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Aquabio : petite scop devenue (trop) grande
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Aquabio : petite scop devenue (trop) grande

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Photo : Anne Cesbron

L’hiver est là ; remisés les bateaux pneumatiques, les épuisettes et autres outils de prélèvements en milieux aquatiques. En attendant le retour des beaux jours, le temps est aux analyses en laboratoire, aux blouses blanches et aux microscopes. Depuis 20 ans, Bruno Fontan, en sentinelle, scrute les cours d’eau et étudie leur évolution. C’est en 1998, son DESS « Dynamique des écosystèmes aquatiques » en poche, qu’il crée Aquabio, un bureau d’études expert en écologie aquatique. Ses clients : des Agences de l’eau, des collectivités locales ainsi que des industriels. Pendant 4 ans, Bruno Fontan travaille seul. La première embauche de la SARL intervient en 2002. En 2007, Aquabio compte sept salariés et les prévisions de croissance sont optimistes. « L’entreprise grossissait, des choix stratégiques devaient être pris, engageant la vie de mes collègues. Je ne voulais pas les assumer seuls. Je pressentais que pour des questions idéologiques je devais m’intéresser au modèle coopératif, reconnaît Bruno Fontan. Je n’envisageais pas mon rôle au sein de l’entreprise comme celui du chef qui décide pour les autres. La question de la répartition de la richesse créée m’apparaissait également importante ».

Sacrifices et esprit de solidarité

C’est auprès de l’union régionale des Scop que le dirigeant se tourne et qu’il trouve le soutien escompté. La Socoden, outil financier d’aide à la création de scop, investit à hauteur de 20 000 euros. Au capital entrent huit associés, soit l’ensemble des salariés qui s’engagent à verser l’équivalent de 4 mois de salaires brut. Aurélia Berthou, embauchée en 2006, aujourd’hui directrice générale déléguée, se souvient de l’enthousiasme qui portait l’équipe : « Nous étions conscients d’être tous dans le même bateau, prêts à affronter les tempêtes ». La société coopérative et participative Aquabio est née. Cinq nouvelles agences voient le jour sur l’ensemble du territoire national. « Je reste persuadé que nous n’en serions pas là si nous n’étions pas passés en scop », confie Bruno Fontan. Pour preuves, en 2011 et 2012, lorsque de fortes « houles » ont menacé le navire, l’esprit de la scop le maintient à flot. « Nous avons réussi à passer des moments difficiles. Il a fallu consentir à des sacrifices, uneaugmentation du volume horaire sans compensation de salaires par exemple… » En outre, en ces temps de trésorerie difficile, le mouvement coopératif a mis la main au portefeuille, « sans ce soutien financier en fonds propres, les banques nous auraient lâchés ».

Démocratie participative

En interne, l’une des règles d’or du statut coopératif, celle « d’un homme = une voix », est appliquée à la lettre. « Le besoin des associés de s’exprimer et de s’informer est très fort, se félicite Aurélia Berthou. Notre projet stratégique est en réflexion permanente, nous évoluons sur un terreau fertile à l’innovation sociale et technique. » Des commissions thématiques ont été créées : stratégie, communication, vie coopérative, ressources humaines, mécénat et budget. « Pour que chacun puisse continuer à s’exprimer, à proposer, l’assemblée générale ne peut pas constituer le seul lieu d’échanges, indique Aurélia Berthou. Là réside paradoxalement un écueil identifié au fil de cette décennie. Les effectifs ont été multipliés par 10. « Peu de scop ont notre taille. La moyenne française est de 20 salariés ». Réunir près de cent personnes est devenu un véritable casse-tête. Le temps des week-ends de travail en gîte à la campagne est bel et bien révolu.

En novembre dernier un nouveau format d’AG a été expérimenté, en visioconférence depuis Libourne. Une petite révolution ! « Dès le seuil des 20 associés passé, explique Bruno Fontan, nous nous sommes éloignés de l’esprit porté par le groupe quasi fusionnel des premiers associés. L’activité en multi-sites a renforcé cette évolution. » Pour l’heure Aquabio entame une phase de stabilisation. Le chemin parcouru depuis dix ans, sa croissance à deux chiffres, en moyenne à 10 % par an, - 20 % lors du dernier exercice - a accompagné un marché en forte croissance. Mais le vent se lève, un nouvel épisode de houle est même redouté : le budget 2018 du gouvernement prévoit une ponction d’ampleur sur les budgets des agences de l'eau, principales clientes d’Aquabio (70 % du CA). « Nous sommes prêts à affronter ce tourbillon dans un marché qui, par ailleurs, arrive à saturation », prévient Bruno Fontan. Innovation et solidarité coopératives sont plus que jamais convoquées.

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