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Simon Hoayek (Byblos Group) : « La sécurité privée doit répondre aux nouvelles menaces »
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Simon Hoayek PDG de Byblos Group Simon Hoayek (Byblos Group) : « La sécurité privée doit répondre aux nouvelles menaces »

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Agents de sécurité armés, lutte contre les drones malveillants, analyse des mouvements de foule : Simon Hoayek, dirigeant lyonnais de Byblos revient sur les profondes évolutions que connaît le métier de la sécurité privée et évoque ses projets en gestation.

— Photo : Byblos

Le Journal des Entreprises : Après le grand bond en avant généré par l’Euro 2016, comment se porte Byblos ?

Simon Hoayek : Nous avons consolidé notre chiffre d’affaires (54 M€ en 2017), en légère hausse par rapport à 2016. En 2018, on se concentre sur la consolidation des investissements - 1,5 million d’euros en 2017, essentiellement pour renforcer le top management - et l’intégration de nouveaux marchés, qui s’élèveront à 10 millions en fin d’exercice 2018.

De l’agression d’un pickpocket jusqu’à l’attaque terroriste en passant par les cyberattaques, comment s’organise Byblos pour répondre à la demande de sécurité ?

S.H. : Nous avons beaucoup grandi depuis 2016 et l’Euro de football : 1 820 collaborateurs en CDI au 31 mai 2018 répartis dans sept filiales. Sécurité humaine, événementielle, technique, accueil, formation, ainsi que les "petites dernières" que sont la protection rapprochée, la sécurité armée et la lutte anti-drones avec Roboost. D’un point de vue organisationnel, nos collaborateurs sont attachés à 19 unités d'affaires, chacune pilotée par un directeur disposant d’une grande autonomie d’action pour manager environ 200 vigiles en se reposant sur les fonctions supports.

Que va changer, pour Byblos, la nouvelle loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme qui prévoit davantage de collaboration entre forces régaliennes et sécurité privée ?

S.H. : Depuis notre création, nous nous appuyons sur le "faire-ensemble" avec nos clients, comme à nos débuts avec la Ville de Lyon. Cette habitude demeure.

Pour la Tour Eiffel, les Fêtes de Bayonne, la Fête des Lumières, nous nous considérons comme "coproducteurs" de la sûreté, y compris avec les services publics. La nouvelle loi prévoit davantage de partage de l’information avec la force publique, nous y sommes prêts.

Et d’un point de vue de « l’offre » de sécurité privée ?

S.H. : Nous avons créé B-Guard, filiale dédiée à un métier très nouveau, celui des agents de sécurité armés (une évolution possible depuis le 1er janvier 2018, NDLR). On n’imaginait pas une telle filiale il y a encore quelques années. Aujourd’hui, les entreprises de sécurité participent à la construction d’une sécurité civile et leur rôle est complémentaire de celui des forces régaliennes. B-Guard devrait peser pour 2 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2018.

La société est-elle prête pour une telle évolution de la sécurité ?

S.H. : Je le pense. À la condition d’apporter une garantie qui écarte le dérapage. Nos personnels ont une mission très précise, des équipements ad hoc, une moralité éprouvée par le Conseil national des activités privées de sécurité et les services de préfecture. Si on subit une attaque armée, la seule façon de neutraliser l’assaillant est d’avoir une arme. Ce qui impose un travail de formation, d’accompagnement technique et psychologique. Nous avons aussi créé, en avril dernier, B-Guard Protection, filiale dédiée à la sécurité des personnalités. Les agents peuvent être armés ou pas, auquel cas on fait une demande d’autorisation de port d’arme.

Quels sont les projets sur les rails ?

S.H. : La création d’une huitième filiale dédiée au profilage, avec des physionomistes-analystes. Dans le secteur de la sûreté, ce dispositif est l’un des plus fiables au monde. Les physionomistes sont placés à distance du site et peuvent signaler des comportements suspects permettant une intervention plus rapide, à condition d’obtenir une autorisation préfectorale pour surveiller la voie publique.

« Nous nous considérons comme "coproducteurs" de la sûreté, y compris en collaboration avec les services publics. »

Nous proposerons aussi de l’analyse de mouvement de foule, de l’analyse vidéo permettant de détecter des expressions traduisant une menace. Notre première formation, d’une dizaine de personnes, ouvre en septembre.

Le groupe Byblos n’est pas présent à l’international. L’aventure est-elle trop risquée ?

S.H. : C’est justement un dossier qui m’occupe à 100 % et qui m'a poussé à passer les rênes de la France à Roméo Jacob, directeur général associé aux côtés de Gilles Sagnol, recruté récemment. L’international est un facteur d’accélération : observer comment la sécurité est pensée en France par nos concurrents nous apporte peu. Mais quand je voyage, j’observe les méthodes, les technologies. Il m’incombe de travailler à des propositions nouvelles.

Lesquelles ?

S.H. : Nous avons des pistes de partenariat pour opérer du transfert de compétences, notamment avec le Sultanat d’Oman. Nous avons créé une société aux États-Unis avec nos partenaires locaux, à Orlando (Floride). Et surtout nous allons franchiser Byblos en Europe (Italie, Espagne…) en marketant davantage nos méthodes pour les rendre duplicables et en créant une hotline en France nous rendant disponibles à tout moment. Ce projet nécessite encore deux bonnes années avant de voir le jour.

Quelle est la place de la prospective dans votre stratégie de développement ?

S.H. : Aujourd’hui il faut "designer" la sécurité, tout en faisant en sorte qu’elle génère un sentiment de sécurité et en étant économiquement viable. Si un événement est sécurisé, une société, une ville est attractive, et rentable. Ce besoin exige la naissance de nouvelles compétences, d’où notre proximité avec les écoles et universités. On a créé le club sécurité de l’INSEAD pour répondre aux besoins du monde de demain. J’interviens aussi dans un Master de la sécurité Intérieure à l’Institut Léonard de Vinci, à Courbevoie.

Quelle est l'opération qui a marqué l'histoire de Byblos ?

S.H. : Durant l’Euro 2016, nous avions six "fan zones" à protéger. Notre objectif étant de créer un fort sentiment de sécurité, il fallait écarter le stress, le conflit, isoler les facteurs perturbateurs. Ainsi nous avons composé trois équipes : une pour le contrôle et la palpation, une autre pour gérer le "bien-être" de l’équipe opérationnelle (pause, boisson) et une dernière intervenant uniquement sur les cas complexes (un refus de contrôle, une personne ivre etc.). On a ainsi monté une équipe sereine, souriante, très rassurante. Ce dispositif simple conjugué à une très bonne coopération avec les forces de l’ordre est, je crois, devenu une référence technique dans le métier.

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