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Avec le jeu Flight Simulator, Microsoft fait planer le studio Asobo
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Avec le jeu Flight Simulator, Microsoft fait planer le studio Asobo

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C'était l'un des jeux vidéo les plus attendus de 2020 : Microsoft a emballé la critique avec la dernière version de son "Flight Simulator". Aux commandes de ce simulateur de vol ultra réaliste, le studio bordelais indépendant Asobo qui enchaîne les succès et fait rayonner l'ensemble de la filière aquitaine au niveau mondial.

Dans le jeu vidéo "Flight Simulator", le moteur 3D d'Asobo couplé aux images satellites de Bing Maps permettent de recréer la Terre de façon réaliste. — Photo : Microsoft

On ne le soupçonne pas forcément au premier coup d’œil. Pourtant, l’immeuble de la Cité mondiale, niché au cœur du quartier des Chartrons, à Bordeaux, abrite de précieux talents aujourd’hui scrutés dans le monde entier. Le studio de jeux vidéo Asobo (200 salariés, 16 M€ de CA en 2019) s'est vu confier par le géant américain Microsoft le développement de la treizième version de son best-seller "Flight Simulator" et est devenu l'un de ses plus précieux alliés. Ainsi, le 18 août 2020, après avoir passé quatre ans entre les mains expertes d'Asobo, est sortie la toute dernière mouture de ce simulateur de vol, 38 ans après le premier épisode de cette franchise, l’une des plus vieilles de Microsoft. Mais comment un studio indépendant bordelais a-t-il réussi à appâter la firme américaine ?

En 2002, Sebastian Wloch et David Dedeine rachètent les droits de "Superfarm", le jeu sur lequel ils travaillaient alors chez Kalisto (studio de jeux vidéo, créé par Nicolas Gaume, mis en liquidation judiciaire après 12 ans d’existence, NDLR) et fondent Asobo. Rapidement, le jeune studio décroche un contrat auprès d’un éditeur américain pour développer des jeux dérivés de films Pixar, dont "Ratatouille", qui est un vrai succès commercial (écoulé à 2,5 millions d’exemplaires). Le partenaire est satisfait. À tel point que lorsque Pixar vend les droits de plusieurs jeux vidéo à Microsoft, il l’aiguille vers cette petite boîte bordelaise. Microsoft décide de lui confier son jeu "Kinect Hero", un vrai défi technologique et les prémisses d’une relation fructueuse entre Asobo et le géant de Redmond. Au gré de leurs collaborations, Microsoft finit par confier au Bordelais qu’il planche sur un casque de réalité mixte et lui demande de concevoir deux jeux, offerts avec le casque à sa sortie en 2016. « Tout le travail autour de la caméra Kinect puis d’Hololens a contribué à instaurer cette relation de confiance entre nous », commente Grégory Carreau, directeur des opérations d’Asobo.

Dans le sillage des grands

Le savoir-faire technologique d’Asobo largement éprouvé, Microsoft lui confie alors son "Flight Simulator". C’est une technologie en particulier qui intéresse le groupe américain : le moteur 3D d'Asobo. Couplé aux données cartographiques collectées par Bing Maps (le service web de cartographie de Microsoft), il permet de recréer la Terre entière puis de l’afficher en temps réel. Une promesse : des avions légers aux gros porteurs, le joueur peut piloter des avions hautement détaillés, établir son plan de vol, et naviguer de jour comme de nuit face à des conditions climatiques réalistes. Le résultat est époustouflant de réalisme selon les critiques et la communauté de « simers », des joueurs particulièrement exigeants et connaisseurs. Reconnaissance ultime, le jeu décroche l’excellente note de 92/100 sur le site de référence Metacritic. Un mois après sa sortie, "Flight Simulator" avait déjà dépassé le million de joueurs.

Après des années de croissance constante, Asobo passe un cap. « On rentre dans la cour des grands », se félicite Grégory Carreau. Même si, en 2019, le studio bordelais avait déjà signé un beau succès avec "A Plague Tale : Innocence", lui aussi écoulé à un million d’exemplaires un an après sa sortie. Une création maison qui a permis au studio de gagner en notoriété auprès des joueurs, lui qui était jusque-là essentiellement reconnu par les industriels. « Nous voulons équilibrer stratégiquement les projets du type Flight Simulator et nos créations originales. C’est ce que l’on aime faire et c’est aussi un gage d’indépendance pour nous. Le fait de pouvoir proposer différentes typologies de jeux, c’est un véritable atout », insiste Grégory Carreau.

110 salariés dédiés à "Flight Simulator"

Grâce à cette collaboration avec Microsoft, Asobo s’est aussi assuré une source de revenus récurrente alors qu’il était habitué à des modèles plus classiques. Pour le simulateur de vol, des équipes font continuellement vivre le projet. Et tant que le jeu a du succès, Microsoft continue de le maintenir, de l’enrichir et donc d’investir dedans. Actuellement, dans les studios du parvis des Chartrons, 110 personnes sur les quelque 200 salariés de la PME sont dédiées à "Flight Simulator". « Il faut s’occuper des mises à jour, de la maintenance post-lancement. L’équipe continue à améliorer l’univers pour qu’il soit plus beau, plus proche encore de la réalité », détaille Grégory Carreau. Par ailleurs, des avions supplémentaires devraient bientôt être disponibles dans le jeu et une version pour Xbox One est également prévue. Quant à en savoir plus sur le contrat qui relie Microsoft et Asobo (ainsi que la centaine de salariés bordelais directement dédiés à "Flight Simulator"), motus et bouche cousue.

En 2019, Asobo a embauché 69 personnes dont 33 créations de poste, notamment pour répondre aux besoins de "Flight Simulator". Un rythme de recrutement soutenu dans un contexte de tension sur l’ensemble des métiers du numérique, et particulièrement pour des profils d’ingénieurs ou encore de programmeurs online. « Grâce à nos derniers succès et à un écosystème dynamique dans la métropole, nous finissons toujours par trouver les profils que nous recherchons. Mais nous sommes exigeants donc cela peut prendre du temps », concède Grégory Carreau.

Bientôt un déménagement

Les locaux de la Cité mondiale sont devenus trop exigus pour abriter l’ensemble des collaborateurs d’Asobo. L’entreprise devrait prochainement déménager dans un immeuble en construction à Euratlantique, dans le quartier de Brienne. En attendant, en raison de la crise sanitaire, Asobo a mis en place un système de rotation pour qu’un tiers des salariés soit chaque jour en télétravail, tout en garantissant que tous passent du temps au bureau. « C’est difficile à gérer, il faut être à l’écoute des inquiétudes qui peuvent surgir et s’adapter rapidement », explique Grégory Carreau. Quant à la mise en place du télétravail, contrairement aux idées reçues, cela n’a pas été une mince affaire, même pour une entreprise du numérique. « On travaille sur des projets très lourds qui nécessitent un équipement adapté dont on ne dispose pas forcément chez soi », décrit ainsi le dirigeant.

Les perspectives sont prometteuses pour le studio bordelais, sur un marché mondial des jeux vidéo estimé à 120 milliards de dollars en 2019. Cerise sur le gâteau, c’est l’un des rares secteurs à avoir tiré avantage de la crise sanitaire du Covid-19. « Durant la période de confinement, les foyers ont consacré davantage de leur budget loisirs aux jeux vidéo », observe Grégory Carreau. Pour 2020, le chiffre d’affaires de la PME devrait avoisiner les 18 millions d’euros (contre 16 millions en 2019). De quoi laisser espérer une « croissance à deux chiffres du chiffre d’affaires » dans les prochaines années, selon le directeur des opérations. « Nous sommes vraiment chanceux, nous ne courrons pas après les contrats, au contraire, nous en refusons ». La rançon d’une gloire bâtie depuis presque 20 ans.

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