Comment Europlasma a su rebondir
# Industrie

Comment Europlasma a su rebondir

S'abonner

Après avoir échappé à une liquidation en 2019, le groupe Europlasma, spécialiste de la dépollution, a fait le pari de redémarrer l’usine Inertam basée à Morcenx-la-Nouvelle dans les Landes, qui permet de traiter les déchets dangereux. L'entreprise a franchi une nouvelle étape de développement en 2020 avec le déploiement en Chine de sa technologie pour vitrifier les cendres volantes d’un acteur majeur de l’incinération de déchets. Le groupe basé à Pessac veut désormais s’attaquer à la dépollution de l’industrie pétrolière.

Dans les Landes, Europlasma recycle 6 000 tonnes d'amiante par an — Photo : Europlasma

C’était en juillet 2020. Le cours de Bourse du groupe Europlasma, spécialiste de la dépollution, connaît une animation un peu inhabituelle. L’action s’est envolée de 50 %, son plus haut niveau depuis plusieurs mois. Une accélération du titre, qui intervient juste après la signature d’un contrat pour le moins prestigieux pour le groupe. Europlasma a en effet reçu une commande d‘une centaine de milliers d’euros de l’Assemblée nationale seulement quelque temps après la reprise d’activité de son fleuron industriel. « Cette dernière a fait le choix de la vitrification, seule alternative dépolluante à l’enfouissement portée par l’une de nos filiales, Inertam. Le groupe a ainsi été sélectionné pour le traitement définitif des déchets d’amiante issus des chantiers de rénovation de l’institution. Inertam traite par conséquent les déchets en provenance des chantiers de désamiantage des bâtiments appartenant à̀ l’Assemblée nationale », se réjouit Jérôme Garnache, président directeur général du groupe.

Sauvé in extremis

Le groupe (110 salariés, 3,1 M€ de CA en 2019), qui possède plusieurs filiales dont Inertam, spécialisée dans l’inertage des déchets d’amiante qui représente la part la plus élevée du chiffre d’affaires d’Europlasma, revient de loin. Il a cumulé de nombreux problèmes ces dernières années. Placé en redressement judiciaire début 2019, le groupe a été sauvé in extremis grâce à l’intervention, avec l’aide du fonds d’investissement Alpha Blue Ocean, de la société d’investissement luxembourgeoise Zigi Capital SA, désormais actionnaire du groupe. Cette dernière a décidé d’investir 5,3 millions d’euros dans l’usine de Morcenx pour la remettre à niveau et accroître sa capacité de traitement.

Le marché du traitement du déchet de l’amiante est évalué à 300 000 tonnes annuelles rien que pour la France

Photo : Europlasma

Un pari osé et à contre-courant des choix opérés par l’ancienne direction d’Europlasma, qui avait un peu délaissé cette activité pour concentrer ses efforts sur une autre filiale, CHO Power, spécialisée dans la gazéification des déchets. « Nous nous sommes concentrés sur le redémarrage de l’usine d’inertage de l’amiante basée à Morcenx-la-nouvelle dans les Landes parce que c’est la seule structure qui fonctionnait réellement avec un potentiel de développement avéré. Nous sommes les seuls à disposer d’un procédé industriel capable d’éliminer la fibre d’amiante et sommes convaincus de son intérêt public et de ses perspectives de croissance et de rentabilité, commente Jérôme Garnache. Le marché du traitement du déchet de l’amiante est important. Il est évalué à 300 000 tonnes annuelles rien que pour la France. Aujourd’hui, nous traitons 6 000 tonnes de déchets par an, soit une moyenne de 20 tonnes par jour. L’objectif à court terme vise un accroissement de la capacité à 8 000 tonnes ».

Des perspectives réjouissantes d’autant que la Chine a interdit en 2020 l’enfouissement de déchets dangereux. « Il est fort à parier que Bruxelles légifère prochainement et interdise également leur enfouissement. De plus en plus d’acteurs souhaitent une solution propre. C’est donc le moment de déployer des capacités de traitement plus importantes », renchérit Jérôme Garnache. Pour éviter de supporter seul la construction de sites supplémentaires, le groupe envisage de s’associer à des industriels et de travailler avec les régions pour construire des structures de grande taille (50 000 tonnes environ) afin de légitimer le traitement des déchets amiantés dans les territoires.

Effacement de la dette

Aujourd’hui, le groupe va bien mieux. Afin de s’ouvrir à de nouvelles perspectives, Europlasma a travaillé ces derniers mois à réduire sa dette de 21 millions d’euros et entend démanteler la centrale électrique CHO Morcenx. « La centrale CHO était très énergivore, ce qui pose problème quand on prétend nettoyer la planète. En outre, le business model fondé sur des obligations d’achat d’électricité à des tarifs bonifiés, n’était plus viable. Nous avons donc décidé d’arrêter l’hémorragie. L’accord signé sur la dette nous permet par ailleurs de disposer pleinement des actifs. Les 7 millions d’euros de trésorerie que nous allons récupérer de la vente de certains matériels de l’infrastructure vont être affectés à des investissements plus cohérents comme la création d’une ferme solaire et la préparation de combustibles solides de récupération réalisée dès 2021 à partir de déchets résiduels de la chaîne de tri », détaille Jérôme Garnache, qui projette de livrer au moins 15 000 tonnes de CSR en année pleine.

D’autres investissements seront réalisés pour augmenter la capacité de production de la plateforme Inertam par l’installation d’un quatrième four.

Le groupe a par ailleurs profité de la période de confinement pour mener des travaux prévus initialement en 2021. Une partie des équipements de la zone de confinement de l’usine de Morcenx-la-Nouvelle ont notamment été remplacés. « Grâce à un meilleur traitement des fumées et à des procédés améliorés, la production pourra également se faire en réduisant davantage l’empreinte sur l’environnement. D’autres investissements seront réalisés pour augmenter la capacité de production de la plateforme Inertam par l’installation d’un quatrième four », précise le directeur général.

Un déploiement à l’international

Pour soutenir son développement, le groupe s’oriente vers de nouvelles activités en Chine. Par le biais de sa filiale créée localement en mai 2020, Europlasma a signé un accord avec deux universités de l’Empire du Milieu pour lancer un nouveau centre de recherche sino-français, composé notamment de scientifiques de l’Université Hangzhou Danzi et d’experts d’Europlasma. Ainsi, le groupe sera bientôt en mesure de traiter et de valoriser les déchets issus de l’industrie de l’aluminium. « L’alumine issue du traitement des déchets d’aluminium pourra être à nouveau transformée en aluminium. Un prototype d’une capacité de 10 000 tonnes est en cours de préparation, alors que le marché chinois compte des centaines de milliers de tonnes de déchets d’aluminium. C’est une technologie que nous pourrons ensuite exploiter en France et en Europe », se satisfait Jérôme Garnache. Cet accord s’inscrit dans la continuité du déploiement de la technologie plasma du groupe pour vitrifier les cendres volantes d’un acteur majeur de l’incinération de déchets en Chine. « Le prototype de traitement des cendres volantes devrait être finalisé dans le courant de l’année prochaine », ajoute le président directeur général.

Le groupe veut désormais s’attaquer à la dépollution de l’industrie pétrolière. En juillet 2020, il est entré, à hauteur de 49 %, dans le capital de la compagnie pétrolière sud-américaine Field Intelligence Energy. L’objectif est de développer conjointement une technologie capable de neutraliser les éléments dangereux au plus près de leur site de production et d’éviter la pollution des effluents de cette industrie. « Certaines compagnies pétrolières vont nous fournir des échantillons de boues pétrolifères afin de tester des solutions de dépollution fondées sur la vitrification notamment. L’idée, à terme, serait de valoriser ces boues, en récupérant par exemple une partie du carbone », détaille Jérôme Garnache. Cette prise de participation permet ainsi à Europlasma de contribuer à̀ l’émergence d’une nouvelle génération de compagnies pétrolières dédiées à̀ la production de « pétrole vert », qui s’inscrit comme une réponse à l’urgence environnementale.

# Industrie