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Ademeure fait décoller son modèle industriel sur un ancien site d'Airbus
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Ademeure fait décoller son modèle industriel sur un ancien site d'Airbus

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Le concepteur de maisons à ossatures bois Ademeure a remporté l'appel à projets lancé en juillet dernier par l'État et les Voies Navigables de France portant sur l'avenir des bâtiments de l'ancien site Airbus à Langon. Sur ce site monumental, Ademeure va pouvoir passer à la vitesse supérieure : celle de l'industrialisation de sa maison intelligente et écologique.

Thomas Laurentin et Jonathan Duffié, fondateurs d'Ademeure à Langon — Photo : Anne Cesbron

Impossible de la manquer. Alors que l'on vient de quitter le centre-ville de Langon en direction de la Garonne, l'immense coquille vide industrielle, base abandonnée par Airbus, jaillit soudainement. Comme exposés aux quatre vents, abandonnés aux pigeons, ses deux hangars aux dimensions exigées par la construction aéronautique, viennent de trouver leur nouveau locataire pour un bail de 18 ans. Le 21 octobre 2021, Ademeure, constructeur de maisons à ossature bois, était sélectionné par les services de l'État pour réinvestir ces 25 000 m2. Langon et son port fluvial ne verront plus partir les convois exceptionnels lourds des éléments de fuselage de l'A380, ce sont des pans de maisons interconnectables et écologiques qui seront produits ici dès avril 2022.

Une tendance de fond

Depuis 2017, date de sa création, le bureau d'études d'Ademeure, aujourd'hui composé de dix collaborateurs, conçoit un catalogue de maisons individuelles thermiquement performantes. "Nous sommes arrivés à point nommé, dans un contexte de prise de conscience du consommateur, une tendance de fond amplifiée par la pandémie. Le règlement environnemental du ministère de la Transition écologique, RE2020, impose par ailleurs un certain type de constructions pour 2030 ; la norme en matière de maison individuelle sera celle à ossature bois", se félicite Thomas Laurentin, cofondateur d'Ademeure.

À ses côtés, partageant le même enthousiasme, le président, Jonathan Duffié enfonce le clou. "La mise à disposition de ce site va nous permettre de passer d'un modèle de construction à un autre. Nous allons pouvoir y fabriquer des murs dans lesquels seront intégrés de l'intelligence pour les interconnecter, mais également la plomberie, l'électricité et les vêtures intérieures extérieures ", se projette-t-il. Selon ce nouveau modèle, les murs "intelligents" sortis de l'usine, rejoindront directement le chantier pour un assemblage réalisé en une dizaine de jours. Jusqu'à présent sous-traitées, la commercialisation, la fabrication des murs et des cloisonnements intérieurs seront internalisés. La réalisation des charpentes restant confiée à un partenaire.

Réinventer le standard

"Il faut le voir pour le croire. Le grand bâtiment de 80 mètres sur 40, coche toutes les cases. Autoporté, il a été conçu pour qu'y soient convoyés des objets de grandes dimensions. Quant au deuxième bâtiment, haut de 30 mètres, on peut envisager d'y faire du stockage ou d'y engager une première étape de production. Quoi qu'il en soit, c'est tellement exceptionnel que nous sommes obligés de réinventer le standard", confie Thomas Laurentin.

Le nouveau modèle Ademeure s'illustrera en outre sur son catalogue de 26 références. Les dix modèles les plus vendus, appelés en interne les "best of", feront l'objet d'une fabrication industrielle. La quinzaine d'autres maisons développées par le constructeur demeurera proposée dans une gamme sur mesure. Une ambition d'ores et déjà encouragée par le programme régional Usine du futur, qui permet à l'entreprise de recevoir une aide financière pour des investissements machines. "Sur nos lignes de production, nous voulons arriver à un niveau de qualité comparable à celui en vigueur dans l'automobile. Par ailleurs, en contrôlant cette production et en stockant sur site, nous allons faire baisser les prix. Les best of seront tirés sur le plan économique et mieux bâtis sur le plan technologique", promet Thomas Laurentin.

Les deux associés estiment cette baisse de prix à 20 %, ramenant le mètre carré à 1 250 -1 300 euros. Ainsi, de 53 maisons individuelles commandées en 2021, l'entreprise langonaise ambitionne de passer à 300 maisons par an en 2025. Il faudra recruter environ 70 personnes. À l'avenant, le chiffre d'affaires, de 3 millions d'euros en 2020, doit s'élever à plus de 20 millions d'euros.

"Cela s'entend bien entendu si les prix de nos approvisionnements en bois des massifs français ne flambent pas davantage. C'est un vrai sujet pour nous, nous avons subi de plein fouet des augmentations de tarifs colossales", reconnait Jonathan Duffié. "Dès le début de la crise Covid, nous avons allongé nos délais de livraison, de 4 mois et demi à 12 mois contractuellement. Nous avons livré les maisons en 6 mois. Nous avions prévu ce garde-fou car nous présentions des perturbations. Ce sont notamment des éléments de sanitaires et électriques, venus de Chine, qui ont manqué. Pour le bois, nous avons toujours eu accès aux matières premières. Nous avons l'avantage de nous servir en France, notamment dans le massif landais pour les revêtements extérieurs. Désormais nous devons regarder plus loin, ouvrir notre champ des possibles si jamais il y avait trop de problèmes à se fournir en France. Sans cela, nous nous mettrions en danger ", souffle le dirigeant.

Des fonds, l'autre brique capitale

À un site taillé pour les grands gabarits, il fallait adjoindre une autre condition. "Cela fait deux ans qu'on travaille sur cette transition. Il nous fallait de la surface… et de l'argent", rappelle le président. En juillet dernier, alors que le dossier de candidature pour l'appel d'offres était fraîchement déposé, un family office rejoignait le capital d'Ademeure. De l'identité de ces partenaires financiers et du montant de la levée on sait seulement qu'il s'agit de Parisiens et d'un investissement de plusieurs millions d'euros pour une participation minoritaire.

Un projet de filière

Cet alignement de planètes profite par ailleurs d'une mobilisation d'un grand nombre d'acteurs, institutionnels, politiques et privés autour de ce projet. "Lorsque nous avons été officiellement sélectionnés, nous avons réalisé quelle puissance de feu nous accompagnait. Lors du premier comité de pilotage le 21 octobre dernier, pas moins de 17 personnes, des plus grandes administrations françaises étaient autour de la table", se souvient Thomas Laurentin. Face aux dossiers concurrents, lesquels auraient porté des projets logistiques, paysagers ou architecturaux, l'ouverture à d'autres acteurs de la filière bois aurait fait pencher la balance en faveur d'Ademeure. L'entreprise récipiendaire présentait notamment la création d'une école du bois sur le site. "Les parties prenantes, dont l'organisme de formation girondin Batipro, des développeurs de logiciels dédiés au bois, des charpentiers, couvreurs, négociants sont prêts à investir du temps et de la matière pour former bardeurs, couvreurs, dessinateurs… qui manquent cruellement à la filière. Nous sommes très partageurs, pourvu que ce soit valorisant sur le plan social, professionnel et écologique", poursuit Jonathan Duffié.

Temps précieux

Reste à récupérer rapidement les clés de la nouvelle maison d'Ademeure. Pas de temps à perdre. "Les choses se sont accélérées. En remportant l'appel à projets nous avons gagné l'équivalent de 12 à 18 mois. Un temps précieux qui peut faire pivoter l'avenir de l'entreprise", lance Thomas Laurentin, énumérant d'autres partenariats à échafauder : ouvrir l'usine à des visites d'écoliers pour faire découvrir les métiers du bois, sur l'immense dalle de béton organiser un marché ouvert approvisionné par des péniches emplies de fruits et légumes venus d'Occitanie. Et faire naviguer ses éléments de maisons sur les flots de la Garonne… Airbus le faisait bien.

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