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"Proptech" : ces dix pépites lyonnaises qui disruptent l'immobilier
Enquête Lyon # Immobilier # Innovation

"Proptech" : ces dix pépites lyonnaises qui disruptent l'immobilier

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Seraient-elles les laissées pour compte de la galaxie French Tech ? Alors que les jeunes poussent se structurent par thèmes (sportech, cleantech, deeptech, foodtech, healthtech…), il n’existe pas encore, à Lyon, de structure faîtière pour la "Proptech", une catégorie d'entreprises qui promet "d'ubériser" le secteur immobilier. Pourtant, elles sont de plus en plus nombreuses... et de plus en plus solides.

Si elle ne décolle pas encore, la filière lyonnaise de la Proptech s'organise : en juin, une trentaine de start-up locales de l'immobilier se sont réunies à l'initiative de Sacha Boyer, cofondateur et PDG de MyNotary, et Guillaume de Sousa, cofondateur et PDG de MeilleureVisite — Photo : Brice Robert – OnlyLyon

Né en juin 2018 à Nantes, le mouvement national French Proptech (pour "technologies au service de l'immobilier") recense 2 800 emplois dans 140 start-up et, depuis la naissance des premières d’entre elles, 280 M€ de fonds levés. Le point commun de ces jeunes pousses ? La volonté de « révolutionner » l’expérience immobilière : construction, aménagement, transaction, promotion, gestion d’actifs, optimisation de la vacance des logements, ingénierie financière, fluidification juridique… Ces start-up utilisent le numérique pour faire mettre en relation des acteurs tricolores du secteur immobilier qui n’ont pas l’habitude de se croiser.

À Lyon, des dirigeants s’organisent pour peser auprès de la filière immobilière classique : Sacha Boyer, cofondateur et PDG de MyNotary, représente « officiellement » French Proptech au niveau local, tandis que Guillaume de Sousa, cofondateur et PDG de MeilleureVisite et Corentin Le Moal (Econhomes), réuniront en septembre une trentaine de jeunes pousses dans les locaux du nouveau bâtiment totem du numérique lyonnais H7. Portrait de dix pépites locales de la Proptech en devenir.

Location

Chez Nestor
Née en 2015 sur les bancs de l’école de commerce lyonnais Esdes, Chez Nestor (30 salariés, 4,6 M€ CA 2018) a bien grandi. Désormais présente à Montpellier, Paris, Lille et Toulouse et bientôt à Bordeaux, elle simplifie les démarches des jeunes actifs en recherche d’une colocation « facile » et rassure les propriétaires de biens en centre-ville qui ont l’assurance de percevoir leur loyer sans risque d’impayé, « qu’il soit ou non occupé à 100 % » indiquent les fondateurs et uniques actionnaires, Louis Bonduelle et Hubert Dubois, 27 ans. Chez Nestor, gestionnaires de 1 000 chambres dans les cinq métropoles, se chargent aussi de meubler et remettre en état les logements.

Meilleure visite
Le site propose de numériser un logement en moins de trois minutes. Centrée sur les logements en gestion locative filmés en mode « street view », la start-up lyonnaise fondée il y a quatre ans par Guillaume de Sousa compte 7 salariés et « double son chiffre d'affaires tous les ans ». Pour ses clients, comme Oralia ou Foncia, le site offre une visibilité complète du parc locatif en un clic et rassure les propriétaires qui ont rarement l'occasion de voir l’état de leur bien.

Hub-Grade
Fondée il y a quatre ans par Brieuc Oger (20 salariés, entre 1,2 et 1,5 M€ de CA), la start-up qui pilote notamment l’espace locatif d’H7 projette d’ouvrir un bureau à Lille et Nantes ou Bordeaux en 2019. Sa proposition : faire « matcher » la demande de locaux de TPE, PME ou start-up avec l’offre existante.

Gestion

L'équipe d'Econhomes — Photo : Econhomes

Econhomes
Leurs interventions feraient baisser les factures des copropriétés de 20 % en moyenne. Anciens acheteurs, les trentenaires Corentin Le Moal et Pierre-Emmanuel Cochet se sont lancés fin 2018 dans l’optimisation des charges de copropriétés. L’offre : analyser les contrats et proposer un diagnostic et des actions gratuites aux syndics et conseils de syndic. La société lyonnaise se rémunère pendant deux ans en partageant à 50/50 les économies réalisées, puis 100 % de ces économies reviennent à la copropriété. Les dirigeants, installés avec cinq salariés à H7, tablent sur 2 M€ de CA en 2021.

Copromatic
L’entreprise de Villeurbanne fondée en 2013 (CA 2018 : 200 000 € / 12 salariés) développe un logiciel SaaS de gestion comptable et administrative pour faciliter la gestion des copropriétés gérées en syndic bénévole et professionnel. « Notre logiciel de gestion permet de rénover une profession peu innovante et éloignée du digital », plaide Rémi Darricau, un des fondateurs, qui annonce 700 copropriétés gérées. La start-up, qui vend par abonnement, doit lever 1,2 M€ à l’automne pour accélérer sur le plan commercial.

Promotion

Le configurateur de Show You — Photo : Show You

Show You
Cette société lyonnaise permet à l’acheteur d’un bien vendu sur plan d’exprimer ses souhaits de modification sur un logiciel SaaS tout en suivant l’impact sur les coûts. Le promoteur travaille sur le même document utilisable en chantier, ce qui évite des erreurs – fréquentes dans ce genre d’opération. Avec 10 salariés, Show You a réalisé 225 000 € de CA en 2018, 800 000 € en 2019. Elle cherche à lever 750 000 € en equity pour lui permettre de déployer son réseau commercial, d’améliorer la solution SaaS pour les particuliers et de lancer une version BIM (langage commun aux corps de métiers du bâtiment).

Virtual Building
L’une des plus anciennes "Proptech" de notre sélection, Virtual Building, développe des applications pour permettre à des promoteurs de mieux vendre leurs biens sur plan en 3D relié à un logiciel de gestion de la relation client. Fondée en 2013 à Lyon par l’architecte Christophe Bertrand (créateur de Asylum), la société compte 21 salariés pour 1,7 M€ de CA en 2018 (350 000 € en 2015) et un chiffre d’affaires de 2,5 M€ d’ici à 18 mois. « Nous proposons à nos clients de s’immerger dans une ambiance, de découvrir la vue, de cerner l’ambiance, la lumière d’un logement » décrit Morgane Benoit, directrice commerciale. Membre de French Proptech, la start-up se rapproche d’autres jeunes pousses pour "brancher" des innovations sur ses solutions.

Promy
Permettre à des propriétaires particuliers de connaître la valeur de leur terrain et de le valoriser auprès de promoteurs, voilà la proposition de Promy.fr. Une fois le potentiel estimé, la jeune pousse lyonnaise propose à la vente le terrain aux promoteurs. La promesse : des propositions d’achat après 72 heures. Après près de deux ans de développement, le dirigeant Romain Solenne vient de mettre le site en ligne. La marketplace sera ouverte pour le département du Rhône le 1er septembre. L’opération est gratuite pour les particuliers puisque l’entreprise se rémunère via l’abonnement vendu aux promoteurs et comme apporteurs d’affaires auprès de ces derniers.

Lumeeo
L’ancien étudiant en droit Simon Hamelin, 27 ans, a importé une solution américaine, Matterport, qui propose des visites virtuelles en 3D. « Nous étions parmi les premiers à l’exploiter à France, revendique le jeune dirigeant qui a créé la société Lumeeo à Lyon. Nous basculons désormais sur une plateforme où nous proposons cette prestation à des agents immobiliers indépendants, en y ajoutant une panoplie de service telle qu’une place de marché, de l'aménagement intérieur, ou encore des vidéos d’extérieurs filmées par des drones ». Avec quelques clients tels que Winky ou le réseau d’agents indépendants Efficity, Lumeeo espère doubler son chiffre d’affaires (75 000 € en 2018) cette année.

Transaction

MyNotary
Plateforme de simplification des démarches juridiques liées à la vente d’un bien, MyNotary.fr a été fondée fin 2015 par Sacha Boyer. Avec 22 salariés à Lyon et 8 à Paris, elle propose aux agents immobiliers, notaires, banquiers et assureurs de traiter et stocker les données relatives aux biens sur un seul espace virtuel, du mandat jusqu’à l’offre d’achat en passant par le compromis et le financement. Après quatre ans d’activité, elle revendique l’abonnement mensuel de 7 500 professionnels immobiliers, 2 300 études notariales et 15 000 dossiers traités l’an dernier. Alors qu’il réalisait 214 000 € de chiffre d’affaires en 2017, Sacha Boyer ne livre plus cet indicateur. « Nous visons entre 500 et 800 % de croissance sur les six prochains mois », indique l’homme de droit, qui n’a pas encore tranché entre croissance organique ou ouverture du capital.


Interview « Dans l’immobilier, les usages changent en trois mois »

Entretien avec Renaud Sornin, fondateur d'Attestation Légale et président de French Tech One Lyon Saint-Etienne

Lyon, qui s’autoproclame « smart city » (ville intelligente, connectée), semble plutôt méconnaître les start-up de la filière Proptech et être en retard, à côté de Nantes ou Bordeaux. Comment l’expliquer ?

R. S. : Lyon s'implique dans la « smart building alliance » et l'a concrétisé avec la ville intelligente dans le quartier Confluence, elle n’a donc pas de raison de bouder ces nouveaux acteurs. L’engagement récent de groupe immobilier Icade au sein du nouvel incubateur H7 pour créer une verticale sur la digitalisation de l’immobilier en témoigne. Le problème n’est pas que les entreprises locales sont « étanches », mais que l’immobilier se renouvelle tous les dix ans. Raison pour laquelle ce secteur industriel est l’un des derniers à ne pas être digitalisé.

Estimez-vous qu’il faudra du temps pour que ces nouveaux entrants bousculent le monde de l’immobilier ?

R. S. : Non, car les usages changent en trois mois ! Regardez les garnisons de trottinettes électriques qui fleurissent en ville et n’existaient pas il y a un an. Même si un bâtiment vit 50 ans, ses usages sont bousculés… les Proptech en sont pour quelque chose. Et elles s’imposeront d’autant plus vite que la communauté est en train de s’organiser.

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