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Symbio : « Nous tablons sur un début d’exploitation à Saint-Fons en 2023 »
Interview Lyon # Production et distribution d'énergie

Fabio Ferrari fondateur et président exécutif de Symbio Symbio : « Nous tablons sur un début d’exploitation à Saint-Fons en 2023 »

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Co-entreprise de Michelin et Faurecia, la pépite régionale de l’hydrogène Symbio (CA 2019 : 4,5 M€ ; 250 salariés) s’apprête à démarrer la construction de sa future usine de production de kit de piles à hydrogène à Saint-Fons en novembre. Sans attendre, elle a pris place à Vénissieux, sur le site USIN Lyon Parilly (ex-Bosch) pour démarrer ses tests et débuter sa production. Fabio Ferrari, son fondateur et président exécutif, se projette désormais sur les grands enjeux qui guident l’aventure Symbio.

"L'enjeu est de bâtir une stratégie industrielle de surdimensionnement qui permet d'être tout de suite beaucoup plus compétitifs en termes de prix et de ne pas s'appuyer sur des subventions pour réaliser des ventes", avance Fabio Ferrari, fondateur et président exécutif de Symbio — Photo : Symbio

Pourquoi la pose de la première pierre de votre future usine à Saint-Fons (140 millions d’euros d’investissement) a-t-elle été reportée en novembre ?

Fabio Ferrari : Nous nous sommes résolus à décaler la pose de première pierre de notre future usine en raison de l’impossibilité d’organiser des rassemblements en cette période de crise sanitaire. Peu de personnes auraient pu se déplacer et nous aurions raté l’événement. Ce n’est en rien une décision structurelle. Le projet est toujours sur les rails même s’il a été un peu ralenti par le Covid. L’objectif est de s’installer le plus rapidement possible à Saint-Fons.

Comment cette période de crise s’est-elle, justement, déroulée pour Symbio ?

Fabio Ferrari : L’épidémie du Covid-19 a chamboulé l’organisation. La première étape a d’abord été de protéger les salariés en mettant 80 % de nos 250 salariés en télétravail. Mais, l’entreprise a pu continuer de fonctionner. Ensuite, nous avons dû arrêter temporairement les tests que nous réalisions sur les bancs d’essai ainsi que la production, deux activités où nous avons besoin d’être spécifiquement présents sur site. N’étant pas encore en situation de grande production, nous avons été peu impactés. Dès que nous avons pu réorganiser nos sites (Fontaine (38), Vénissieux (69), Le Bourget-du-Lac (73) et Pully en Suisse, NDLR), les tests ont pu reprendre.

Avez-vous eu recours à des mesures de chômage partiel ?

Fabio Ferrari : Seuls les salariés de la production ont été placés en chômage partiel. En revanche, ceux qui réalisaient les tests ont pu continuer à travailler depuis leur domicile pour avancer sur le design ou approfondir les résultats d’études antérieures.

« Aujourd’hui, nous pouvons produire moins de 50 000 unités par an contre 200 000 visées à Saint-Fons. »

La crise a-t-elle affecté vos revenus ?

Fabio Ferrari : Nous avons la chance d’avoir deux actionnaires de référence suffisamment forts, bien qu’ils aient, eux aussi, souffert de la crise. Nous avons également mis en place des mesures de cash protection pour éviter de surdépenser pendant cette période. Ces mesures d’économies étaient d’ordre préventives. Avec la trésorerie que nous avions pour financer le développement des produits, nous avons pu passer la crise sans difficulté.

Quel est le planning de votre déploiement dans la métropole de Lyon ?

Fabio Ferrari : Nous pensons qu’il nous faudra deux à trois ans pour prendre possession de l’usine de Saint-Fons et tablons sur un début d’exploitation en 2023. En attendant, nous avons mis en place des moyens de production et quelques bancs d’essais pour développer et produire de manière temporaire à Vénissieux.

Symbio conçoit des kits de piles à hydrogène qui peuvent être intégrés dans plusieurs formats de véhicules électriques — Photo : Symbio

En attendant vous êtes installés sur le site « USIN Lyon Parilly » à Vénissieux, à quelle fin ?

Fabio Ferrari : Cette installation temporaire nous permet de commencer immédiatement la production dans de très beaux locaux. Nous y accueillons déjà 50 salariés et continuons de recruter. Le site est seulement un peu limité en taille et situé à proximité d’habitations. Lorsque nous serons installés dans la Vallée de la Chimie, nous n’aurons plus ces contraintes et disposerons d’une capacité de production bien supérieure. Aujourd’hui, nous pouvons produire moins de 50 000 unités par an contre 200 000 visées à Saint-Fons.

Comment comptez-vous monter en puissance ?

Fabio Ferrari : Nous souhaitons, à terme, installer la R & D sur notre site de Saint-Fons. Il s’agit du cœur du développement de Symbio. Nous avons commencé par la mise en place de bancs d’essai à Vénissieux qui seront ensuite déplacés à Saint-Fons. Nous développons également des lignes pilotes pour tester la facette industrielle de notre production. Lorsque notre usine sera prête, nous quitterons définitivement Vénissieux. Ensuite, nous pourrons aller encore plus loin sur la production. Il faudra regarder l’endroit qui sera le plus approprié aux développements de nos lignes de production. Mais nous souhaitons que ce soit à Saint-Fons.

« Il serait regrettable que nous soyons obligés de mettre la partie industrielle ailleurs qu’en France »

Cette capacité de production dépend-elle de la stratégie hydrogène que doit présenter le gouvernement à l’occasion du plan de relance à l’automne ?

Fabio Ferrari : Le volume de lancement dépendra de la stratégie nationale lancée par le gouvernement. Si le plan hydrogène est noyé dans un plan de relance, on resterait très loin derrière l’Allemagne et surtout l’Asie. L’Allemagne a décidé d’engager 9 milliards d’euros pour développer la filière hydrogène. Il est certain que si la France met un montant similaire, l’ensemble des projets de la filière hydrogène prendra une tout autre ampleur.

Quelles sont vos attentes vis-à-vis de ce plan de soutien ?

Fabio Ferrari : Nous espérons que la France suive la décision allemande. On a la chance, en France, de disposer d’une très forte expertise scientifique dans l’hydrogène. Il serait regrettable que nous soyons obligés de transférer la partie industrielle à l’étranger. Pour rester compétitifs à l’international, il faut utiliser les mêmes armes. Quand l’Allemagne met autant d’argent sur la table pour soutenir la compétitivité de son industrie, c’est pour s’affirmer face à la Chine. Si la France ne suit pas la trajectoire initiée par l’Allemagne, nous prendrons une longueur de retard.

Souveraineté et compétitivité sont les principaux enjeux de cette stratégie nationale, selon vous ?

Fabio Ferrari : L’enjeu est de bâtir une stratégie industrielle de surdimensionnement qui permet d’être tout de suite beaucoup plus compétitifs en termes de prix et de ne pas s’appuyer sur des subventions pour réaliser des ventes. Nous avons besoin d’être aussi compétitifs que l’Asie et la Chine. Il faut donc s’occuper à la fois du déploiement des infrastructures d’usages mais aussi de toute la partie industrielle. Si l’on fait l’un sans l’autre, nous allons nous retrouver dans la même problématique que celle des panneaux solaires, c’est-à-dire qu’on en installe beaucoup mais ils sont fabriqués pour l’essentiel en Chine. La logique est la même que pour les batteries. Notre chance aujourd’hui, est de disposer de deux constructeurs nationaux (Renault et PSA, NDLR), très bien positionnés à l’échelle mondiale sur les utilitaires hydrogène.

Cette crise ayant éprouvé les constructeurs automobiles, ne craignez-vous pas qu’ils limitent leurs investissements ?

Fabio Ferrari : C’était, bien sûr, un risque mais on s’aperçoit que ce ne sera pas le cas. Revenir sur les technologies anciennes en investissant dans le diesel, par exemple, enfoncerait les constructeurs dans un retard irrattrapable par rapport à la Chine. C’est comme si on mettait de l’argent dans des centrales à charbon aujourd’hui, ça n’aurait pas de sens. Notre meilleur ambassadeur est Jean-Dominique Senard (PDG de Renault, ex-président de Michelin, NDLR) qui pousse au développement de l’hydrogène. Il est convaincu que cela nous permettra de conserver notre souveraineté automobile mais également en terme énergétique, puisque l’hydrogène sera produit en Europe.

La France a engagé un appel à manifestation d’intérêt (AMI) le 27 janvier 2020 pour structurer la filière hydrogène. Cet AMI s’inscrit plus largement dans le cadre d’un Projet Important d’Intérêt Européen Commun (PIIEC ou IPCEI) dédié à l’hydrogène. Ce dispositif européen vise à favoriser des projets d’intérêt transnational dans des domaines stratégiques. Qu’en attendez-vous ?

Fabio Ferrari : L’Allemagne s’est positionnée comme coordinatrice de l’IPCEI qui vise à accompagner et bâtir toute la partie d’industrialisation de l’hydrogène au niveau européen. Ce méga-projet autour de l’hydrogène a pour objectif de structurer la filière industrielle de l’hydrogène et de financer des projets d’envergure. Le projet de développement industriel de Symbio entre dans ce dispositif. Nous venons d’ailleurs de déposer notre dossier pour l’IPCEI.

Plus largement, quel regard portez-vous sur la vision politique française en la matière ?

Fabio Ferrari : Je suis convaincu que ce qui est fait en Auvergne-Rhône-Alpes avec Zero Emission Valley, assorti de moyens de financements, peut être partagé au niveau national. Les suites données à l’AMI du 27 janvier seront déterminantes pour la suite et permettront d’éviter de reproduire le retard que l’Europe a aujourd’hui sur la batterie.

« La compétition automobile amène cette créativité que nous comptons récupérer ensuite pour les camions par exemple »

Une nouvelle majorité arrive à la Métropole de Lyon. Avez-vous déjà pu discuter avec Bruno Bernard, son nouveau président ?

Fabio Ferrari : Nous n’avons pas eu l’occasion d’échanger avant son élection, mais nous allons certainement nous rencontrer prochainement. Je ne suis pas inquiet, au contraire. Si nous ne défendons pas des valeurs écologiques, je ne sais pas qui le fait. On veut justement créer une industrie innovante pour parvenir à une mobilité durable et propre.

Symbio a rejoint avec Michelin le projet Mission H24 visant à faire émerger une catégorie hydrogène aux 24 Heures du Mans en 2024. Pourquoi s’engager dans la course automobile ?

Fabio Ferrari : Dans le sport automobile, l’avenir est à l’électrique. Pour faire de l’endurance, c’est plus compliqué et il n’y a que l’hydrogène qui permet de répondre aux contraintes d’une course de ce type. Ce partenariat nous apportera une accélération en termes d’innovation. Avec les 24 Heures du Mans, nous allons dépasser nos limites. La compétition automobile amène cette créativité que nous comptons récupérer ensuite pour les camions par exemple. Évidemment, ce type de projet est aussi un moyen de vulgariser la technologie et de faire connaître au plus grand nombre l’existence, la performance et la fiabilité de la mobilité hydrogène.

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