Bordeaux
"Gilets jaunes" : « Les commerçants bordelais se sentent perdus »
Interview Bordeaux # Commerce # Social

Philippe Loiseau vice-président de la CCI Bordeaux Gironde chargé du commerce de proximité "Gilets jaunes"

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Philippe Loiseau, vice-président de la CCI Bordeaux Gironde chargé du commerce de proximité, détaille les mesures qui vont être mises en place pour tenter d’aider les artisans et commerçants impactés par les manifestations des "Gilets jaunes".

Philippe Loiseau, vice-président de la CCI Bordeaux Gironde chargé du commerce de proximité — Photo : CCI Bordeaux-Gironde

Le Journal des Entreprises : Selon une enquête de la CCI Bordeaux-Gironde, 85 % des commerçants avaient enregistré une baisse de leur activité les 24 novembre, 1er et 8 décembre 2018, jours de mobilisation des "Gilets jaunes". Alors que le mouvement se poursuit, dans quelle situation se trouvent les commerçants et artisans bordelais trois mois plus tard ?

Philippe Loiseau : Nous faisons face à une situation inédite et très difficile, presque comparable à une catastrophe naturelle. Des grèves, des inondations, par exemple, ce sont des choses que nous avons connues et face auxquelles nous savons quoi faire. Là, c’est vraiment inédit... Sans même parler de la casse, nous n’avons jamais vu des manifestations durant lesquelles, tous les samedis, on doit fermer les commerces ou renoncer à voir des gens les fréquenter. Aujourd’hui, nous avons des centaines d’emplois qui sont menacés, et des dizaines de commerces qui ne surmonteront peut-être pas cette crise. On doit s’adapter, et nous nous sommes donné pour objectif, avec nos « cousins » de la chambre des métiers, d’aller au-devant de tous nos ressortissants.

Comment comptez-vous les aider ?

P. L. : D’abord, en recensant leurs besoins. Nous avions commencé à mettre en place un numéro d’appel, mais on se rend compte que les commerçants en souffrance n’osent pas forcément nous contacter. Donc nous prenons les listings et nous allons voir chaque artisan et commerçant du centre-ville de Bordeaux depuis mi-février. Nous faisons du porte-à-porte, auprès de ceux qui ont des vitrines, mais aussi de ceux qui sont en étage, ou au fond d’une cour, ceux dont les enseignes sont moins visibles mais qui souffrent tout autant.

« Les commerçants et artisans ont vraiment besoin d’être écoutés. Ils se sentent sincèrement perdus, seuls face à cette situation dramatique. »

Nous allons faire du cas particulier, c’est-à-dire aider chacun à résoudre son problème, intervenir auprès des banques, de la Direccte, de l’Urssaf, etc. Nous mobilisons pour cela dix personnes, ce qui est un effort important compte tenu de nos contraintes budgétaires.

À propos de budget, une enveloppe sera-t-elle débloquée pour venir en aide à ces commerçants ?

P. L. : Nous militons pour que ce soit le cas, oui. L’État s’est engagé à aider, la Région, la Métropole et la Ville devraient y contribuer, ainsi que la chambre des métiers et la CCI. Nous aiderons à la mise en place de ce fonds selon les besoins des commerçants les plus touchés. Nous espérons pouvoir débloquer un million d’euros. Ce ne sera jamais assez, mais cela peut aider.

Au-delà de cette somme, il va nous falloir aussi amorcer une discussion avec ces commerçants et artisans, car ils ont vraiment besoin d’être écoutés. Ils se sentent sincèrement perdus, seuls face à cette situation dramatique. Chaque jour, nous avons des appels de personnes en pleurs, au bord du dépôt de bilan ou du licenciement. Et le pire est sans doute à venir, puisque les décalages de trésorerie font que beaucoup de commerçants subiront pleinement les conséquences de cette situation dans quelques mois seulement...

Bordeaux # Commerce # Social # Politique économique # Conjoncture