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Adam fait flèche de tout bois pour se développer durablement
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Adam fait flèche de tout bois pour se développer durablement

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L’entreprise Adam, spécialiste depuis 1880 dans la fabrication de caisses à vins et d’emballages en bois, est engagée dans une démarche de RSE qui conduit l’ensemble de ses actions. La montée en gamme et en compétences ainsi que le développement d’outils de mesure de ses performances sociales et environnementales en sont les axes prioritaires.

"Nous avons plus que doublé le prix moyen de vente de nos produits en l’espace de dix ans. Nous avons fait de la croissance sans consommer plus, cela avec de la montée en compétences », se félicite Jean-Charles Rinn, PDG d'Adam, entreprise de conception et fabrication d'emballages en bois, basée à Saint-Hélène dans le Médoc — Photo : JDE

Va-t-on voir l’ouverture d’un drive ou d’une boutique dédiée à la vente des produits en bois « made in Médoc » ces prochaines semaines sur la zone d’activité de Gémeillan à Sainte-Hélène ? Il se murmure au sein de la PME Adam (65 salariés, 9 millions de chiffre d’affaires en 2019) qu’une expérimentation de ce type devrait être menée avant la fin de l’année. Pour Jean-Charles Rinn, PDG de l’entreprise, il s’agit d’évaluer un nouvel outil de diversification : « Que ce soit un magasin de vente ici ou à Bordeaux, ou une plateforme d’e-commerce basée sur le très local, nous avons décidé de mettre en test des nouveaux produits et services via des canaux alternatifs de distribution. Aujourd’hui nous sommes en BtoB uniquement, nous pensons que dans une logique de test , travailler au plus près du consommateur final serait un plus  ».

Couverture du risque

Au-delà de la question des produits proposés aux consommateurs, Adam qui produit chaque année un million de caisses, emballages et présentoirs en bois pour les vins et spiritueux, inscrit cette démarche BtoC dans une logique de « couverture du risque ». « Nous travaillons quasiment en mono sectoriel. Nous sommes très forts et reconnus comme tels pour créer une nouvelle caisse ou un nouveau packaging, en revanche on ne sait pas vendre autre chose, un produit qui n’est pas dans notre circuit de distribution, ou dans notre gamme usuelle », reconnaît le dirigeant. Des lampes, des étuis lumineux ont ainsi séduit le public lors de salons professionnels, « mais on n’a pas su transformer l’essai ».

« En 2009, cette PMI, du fait de la typologie qui était la sienne, était condamnée par beaucoup." Jean-Charles Rinn, PDG d’Adam

Dix ans après avoir racheté l’intégralité des parts d’Adam à son associé, hors immobilier, et cinq ans après avoir pris possession d’un nouveau siège et d’une nouvelle usine aux portes du Médoc, Jean-Charles Rinn, fervent défenseur de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), veut accélérer. « En 2009, lors du rachat, cette PMI, du fait de la typologie qui était la sienne - c’est-à-dire une industrie manufacturière, traditionnelle, dans un secteur traditionnel qu’est le bois - était condamnée par beaucoup de monde. Mon objectif était simple : défendre nos emplois. Si je n’arrivais pas à reprendre le flambeau, à racheter mon associé, l’entreprise partait à la concurrence ou à un fournisseur et il y aurait eu de la casse sociale ». Le nouveau PDG parie sur un engagement des 45 collaborateurs d’alors, la motivation ayant souffert d’une décennie de « globalisation », 20 % de l’activité ayant été délocalisée en Asie, principalement en Chine et en Thaïlande. L’activité est à son point bas, de l’ordre de 4,5 millions d’euros. « Alors que nous étions pressés par les gros donneurs d’ordre, les multinationales de vins et spiritueux, au sujet de produits packaging mono bouteille à destination des linéaires des GMS notamment, le jeu consistait à développer des produits pour les faire fabriquer là-bas. À partir de 2005, on ne gagnait plus d’argent sur l’exploitation Adam, sur la production française. On arrivait à tirer un peu notre épingle du jeu via des opérations de négoce, mais on comprenait tous que c’étaient les Chinois qui payaient nos salaires ! », se souvient Jean-Charles Rinn.

Deux axes stratégiques conduisent l’entreprise alors basée à Saint-Médard : la montée en gamme et la recherche de sens qui trouveront leurs premiers échos dans les objectifs de développement durable. Et ça marche ! « En seulement un exercice, à périmètre identique, sans réorganisation industrielle, sans nouvelle machine, on a regagné 100 000 euros après impôts et dette d’acquisition. Pourquoi ? Parce que les gars ont gagné 20 points de productivité directe issue de la main-d’œuvre. Alors qu’on nous poussait à continuer l’externalisation des opérations, on a fait l’inverse », se félicite Jean-Charles Rinn qui salue l’engagement des clients et fournisseurs qui ont maintenu leur confiance.

Une première « enquête capital humain » va accompagner l’engagement de la cinquantaine de salariés. Conduite par l’universitaire Stéphane Trebucq, elle a constitué un point de départ pour juger les points de changement souhaités par le personnel : conditions de travail, rémunération, évolution de carrière, attractivité de l’entreprise, confiance en l’avenir… « La question du partage s’est posée de façon très opérationnelle. Nous avons décidé de mettre en place un intéressement, d’attribuer 7,5 % du résultat avant impôts sur une base égalitaire à l’ensemble du personnel et on a mis en place une mutuelle… ». Les questions relatives au développement durable et aux thématiques sociétales n’étaient jamais loin : « travailler la matière première locale, c’est aussi participer à l’emploi local pour la scierie d’à-côté… ». Un outil de comptabilité carbone était également lancé. À l’aune des résultats encourageants, la construction d’une nouvelle usine pour un investissement global de 6 millions d’euros est actée. En 2015, le nouveau site, le bâtiment et sa charpente en pin illustrent le nouveau départ de la manufacture de caisses.

Entre 2009 et 2019, le chiffre d’affaires double, passant de 4, 5 à 9 millions d’euros. Dans le même temps, la production perd 10 % en volume. « Nous faisons un million de produits finis quand nous en faisions 1 100 000, ce qui signifie que nous avons plus que doublé le prix moyen de vente de nos produits en l’espace de dix ans. Nous avons fait de la croissance sans consommer plus, cela avec de la montée en compétences ». La relocalisation et le management visuel sont également passés par là, avec des outils issus du lean. Pour le volet accompagnement du changement, un responsable RH et innovation sociale, spécialiste en psychologie des organisations de travail a rejoint l’entreprise à mi-temps. « L’idée, c’est d’être content de venir travailler le matin, trouver du sens à ce que l’on fait. Quand un opérateur dit que l’important pour lui c’est d’avoir les moyens de bien faire ses caisses, ce n’est pas fumeux. Mais ce n’est pas non plus uniquement faire le produit qu’un client a demandé, c’est aussi le faire en respectant l’environnement, son voisin, l’équilibre homme-femme, et trouver de l’utilité au plan territorial ».

Sécurisation de la ressource

« En achetant ici plus cher du bois que l’on va passer dans notre scierie, on dégrade notre marge d’exploitation. On sacrifie 250 euros de marge par mètre cube. » Jean-Charles Rinn, PDG d’Adam

Reste que prendre en compte les enjeux de l’urgence climatique à horizon 2030, les 17 objectifs de développement durable des Nations unies, tel que se l’est fixé Adam, pour les intégrer à sa feuille de route opérationnelle, ne va pas de soi. « Selon une logique ancrée depuis 1880 sur une ressource qui est le pin maritime de la forêt des Landes de Gascogne, notre projet est de progresser sur un schéma d’approvisionnement toujours plus local », précise le dirigeant. Actuellement, 30 % de l’approvisionnement provient de Galice, « part sur laquelle nous travaillons, pour la réduire au profit du pin maritime et des fournisseurs locaux. Cela a des conséquences. En achetant ici plus cher du bois que l’on va passer dans notre scierie, on dégrade notre marge d’exploitation. Contre un bois acheté en Galice à 500 euros le mètre cube, nous sortons de notre scierie un bois local à 750 euros, on sacrifie donc 250 euros de marge par mètre cube ». L’objectif est de diviser par deux cette part d’approvisionnement espagnole, à échéance 2030.

Il s’agit du même coup de sécuriser des approvisionnements, tel que le pin radiata, matériau qui a participé à la montée en gamme de la caisse à vin par Adam. Cette essence pousse en Australie, au Chili et en Nouvelle Zélande… mais également au pays basque espagnol en Navarre. Adam vient ainsi d’entrer au capital de Nisa, unique entreprise à exploiter cette essence dédiée au marché du luxe. « Nous avons décidé d’aider ces collègues avec lesquels nous travaillons historiquement et pour qui nous avons de l’estime, ce qui nous permet de sécuriser une source d’approvisionnement unique pour servir nos clients prestigieux ».

Valeur ajoutée

Mais l’actualité pour Adam, c’est aussi la fermeture le 30 juin dernier de son site rémois (3 salariés) pour rapatrier sur son site girondin les opérations de fabrication de caisses en peuplier des vins de Champagne. « Cela faisait plus de dix que nous soutenions cette entreprise et ce tout petit marché », concède Jean-Charles Rinn. Aucune opération de croissance externe n’est pour l’heure envisagée Adam préférant consacrer ses forces « au mode collaboratif », ainsi que la PME le pratique aux côtés notamment de la TPE Gaspin à Durance (Lot-et-Garonne) ou de l’industriel landais Lesbats, respectivement fabricant de panneaux en pin maritime et scierie. « Nous partageons la même philosophie, à la fois sur la gestion de la ressource et sur les problématiques sociales. Ça développe de la valeur ajoutée, ce que ne permet pas une relation commerciale pure et dure. En PME nous avons les facultés à nous ouvrir sur nos parties prenantes, à être inclusif, tel que nous l’enseignent aussi le monde associatif et l’économie sociale et solidaire », conclut le PDG convaincu que les « vrais rapports gagnant-gagnant » résident dans l’intelligence collective et la culture du partage. Jean-Charles Rinn compte d’ailleurs bien prouver que les formules incantatoires ne suffisent pas. Qualifier le rapport entre engagement RSE et performance économique, concevoir des outils permettant de faire des choix économiques, esthétiques, de fonctionnalité, d’utilité, en toute connaissance de cause, voilà le terrain, secoué par les nouvelles urgences sanitaires, sur lequel Adam souhaite faire fructifier ses compétences ces prochaines années.

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