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David Couillandeau (Hyd&Au) : « Le passage au statut d'ETI n'a jamais été une fin en soi »
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David Couillandeau président du groupe Hyd&Au David Couillandeau (Hyd&Au) : « Le passage au statut d'ETI n'a jamais été une fin en soi »

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Quarante ans après sa création, la petite entreprise familiale bordelaise Hyd&Au, spécialisée dans l'hydraulique, s'est glissée dans un costume que certains pensaient trop grand pour elle. Elle est en effet devenue une ETI à la faveur d'une stratégie de diversification aiguisée et de croissances externes. David Couillandeau, le fils du fondateur et aujourd'hui président du groupe Hyd&Au, retrace l'aventure.

David Couillandeau, fils du fondateur du groupe bordelais spécialisé dans l'hydraulique Hyd&Au, a mené une série d'acquisitions à partir de 2011, permettant à l'entreprise de devenir une ETI — Photo : Astrid Gouzik/JDE

En 2011, votre entreprise Hyd&Au – qui s’appelait encore ATH – réalisait un chiffre d’affaires de 12,5 M€ et employait 75 personnes. Elle vient de boucler l’année 2018 avec un chiffre d’affaires atteignant 56 M€ et 337 salariés. Comment expliquez-vous cette croissance ?

David Couillandeau : Mon père a créé l’entreprise spécialisée dans les composants hydrauliques en 1978, près de Libourne. Elle avait une forte connotation artisanale. Puis au début des années 90, la TPE est devenu PME, une trentaine de salariés constituait l’équipe. Mon père avait alors une stratégie rigide : une seule activité, l’hydraulique, et sur un seul site. J'ai intégré la société familiale au milieu des années 90 et, petit à petit, mon père et moi nous sommes répartis les missions et les responsabilités. Il m’a laissé de la place pour affirmer une opinion différente de la sienne. En 2004, j’ai commencé à faire infléchir la stratégie historique de « monosite ». Nous avons ouvert une agence à Toulouse pour augmenter notre zone de chalandise, puis à Limoges, puis à Pau. J’ai pris totalement la main au début des années 2010 et j’ai affirmé l’axe stratégique que nous suivons toujours : diversifier technologiquement notre offre, la renforcer et adjoindre à notre métier historique des métiers connexes pour proposer une solution globale en mécatronique.

Pour constituer cette offre vous avez dû passer par beaucoup de croissance externe. Une étape qui effraie souvent les dirigeants de PME…

D.C. : Le rachat de Veraflex, en 2004, a été une première expérience très révélatrice et formatrice. C’était vraiment un rachat d’opportunité. Il s'agissait d'un fournisseur régulier donc sa disparition nous aurait posé quelques problèmes. Mais nous avons fait preuve d'une grande naïveté : on a fait cette acquisition à l’ancienne, en se mettant d’accord avec le cédant, sans réaliser aucun audit. Puis on s’est aperçus du mauvais entretien du parc de machines, de contentieux latents avec des clients, d’un climat social dégradé… Nous avons passé deux ans à redresser la situation. Cela nous a refroidi quelques temps. Puis à partir de 2011, le rythme des rachats s'est un peu intensifié.

Å quel moment votre PME a-t-elle réellement changé de dimension ?

D.C. : D'abord avec le rachat de Samelec, en 2011, parce qu'il s'agissait d'un nouveau métier pour nous. Puis en 2013, lorsqu'on met la main sur Fluidap, leader français de l'hydraulique, avec qui la complémentarité géographique était optimale. Mais il s'agissait d'une société plus importante que nous. Avec cette opération, Hyd&Au est devenue une ETI (avec 280 salariés et 45 M€ de CA).

Vous avez eu des doutes à ce moment-là ?

D.C. : Si j’avais écouté mon entourage, j’aurais renoncé à ces deux acquisitions qui ont pourtant permis notre développement. Notamment pour Fluidap, il a fallu faire entrer de nouveaux actionnaires et cela signifiait l’abandon de l’actionnaire familial unique. Mon père a parfois eu des doutes mais il m’a laissé faire. Il a fallu y aller pas à pas, tirer bénéfice de chaque acte réussi pour passer au suivant. Je le revois, quand je lui ai proposé l'acquisition de Fluidap, mettre la main dans sa poche et me dire "et avec quel argent ?". Il a fallu que je lui démontre qu’une ouverture de capital pourrait être une bonne option.

Puis cela n’a pas été évident de trouver un actionnaire. Avant d’avoir une réponse favorable de Bpifrance, il a fallu essuyer des refus. J’ai connu de gros moments de doutes. Certains émettaient des réserves car il y avait des risques associés au changement de taille.

Pourquoi avez-vous tenu bon ?

D.C. : Le passage au statut d'ETI n'a jamais été une motivation, une fin en soi. Je voulais que chaque jour soit différent de la veille, je déteste la routine. Par ailleurs, l’axe de développement technologique était une vraie attente du marché. Et c’était aussi un moyen de nous démarquer de nos concurrents.

Certains chefs d’entreprise restent dans une dimension « PME » par peur de l’inconnu. Ils veulent maintenir une performance économique stable. Quand on a des ambitions de développement, il faut savoir déléguer des responsabilités significatives, aller chercher des capitaux nouveaux. Tout le monde est confronté à de multiples opportunités, encore faut-il les penser accessibles !

Quelles sont les prochaines étapes pour Hyd&Au ?

D.C. : En 2018, nous sommes entrés dans une étape de consolidation. Nous avons besoin d’organiser notre offre, industriellement, commercialement… Ensuite nous entrerons dans l’étape finale de validation économique de cette stratégie, elle devrait se matérialiser entre 2020 et 2022. Ce sont des étapes indispensables avant de songer à de nouvelles aventures, notamment à l’international.

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