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Thierry Gardon (tribunal de commerce de Lyon): « La conciliation et l’anticipation des difficultés sont mes priorités »
Interview Lyon # Juridique

Thierry Gardon président du tribunal de commerce de Lyon Thierry Gardon (tribunal de commerce de Lyon): « La conciliation et l’anticipation des difficultés sont mes priorités »

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À 58 ans, Thierry Gardon, président de Jost Participations, holding familial de prises de participations dans le textile, agriculture, conseil et commerce international, prend pour quatre ans la tête du tribunal de commerce de Lyon. Il souhaite orienter son mandat au sein du troisième tribunal de commerce de France en volume d’affaires traitées vers l’appui concret aux dirigeants.

Thierry Gardon, nouveau président du tribunal de commerce de Lyon, entend mieux aiguiller les patrons en difficulté — Photo : Audrey Henrion

Le Journal des Entreprises : Quel est le grand projet de votre unique mandat comme président ?

Thierry Gardon : Les quatre ans qui viennent seront employés à ajouter de l’humain dans cette juridiction consulaire. Le constat est cruel : quand un dirigeant entre en Chambre du conseil, il est chef d’entreprise. Mais quand il en sort, il a le sentiment de n’être plus rien. Il n’a pas le droit aux indemnités chômage, il perd son bureau, bien souvent sa voiture car celle-ci est rattachée à l’entreprise. Certains n’ont plus de résidence personnelle car ils ont tout mis dans leur société et dorment sur un matelas, caché des collaborateurs, sans parler de l’environnement social et familial qui est également très impacté.

Vous n’êtes pas le premier à dresser ce constat. Qu’espérez-vous changer ?

Thierry Gardon : Je souhaite m’inscrire dans un cadre judiciaire afin qu’à l’issue de l’audience l’on puisse adresser simultanément ces dirigeants vers le mandataire judiciaire pour traiter le dossier, mais aussi vers des associations comme 60 000 Rebonds et Second souffle. J’ouvre également des discussions avec les organismes sociaux pour l’accompagnement des salariés de petites structures. Enfin, j’ai demandé à tous les mandataires judiciaires d’élargir leur plage d’accueil téléphonique pour les salariés de ces TPE ou petites PME.

Vous mettez aussi l’accent sur le Mard, mode alternatif de règlement des différends. De quelle façon ?

Thierry Gardon : L’article 21 du code de procédure civile indique qu’il faut chercher à concilier les parties en litige avant tout jugement. Cela est pertinent lorsque deux commerçants s’opposent. Mais c’est aussi possible sur de plus gros dossiers. Les avantages sont multiples : l’affaire est traitée plus vite, il n’y a pas de risque de recours, les coûts engendrés sont moins importants… En 2019, sur 2 072 affaires de contentieux général, 663 ont fait l’objet d’une convocation de Mard, et 220 ont abouti. C’est une proportion correcte, il convient maintenant d’accroître le volume mais surtout la qualité des traitements, y compris en mettant à disposition des juges des outils de travail collaboratif. Et pour cause : ce type de procédure n’entre pas dans le suivi opéré par les greffiers. Tout le travail revient aux juges qui, je le rappelle, sont bénévoles.

La prévention des procédures collectives reste-t-elle aussi un enjeu important ?

Thierry Gardon : La prévention détection et la prévention traitement sont des outils qui permettent de maintenir les difficultés des entreprises sous le sceau de la confidentialité. Le dirigeant peut franchir le seuil du tribunal de commerce et rencontrer un juge dans un cadre confidentiel, s’il connaît une cessation de paiements depuis moins de 45 jours. Nous sommes aussi alertés en cas de non-dépôt des comptes, d’inscription de privilèges, de requête en injonction de payer, etc. Nous pouvons alors convoquer les dirigeants et élaborer des pistes de sorties de crise. Ce rôle doit sans cesse être réaffirmé.

Votre compagne et votre fils sont tous deux avocats spécialisés dans les contentieux ou les procédures collectives. Comment pouvez-vous garantir votre probité de président ?

Thierry Gardon : Je suis juge depuis 2010 et mon fils est devenu avocat en 2015 et est dans le même cabinet depuis 2013. Depuis sept ans, les dossiers qui concernent ces deux cabinets me sont totalement occultés et sont orientés vers d’autres juges. Aujourd’hui, ces dossiers parviennent au vice-président sans que l’existence même de ces dossiers ne soit portée à ma connaissance. Si j’ai été élu, c’est parce que j’ai pris depuis 2013 ces mesures d’étanchéité en toute transparence.

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