La croissance externe dope les ambitions d'Estémi
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La croissance externe dope les ambitions d'Estémi

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Le groupe Estémi, né de la fusion d’une menuiserie artisanale des Côtes-d’Armor et d’un fabricant de PVC girondin, mise plus que jamais sur la croissance externe pour renforcer son activité de fabricant de menuiseries et fermetures. Composé aujourd’hui de cinq sociétés représentant 88 millions d’euros de chiffre d’affaires, il a terminé l’année 2021 par un nouveau rachat et réfléchit à s’étendre encore.

Le site principal du groupe est basé à Saint-Médard-de-Guizières, en Gironde — Photo : Estémi

Le groupe girondin Estémi (anciennement Ouvêo), spécialisé dans la menuiserie et la fermeture sur-mesure en BtoB, dont 90 % de la clientèle est constituée d’artisans, continue de grandir. Sa croissance, aussi dynamique que son secteur (l’artisanat du bâtiment affiche une croissance de 12,5 % en 2021), s’est accélérée ces dernières années, portée par des rachats successifs qui lui ont permis de dépasser assez largement son cadre de départ.

Un marché porteur

Regroupant aujourd’hui 450 salariés pour 88 millions d’euros de chiffre d’affaires, Estémi a clôturé l’année 2021 avec l’annonce, en décembre dernier, du rachat de Loubat Fermeture (24 M€ de CA en 2021) et son site de Sainte-Livrade-sur-Lot (Lot-et-Garonne), créé en 1952 et comptant aujourd’hui environ 100 salariés. Un rachat effectué grâce au concours financier des obligations relances (lire par ailleurs) et qui a eu pour premières conséquences de rééquilibrer le chiffre d’affaires, l’activité "fermetures" en représentant désormais la moitié, et d’internaliser la fabrication des volets battants en aluminium, un produit auparavant échangé en négoce. Le fournisseur, dont "90 % des clients sont des artisans", en a profité pour changer de nom.

Le tout intervient dans un contexte favorable. "Nous n’avons jamais vu le marché aussi haut qu’en 2021. Il continue à bien se porter, nos délais de commandes ont doublé par rapport à 2020. 2022 est sur la même traîne", se félicite Jean-Luc Nouveau, le dirigeant d’Estémi, qui est née suite à la création en 1948 de la SAS Guigneux, menuiserie artisanale des Côtes-d’Armor basée à Plélan-le-Petit. Créateur de Plastiferm (menuiseries en PVC) en 1988, Jean-Luc Nouveau était déjà à la manœuvre lors de la fusion des deux sociétés, regroupées sous le nom d’Ouvêo Menuiseries. Aujourd’hui, Estémi est composé de 5 sites en France. Le plus gros volume d’activité (10 000 m2, plus de 30 M€ de CA) est celui réalisé sur le site Saint-Médard-de-Guizières, en Gironde, consacré à la production de menuiseries en PVC et aluminium. Le petit dernier de la famille, Loubat Fermetures, est aussi le plus grand (22 000 m2 de bâtiment).

D’autres rachats en vue

Dans l’histoire du groupe, 2014 a été une année cruciale : celle où Ouvêo, en rachetant Provélis à Saint-Jean-Bonnefonds (Loire), s’étend à la fabrication de volets roulants et de portes de garage. "Ce rachat a dynamisé le groupe, qui souhaitait aller chercher une offre complète en fermetures", résume le PDG du groupe. Une dynamique que Loubat vient renforcer. L’avant-dernier rachat en date est celui de Seeuws à Masnières (Nord), obligé par la clientèle du nouveau propriétaire à abandonner son activité de poseur. L’appétit d’Estémi, lui, n’est pas près de s’arrêter. "L’un des objectifs majeurs d’ici à la fin de l’année 2022, c’est le rachat d’un fabricant de volets en Rhône-Alpes", confie Jean-Luc Nouveau, sans non plus fermer la porte à d’autres opérations de croissance externe.

Pour concrétiser sa croissance continue, l’entreprise n’hésite pas à investir dans ses différents outils de production, les commandes continuant d’affluer face à des usines quasiment toutes arrivées au maximum de leurs capacités. "La seule usine appelée à progresser est celle de Manières dans le Nord. On la fait monter en puissance petit à petit. Elle est passée à 4,5 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2021 et on vise 8,5 millions d’euros en 2022. En général, l’objectif pour chaque site du groupe est d’atteindre 15 millions d’euros. On compte y arriver pour l’usine de Masnières d’ici deux à trois ans".

Des investissements réguliers

Côté investissements, le groupe cible les usines en fonction de leurs activités : trois font de la menuiserie en PVC, deux en aluminium et une en bois. "À terme, l’aluminium risque de prendre le pas sur le PVC et devenir majoritaire d’ici trois à cinq ans. C’est une tendance importante, y compris dans la rénovation qui représente 80 % de notre activité", résume Jean-Luc Nouveau. "En Aquitaine, par exemple, nous avons beaucoup investi sur l’aluminium en mettant deux millions d’euros dans un nouveau centre d’usinage il y a deux ans. Cette année, nous allons investir 1,5 million d’euros dans un nouveau centre PVC, qui va augmenter notre capacité de production d’ici à fin 2023", détaille-t-il encore.

Dans les Côtes-d’Armor, à Plélan-le-Petit, Estémi prévoit d’agrandir son pôle de laquage du bois. "La demande du marché impose d’avoir une menuiserie finie, peinte et prête à poser. C’est plus de 70 % de nos commandes aujourd’hui. Notre cabine de laquage est trop petite et nous oblige à sous-traiter à plus de 50 %, ce qui allonge beaucoup trop les délais. Nous aimerions être autonomes". Prévu pour 2023, ce pôle, qui devrait être équipé d’une "nouvelle machine automatisée, si possible robotisée", pourrait contraindre l’usine à étendre un peu ses murs de 9 000 m2. "En moyenne, nous investissons entre 250 000 et 300 000 euros par an dans chaque usine pour améliorer les flux de production des menuiseries et des volets roulants", termine Jean-Luc Nouveau. Évoqué prudemment, l’avenir du site girondin pourrait également passer par "l’acquisition de bâtiments supplémentaires".

Une clientèle morcelée

Enfin, Estémi mise aussi beaucoup sur l’une de ses principales forces de frappe : ses commerciaux. Le groupe en compte aujourd’hui 70, répartis entre les différents sites et cultivant une forte présence locale. La holding le martèle, sa croissance (près de 55 % en 6 ans) est basée sur la proximité : une flotte intégrée de camions et une équipe de technico-commerciaux couvrant "au maximum deux départements". Le tout répond à une clientèle très morcelée : "aucun client ne représente plus de 5 % du chiffre d’affaires d’une société. Nous sommes moins dépendants d’un client en particulier que du marché de la rénovation". Un secteur plus dynamique que celui de la construction neuve sur le dernier trimestre 2021 (+4 % contre +3 %) selon la Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (CAPEB), la menuiserie affichant également un rebond de 3,5 %.

Une tendance toujours en grande forme, puisqu’elle représentait 60,7 % des dix millions de fenêtres posées en 2019, selon l’Union des fabricants de menuiseries extérieures (UFME). Et malgré un net recul constaté en 2020 (-5 % en volume) la diversification d’activités du groupe lui permet de rester optimiste dans un contexte de forte inflation du prix des matières premières (+36 % en un an sur l’aluminium, par exemple). Malgré les contraintes actuelles, l’ETI espère atteindre les 120 millions d’euros de chiffre d’affaires "d’ici à cinq ans".

Un rachat soutenu par des obligations Relance

En décembre 2021, le groupe Estémi a été l’une des trois premières entreprises à recevoir une aide financière en obligations Relance pour le rachat de Loubat Fermetures. L’obligation Relance est un nouveau dispositif national de financement à long terme de la croissance et de la transformation des entreprises françaises. Il est porté par un fonds du même nom de 1,7 milliard d’euros géré par une vingtaine d’investisseurs (19 assurances et la Caisse des Dépôts). Ces financements, pouvant aller de 2 à 100 millions d’euros, sont distribués par des sociétés de gestion parmi lesquelles Bpifrance, qui a accompagné Estémi pour un montant non communiqué. Ces prêts bénéficient d’une garantie partielle de l’État à hauteur de 30 % des premières pertes subies et remboursables en une fois à une échéance fixée à huit ans, à l’exception des intérêts qui sont à rembourser dès la première année (5 % pour les PME, 6 % pour les ETI). Ils sont censés "financer la croissance organique ou externe ainsi que la transformation et l’innovation des PME-ETI" précise France Assureurs. Ils sont cumulables avec le prêt participatif relance et sont soumis. Parmi les principaux critères d’attribution, on note le fait de justifier d’un chiffre d’affaires 2019 supérieur à deux millions d’euros, comme le précise le décret 2021-318, qui précise aussi que les plafonds d’admissibilité aux prêts ou obligations "ne peuvent dépasser 10 % du chiffre d’affaires 2019". Les banques et sociétés de gestion espèrent soutenir 2 500 entreprises grâce à ces obligations subordonnées. Estémi, de son côté, a profité du rachat pour réorganiser son capital, faisant du gestionnaire Siparex Midcap le détenteur majoritaire des parts du groupe, suivi par Alliance Entreprendre et le bordelais Galia Gestion, partenaires financiers depuis 2018. Il a également fait rentrer deux nouveaux investisseurs, le groupe parisien Turenne et GSO Capital, filiale du Crédit Agricole, pour accompagner le groupe dans une "autre croissance externe en menuiserie PVC/aluminium".

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