martin Avisseau. « Puis du conseil, on est passé au développement web et on s’oriente aujourd’hui réellement vers le design d’interface », relate Shirley Jagle. Et comme elle n’est pas habituée à faire les choses à moitié, elle décide que son entreprise prendrait des engagements ambitieux.

Des valeurs à défendre

Une prise de conscience progressive mais édifiante : « le digital a un gros impact sur l’environnement, donc nous avons travaillé sur des prototypes de sites web qui soient les moins énergivores possible. Nous rationalisons aussi bien les aspects éthiques qu’environnementaux. »

« Les salariés de Kairos font ce qu’ils veulent de leur cinquième jour de travail hebdomadaire. Ils peuvent bosser se former ou aller à la plage, ça m’est égal ! »

Environ 20 % du temps de travail des salariés est ainsi dédié à la recherche et au développement. Car chez Kairos, les salariés travaillent quatre jours par semaine, payés cinq. « Ils font ce qu’ils veulent de leur cinquième jour. Ils peuvent bosser sur des projets personnels, se former à de nouvelles technologies ou aller à la plage, ça m’est égal ! Nous avons juste remarqué que nous étions plus performants dans ces conditions », plaide-t-elle. L’esprit start-up en somme, poussé jusque dans les salaires : « Nous avons tous le même salaire et nous avons des primes si nous apportons des clients. »

Une force forgée dans la maladie

C’est cette détermination qui a sans doute séduit les fondateurs parisiens du concept Digital Village et les a convaincus, en 2016, de préférer Bordeaux à Nantes pour leur nouvelle antenne. Une force tranquille acquise dans les épreuves. « À 14 ans, j’ai eu une polyarthrite. Au bout de 10 ans, je n’avais plus de cartilage sur les hanches, on a dû me poser deux prothèses. J’ai monté ma société tout en étant malade… C’est sûr que ça m’a donné une certaine force, ça m’a appris à ne pas lâcher », confie la jeune femme.

Et lui a ouvert des horizons différents qui lui servent aujourd’hui en tant que chef d’entreprise. « Les traitements traditionnels ne suffisaient pas, donc j’ai eu recours à la médecine alternative pour soulager la douleur. » C’est d’ailleurs son prochain projet, « un lieu où l’on pourrait vivre des expériences scientifiques, lâche-t-elle sans trop s’étendre sur le sujet. Pour moi Kairos a toujours été un port d’attache, mais je voudrais développer d’autres projets à côté, c’est mon équilibre ».

Boulimique de travail ? Certainement… Pourtant, à une époque où l’on prône le « miracle morning » pour réussir (se lever avant le lever du soleil pour bien commencer sa journée), Shirley Jagle l’assure : « Pas pour moi, je dors huit heures par nuit ! »

Shirley Jagle en 5 dates-clés

1989 : naissance en Alsace
2010 : arrivée à Bordeaux chez un négociant en vins
2013 : création de Kairos Agency
2015 : lance Eden Core, un studio de jeux vidéo qui n’a pas fonctionné
2016 : lancement du Digital Village à Bordeaux

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